Article 49 du PLFSS : les assistants maternels en ligne de mire, les EAJE épargnés

Hors mon-enfant.fr, point de salut ! Le message est clair, l’article 49 du Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2020 prévoit que les assistants maternels comme les EAJE devront non seulement se faire référencer par le site de la Cnaf, mais aussi mettre à jour leurs disponibilités d’accueil très régulièrement. Objectif : une meilleure adéquation entre l’offre et la demande. A la clef : d’éventuelles sanctions. Notamment pour les assistants maternels dont l’agrément pourrait être supprimé. La révolte gronde et la résistance s’organise. Explications.

De nobles motifs, des justifications contestables
L’article 49 du PLFSS intitulé "Améliorer l’information sur l’accès aux modes d’accueil des jeunes enfants" prévoit des mesures assez contraignantes, aussi bien pour les crèches que les assistants maternels. Les mesures proposées partent du constat que « l’organisation actuelle des différents services publics engagés en faveur de l’accueil du jeune enfant ne garantit pas aux familles un accès unique, fiable et exhaustif à la connaissance de l’offre existante et aux possibilités d’accueil ponctuel, individuel ou collectif ».
Dans l’exposé des motifs, il est ainsi noté que le taux de recours aux assistants maternels et aux crèches reste inférieur à leur capacité d’accueil réelle.

Selon le Gouvernement, une des explications à ce manque d’information centralisée pour les familles qui permettrait une meilleure adéquation de l’offre et la demande, c’est la « différence de règles de recensement entre les deux modes d’accueil collectif et individuel. Les EAJE en effet, s’ils souhaitent bénéficier de subventions d’investissement ou de fonctionnement de la Branche Famille de la Sécurité Sociale, doivent s’engager à référencer leur établissement sur le site de la Cnaf, mon-enfant.fr, et mettre à jour régulièrement les infos y figurant. Ce n’est pas le cas pour les assistants maternels. Aucune obligation pour eux, le référencement se fait sur la base du volontariat (sauf les bénéficiaires de la prime à l’installation de 300 €). »

La quasi-totalité des EAJE sont inscrits sur mon-enfant.fr. Près de 75% des assistants maternels figurent sur le site de la Cnaf. En revanche, seuls 16,5% d’entre eux mettent à jour leurs disponibilités. C’est donc pour les inciter à le faire que cet article 49 prévoit de rendre obligatoire le référencement et la mise à jour des disponibilités sur mon-enfant.fr et d’en faire une des conditions sine qua non de l’obtention, puis du maintien, de leur agrément.

Et cet article 49, selon le gouvernement, pourrait faire d’une pierre deux coups : permettre aux parents de trouver des places d’accueil, y compris ponctuellement, assurer une plus grande activité aux EAJE (donc une meilleure rentabilité) et aux assistants maternels (donc limiter le taux de chômage de cette profession). Des arguments contestables et contestés.

EAJE : une incitation à développer l’accueil occasionnel
Pour les EAJE, l’article 49 stipule simplement : « Les gestionnaires des EAJE seront tenus de transmettre leurs disponibilités d’accueil à un rythme hebdomadaire via leur outil de facturation dont les données sont transmises aux caf et qui viendront alimenter le site mon-enfant.fr, permettant de rendre publiques les informations actualisées sur ces disponibilités ».
Obligation donc de mettre à jour les disponibilités d’accueil, mais sans aucune sanction à la clef. Elle propose plutôt de les aider pour qu’ils puissent développer leur offre de places en accueil occasionnel. Et le faire savoir aux parents.

Ainsi, la Cnaf travaille déjà avec les éditeurs de logiciels utilisés par les structures à des solutions techniques pour que le transfert des informations se fasse facilement et automatiquement. Et si possible sans bug.
Si frais supplémentaires dus à des dépenses d’équipement il y a, la Cnaf serait prête à en financer une partie via le fonds de modernisation des EAJE. Mise en oeuvre de la mesure en juillet 2020.

Par ailleurs les Caf accompagneraient le développement de l’accueil occasionnel, notamment en EAJE. C'est ce qu'elles ont commencé à faire depuis septembre 2019  en proposant un kit métier destiné à aider les pros de terrain dans cet accueil un peu particulier, sans aucune période de familiarisation-adaptation.

Les EAJE et les gestionnaires ne sont donc pas trop malmenés par l’article 49. La Fédération des Entreprises de crèche (FFEC,) n’est pas opposée à cette mesure « à condition que l’outil informatique proposé par la caf facilite vraiment la vie des gestionnaires … ». En clair que ce ne soit pas une usine à gaz chronophage ! Et selon la déléguée générale, Elsa Hervy, « il est probable que cela (NDLR : les mises à jour hebdomadaires des disponibilités) deviendra une condition du paiement de la PSU ».

Une obligation lourdement sanctionnée pour les assistantes maternelles
La situation des assistants maternels est toute autre et les changements amorcés par l’article 49, considérables et assortis de sanctions. D’une sanction gravissime puisqu’elle concerne leur agrément, donc la possibilité de travailler. La mesure se déploie en 3 types d’obligations.
1.« La mesure, est-il clairement écrit dans l’exposé des motifs, en premier lieu a pour objet de subordonner l’agrément à l’acceptation par les assistants maternels à la publicité de leurs coordonnées via le site mon-enfant.fr ».
Puis les obligations se déclinent : 2. Les assistants maternels doivent renseigner leurs places disponibles pour l’année à temps plein ou temps partiel et leurs horaires d’accueil.
3. En complément les assistants maternels seront tenus de compléter « au fil de l’eau » leurs places disponibles.

Pour que l’impact de ces mesures soit total, elles sont donc assorties de sanctions. Ainsi si l’assistant maternel ne remplit pas l’obligation liée au renseignement de ses places à l’année, horaires etc. (2), ce pourrait être considéré comme un des critères conduisant, après avertissement et en respectant les procédures prévues par le code de l’Action sociale et des familles, à une suppression d’agrément. Tout manquement à la mise à jour régulière des disponibilités (3) pourrait quant à lui faire l’objet d’un signalement à l’animateur de RAM qui aura pour mission d’informer l’assistant maternel de la nécessité et de l’importance de tenir à jour ses disponibilités. Et si cette intervention restait sans effet, cela pourrait se solder par un retrait d’agrément.
Il est par ailleurs demandé aux Caf de soutenir la mesure, et des objectifs de taux d’assistants maternels renseignant leurs disponibilités leur seront fixés.

Lever de boucliers chez les pros de l’accueil individuel
On imagine bien pourquoi les associations, organismes ou syndicats représentant les assistants maternels sont vent debout contre cette mesure.
Le collectif des assistants maternels en colère du Finistère a écrit aux députés de son département pour demander leur intervention car, pour lui, tout cela constitue « une nouvelle attaque contre les assistants maternels ». « Cette mesure, qui ne tient pas compte des difficultés de notre profession en termes d’amplitude horaire, en termes de santé, en termes d’équité de moyen, en termes de confidentialité de nos coordonnées, en termes de neutralité du RAM, en termes de pression par le caf, Pôle emploi … n’est pas acceptable pour notre profession ».

Pour l’Ufnafaam aussi, cette mesure est inacceptable. Sandra Onyzsko le précise : « Nous ne pouvons accepter cette condition. Elle est anxiogène et provoque la colère des assistants maternels ; Il faut réduire les intermédiaires (départements et caf) et laisser les assistants maternels s’inscrire directement, et dès le départ. Aujourd’hui on attend qu’ils aient obtenu leur agrément pour les référencer sur le site. C’est trop tard, ils sont en recherche d’emploi bien avant. »
Et cet argument de faciliter l’employabilité des assistants maternels est loin de convaincre !
Sandra Onyzsko poursuit : « L’employabilité doit se résoudre autrement. D’ailleurs des propositions ont déjà été faites : réduction du reste à charge pour les familles, accompagnement des assistants maternels à l’entretien d’embauche pour ceux qui en éprouvent le besoin, mesures pour faciliter les remplacements, visibilité sur un site qui fonctionne et campagne de communication sur ce mode d’accueil. Par ailleurs nous somme disponibles pour discuter, pourquoi une telle mesure sans aucune concertation ! »

L'ANAMAAF, de son côté, par la voie de sa co-présidente Marie-Noëlle Petitgas, constate que cet article « bafoue toutes les règles de protection des données personnelles et la liberté des assistants maternels d'organiser leur temps de travail comme ils le souhaitent ».

La résistance s’organise : amendement et pétitions
Les assistants maternels n’ont pas envie de se laisser faire et comptent bien user de toutes les interventions possibles pour que l’article 49 soit supprimé ou modifié ! Déjà, une vingtaine de parlementaires menés par Marc Le Fur, député LR de la troisième circonscription des Côtes d’Amor ont déposé un amendement demandant la suppression pure et simple de cet article 49. Trois pétitions (CGT, UNSA PROASSMAT, SPAMAF) à l’intention du président de la République Emmanuel Macron sont en ligne, véhiculant le même message : stop à cet acharnement anti-assistants maternels. Non au retrait d’agrément comme ultime sanction, pas de flicage ou de fichage des assistants maternels. Le SUPNAAFAM-UNSA prépare aussi une pétition de son côté, pétition que soutiendra l'ANAMAAF.

Les quinze prochains jours vont être déterminants. Le 16 octobre : examen du PLFSS et des amendements par la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Entre le 22 et le 28 octobre : discussion en séance public. Vote attendu pour le 29 octobre.
Le timing est serré mais les assistants maternels, déterminés, ne baissent pas les bras !


Consulter les trois pétitions :
UNSA PROASSMAT : Non au retrait d’agrément des assauts
CGT : Non au flicage des assmats
SPAMAF :  Tous unis contre le fichage des assistants maternels.
Voir l’article 49 du PLFSS
Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 14 octobre 2019
Mis à jour le 17 octobre 2019