Arrêté du 29 juillet : la FNEJE n’est pas d’accord !

La FNEJE, très active tout l’été et en cette période de rentrée via notamment sa co-présidente Julie Marty Pichon, a pris le temps de décortiquer l’arrêté relatif aux professionnels autorisés à exercer dans les modes d’accueil. Sa lecture précise est sans concession et son mot d’ordre sans appel : « Des personnels NON formés dans les établissements d’accueil du jeune enfant : nous disons NON ! »

La FNEJE a réagi « à chaud » à la publication le 4 août dernier, de l’arrêté du 29 juillet 2022 mais a fait aussi le choix de bien lire le texte avant de publier un communiqué. C’est chose faite ! Et le long communiqué publié ce matin 29 juillet est cinglant.

La FNEJE relève d’abord qu’au cours de la longue concertation autour de ce texte, ses propositions et inquiétudes n’ont jamais été prises en compte. «  Lors de cette discussion, nous avons alerté et expliqué au ministère que le contenu présenté allait une nouvelle fois vers la dégradation des conditions d’accueil de la petite enfance. Nous avons fait des propositions afin d’éviter le pire. Force est de constater que nous n’avons pas été entendus sur l'ensemble des points de désaccord. »

De profonds désaccords
Puis la FNEJE explique et détaille ses désaccords. D’abord un grand désaccord de principe car « ce texte vient définitivement entériner la réforme des modes d’accueil contre laquelle nous avons lutté pendant trois ans avec le Collectif Pas de Bébés à la Consigne. »
Mais plus précisément, elle considère que cet arrêté ne vise à lutter contre la pénurie des professionnels que par «  le seul prisme des gestionnaires
 ». Sous-entendu : sans tenir compte ni des enfants, ni des professionnels…
Mais surtout note la FNEJE ce texte entérine officiellement l’idée « que l’accueil de la petite enfance, tout compte fait, ce n’est pas si compliqué puisqu’il ne faut pas de formation ! »

La pénurie de professionnels ne date pas d’aujourd’hui !
La FNEJE revient sur ce qui a motivé les articles 1, 2 et 3 de l’arrêté incriminé, à savoir la pénurie de professionnels. Selon elle, cette pénurie est « structurelle » (elle ne date pas d’aujourd’hui mais rien n’a été fait pour l’enrayer alors qu’elle était prévisible) et « conjoncturelle » (le COVID et les difficultés de l’accueil à ce moment-là « ont fait fuir une grande majorité de pros vers d’autres métiers ou secteurs d’activités. »)

Un arrêté qui ouvre à des diplômes sans spécificité petite enfance
Dans le collimateur de la FNEJE, l’article 1 qui liste les diplômes permettant d’exercer en crèche. Elle explique : « On passe de 13 à 17 diplômes ou certifications professionnelles pouvant exercer dans les 60% dits des professionnel.le.s “ qualifiés ” ! Si la 1ère qualification ne pose pas de problème puisqu’il cite des personnes titulaires du CAP AEPE, les autres questionnent. (…). Elles questionnent parce que ces formations n'ont pour la plupart aucun lien avec la petite enfance si ce n’est d’être des formations qui permettent de travailler dans le secteur sanitaire, médico-social et éducatif »
Elle poursuit : « Dans cette liste est prévu un alinéa qui permet d’embaucher des personnes justifiant d’une expérience professionnelle de 3 ans auprès d’enfants dans un établissement ou un service type EAJE. Cet alinéa était déjà prévu en 2000 et maintenu en 2018 mais l’expérience demandée était de 5 ans. »
Et argumente : « Pourquoi cet alinéa en 2000 ? Tout simplement parce qu’à l’époque, de nombreuses équipes d’accueil collectif avaient en leur sein des personnes non diplômées mais qui travaillaient depuis longtemps dans les structures collectives. En effet, faute de modes d’accueil de la petite enfance dans les années 80-90, des collectifs de parents ont créé des crèches dites à gestion parentale avec notamment des professionnel.le.s non formé. e.s. Il n’était pas question en 2000 que ces personnes se retrouvent sans emploi à cause d’un nouveau cadre réglementaire. Par contre vingt ans après, à l’heure de nos connaissances, il n’est plus tolérable que les décideurs politiques facilitent davantage le recours aux professionnel.le.s qui n’ont pas de formation spécifique petite enfance. »

Des dérogations pour des personnes non qualifiées jugées dangereuses
La FNEJE ne considère pas, comme beaucoup de gestionnaires ou même certains professionnels, que les articles 2 et 3 ouvrant la possibilité dans certaines conditions d’embaucher des personnels non qualifiés, sans doute les plus commentés, a le mérite d’encadrer des dérogations qui jusqu’alors étaient possibles mais peu ou pas encadrées du tout. Au contraire pour elle cet arrêté fait pire ! Et elle démonte, les uns après les autres les « verrous » prévus par l’arrêté.
« Ce texte nous indique qu’il faut tout de même demander l’accord au Conseil Départemental et qu’il faut prouver le contexte de pénurie. Mais qui va avoir le temps de contrôler ? Pas les services de PMI, c’est certain puisqu’ils n’ont déjà pas les moyens, malheureusement, d’exercer correctement leurs missions ! ».
« Enfin, il indique aussi que ces personnes doivent bénéficier d’un accompagnement via un parcours de 120h, chapeautées par le responsable de la structure d’accueil. Comme si les responsables de structure avaient aujourd'hui le temps d’assurer l’accompagnement de ces personnes alors que ce temps est déjà extrêmement contraint par le cadre réglementaire, les exigences exponentielles des financeurs dont les CAF, l'organisation du travail du collectif et l'accueil des familles et leurs enfants... Est-ce à ce point méconnaître leurs conditions de travail ? »
« Par ailleurs, ces personnes, pour beaucoup éloignées de l’emploi et donc en situation de fragilité, vont se retrouver probablement dans des équipes en difficultés et épuisées par le manque d’effectifs qui n’auront donc pas le temps de les accompagner et dont en plus ce n’est pas le métier. Car accompagner des personnes éloignées de l’emploi demande des compétences spécifiques comme des conseillers en insertion ou autres.
Ne pas mettre les moyens dans l’accompagnement de ces personnes, c’est non seulement mettre davantage des équipes en situation d'épuisement mais aussi mettre en échec ces personnes qui auront des conditions de travail difficiles et qui ne resteront pas. »

« Enfin, on nous dit qu’il n’y aura qu’une personne bénéficiant de ce parcours en simultané dans les EAJE jusqu’à 60 places et jusqu’à 2 au-delà. Et que les personnes ayant bénéficié de ce parcours et n’ayant pas obtenu encore de formation certifiante ou qualifiante ne peuvent excéder 15% de l’équipe. Cela veut donc dire qu’une équipe peut enchaîner l’accompagnement des personnes en parcours d’insertion jusqu’à 15% de l’effectif moyen annuel chargé de l’encadrement. Tout compte fait ça en fait du monde non formé dans les EAJE ! Et tout ça sans date limite de mise en œuvre puisqu’il sera très facile de dire qu’il y a toujours pénurie... »

En fin de communiqué, la FNEJE répond aux arguments habituellement avancés pour « défendre » cet arrêté :   l’arrêté améliore ce qui était prévu avant, et le diplôme n’est pas tout.

Fermer des places si nécessaire
L’explication de texte est intéressante, parfois juste, parfois tirée par les cheveux, mais en tout cas travaillée. Elle est aussi révélatrice d'une défiance vis à vis des politiques et particulièrement de ce gouvernement.  Néanmoins que faut-il faire aujourd’hui et maintenant face à cette situation ?  
« Si on n’a pas les professionnels en nombre et en qualification, il faut fermer des places », répond la présidente de la FNEJE Julie Marty-Pichon. Pour la sécurité des enfants et la santé des pros.
Et d’ajouter : « En attendant des mesures sur le moyen terme et l’ouverture de places de formation. »

Consulter l'intégralité du communiqué
 
Article rédigé par : C.L
Publié le 29 août 2022
Mis à jour le 13 janvier 2023