Rapport Giampino : 108 propositions pour "refonder" l’accueil du jeune enfant

Sylviane Giampino a remis hier, lundi 9 mai, son rapport sur le développement du jeune enfant, les modes d’accueil et la formation des professionnels à la Ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes, Laurence Rossignol. Un volumineux rapport de 200 pages présentant 108 préconisations.
Un véritable « rapport-guide » comme s’est plu à le qualifier la Ministre, tant elle souhaite que chacun, à son niveau, puisse s’en emparer pour y puiser idées et bonnes pratiques : collectivités, responsables d’associations, entreprises de crèches ou directeurs de structure. Ce que Sylviane Giampino, elle-même avait suggéré à la fin de sa présentation en concluant : « Mon ambition est que ce rapport soit dépecé, pillé. » L’idée étant bien entendu avec ce rapport de faire évoluer les choses en profondeur.
C’est un énorme travail qu’a animé la psychanalyste, psychologue de l’enfance Sylviane Giampino. Un an de travail pour sa commission, et des centaines d’auditions. « Ce rapport pose les bases de l’accueil du jeune enfant dans sa globalité », s’est félicitée Laurence Rossignol et « propose une véritable philosophie de la petite enfance ».
Les travaux de la commission ont porté sur quatre domaines : les caractéristiques du développement du jeune enfant avant trois ans, leurs conséquences dans les relations avec les familles, dans l’organisation, les pratiques de l’accueil qu’il soit collectif ou individuel et enfin sur la formation des professionnels.

5 objectifs pour les modes d’accueil
La ligne de la mission était claire : il s’agissait de se placer du côté de l’enfant avant tout, de son développement et de son épanouissement.
La mission a dégagé 12 particularités développementales du jeune enfant et trois grands principes quant à l’approche du jeune enfant dans les modes d’accueil. C’est à partir de cette base que le rapport a pu définir les 5 objectifs de l’accueil du jeune enfant qu’il soit collectif ou individuel et bâtir tout son travail d’analyse, de réflexion et de recommandations.

1. Permettre au petit enfant de se sécuriser, de construire sa confiance de base.
2. Apprendre à l’enfant à prendre soin de lui, grâce à une puériculture tournée vers l’autonomie.
3. Donner au jeune enfant des clefs pour se repérer dans les relations, s’identifier, sentir la valeur de soi et la valeur de l’autre.
4. Offrir à l’enfant des conditions du temps et de l’espace pour se déployer et apprendre en exerçant sa vitalité découvreuse et ludique.
5. Inviter le petit enfant à se socialiser et entrer dans la culture, à apprivoiser le langage, des codes et des valeurs.

Un cadre national commun à tous les professionnels
Cet accueil et ses objectifs ainsi définis, la mission préconise « l’élaboration d’un texte cadre national qui fonde une culture commune des modes d’accueil et une identité professionnelle de l’accueil de la petite enfance, rassemblant la diversité des métiers et des acteurs ». Une recommandation que d’ores et déjà Laurence Rossignol a fait sienne puisqu’elle s’est engagée « à élaborer un texte cadre pour fonder une identité professionnelle commune aux acteurs de l’accueil du jeune enfant ». Un document dont on sait déjà qu’il ne sera pas un référentiel contraignant, mais plutôt un guide réunissant des valeurs et des objectifs communs à tous les professionnels de l’enfance et de l’accueil individuel ou collectif et qui devrait être rédigé par le Haut Conseil de l'enfance, des familles et des âges de la vie.

Dans le même esprit, pour donner un sentiment d’appartenance à un même secteur professionnel, mettre en évidence ce qu’il y a de commun entre tous ces professionnels quels qu’ils soient et quelle que soit leur formation, le rapport recommande l’organisation à l’initiative du Ministère de rencontres professionnelles nationales, déclinées ensuite en région. Ce que là encore Laurence Rossignol a repris en annonçant la création « d’une journée nationale des professionnels de l’enfance ».

Une même base de connaissances et références pour tous les métiers
L’une des questions les plus attendues était celle de la formation des professionnels. C’est aussi, comme l’a noté Laurence Rossignol, l’une des plus délicates car c’est un travail interministériel forcément long . Sylvianne Giampino a insisté sur le côté baroque des formations et des métiers. Tout en précisant que c’était une richesse et qu’il n’était pas question de revenir sur cette diversité des métiers. Et en souhaitant créer des synergies entre les professionnels de l’accueil collectif et individuel.

En premier lieu, le rapport note le manque de professionnels dans le secteur, les difficultés de recrutement. Turn over important dans les EAJE et durée moyenne d’exercice d’une assistante maternelle : 7 ans. Et c’est en partie pour remédier à ce manque de personnel que la mission préconise non seulement d’augmenter le nombre de places dans les écoles d’auxiliaires de puériculture mais aussi de faciliter le passage des sans emploi vers ces professions de l’accueil de l’enfant, en mettant en place des formations en alternance notamment.
La mission préconise de « créer une base commune de  connaissances, de références et des attitudes essentielles transversales à tous types d’accueil et à tous métiers ». Une sorte de corpus de pensées. Et de préciser encore : « La création d’un socle commun de connaissances et de pratiques devra permettre à terme de favoriser les mobilités professionnelles ». Mais tout cela relève évidemment de la refonte des diplômes en cours.

L’enjeu de la formation continue
Constatant que la formation continue est peu accessible et avec des contenus restreints, notamment aux assistants maternels, mais pas seulement, le rapport recommande que soient considérées, comme faisant partie de la formation continue, les  situations « professionnalisantes » comme la participation à des colloques, conférences ou même à des réunions organisées, par exemple par une commune pour des assistants maternels et des professionnels d’EAJE.

Côté métiers, la mission note que la formation d’éducateur de jeunes enfants (EJE) reste la formation la plus adéquate à l’accueil des jeunes enfants tant au niveau de l’encadrement qu’au niveau du travail quotidien auprès des enfants.  Elle insiste néanmoins  sur la nécessité de maintenir le métier d’auxiliaire de puériculture « comme métier de base pour l’intervention auprès des enfants » à condition de renforcer le versant « éveil, et socialisation » dans la formation.
Le CAP petite Enfance, probablement enrichi avec des modules consacrés à l’éveil et au développement de l’enfant, devrait devenir la première marche pour ceux qui souhaitent s’orienter vers les métiers de la petite enfance. Le rapport suggère que les titulaires de ce CAP soient appelés « assistants d’accueil de la petite enfance ».
Les puéricultrices, constate la mission, sont en nombre particulièrement insuffisant notamment pour assurer des postes de direction d’EAJE. Le rapport préconise de rééquilibrer leur formation pour donner plus de place aux spécificités du jeune enfant.

Accroître la professionnalisation des assistants maternels
Les assistants maternels attendaient beaucoup de ce rapport qui constate les écarts existant entre la formation des pros de l’accueil collectif et ceux de l’accueil individuel et les disparités entre les pratiques des PMI pour l’octroi des agréments.
Ses préconisations : un allongement de la formation initiale, l’intégration de la formation continue aux contrats, et un renforcement du rôle des RAM dans l’accompagnement et la formation continue des assistants maternels.
Enfin, le rapport suggère que certains assistants maternels (accompagnés par la PMI et avec l’accord des parents) puissent devenir tuteurs de stages.

Passer du sécuritaire à la culture du risque mesuré
C’est un rapport très riche et fourni qui traite de deux autres grands axes. Les relations aux familles : le mode d’accueil ne peut être réductible à un service aux familles;  il faut réduire le pourcentage de surboking des enfants inscrits dans les modes d’accueil ; il y a des transferts d’inspiration réciproques entre parents et modes d’accueil à créer ;  Il faut donner du temps aux professionnels pour un accompagnement non normatif à la parentalité ( en revenant sur le système de facturation à l’heure via la PSU ? ).
L’organisation de l’accueil et les pratiques : le rapport appelle de tous ses vœux « des modes d’accueil ludiques, ouverts sur le monde, personnalisés, innovantes… » tant sur le plan architectural que pédagogique et regrette une tendance trop sécuritaire, conseillant d’adopter plutôt une culture du « risque mesuré ».  Il souhaite aussi que les professionnels puissent prendre le temps de réfléchir et d’analyser leurs pratiques. Nous reviendrons bien sûr sur tous ces points du rapport et qui méritent des développements plus importants tant ils sont essentiels pour les professionnels.

Ce rapport ne restera pas lettre morte a assuré Laurence Rossignol et, espère t-elle, marquera un tournant dans l’accueil du jeune enfant en France. Il sera édité à la documentation française et  est d’ores et déjà téléchargeable sur le site du Ministère.


Voir : Les réactions des professionnels

Trois principes pour l’accueil du jeune enfant

• Un développement global, interactif et dynamique
• Une logique de prime éducation plutôt que d’éducation
• Une attention précoce pour des modes d’accueil prévenants

Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 10 mai 2016
Mis à jour le 18 octobre 2019