Alimentation du bébé : comment limiter les perturbateurs endocriniens et autres substances nocives ?

L’alimentation est la première source d’exposition à des substances potentiellement délétères pour la santé, en particulier chez le tout-petit très vulnérable ses premières années de vie. Différents gestes permettent de limiter les risques. Le point avec le Dr Véronique Brévaut-Malaty, pédiatre néonatologue à la maternité de l’Etoile à Aix-en-Provence et à l’Hôpital Nord (AP-HM) à Marseille, et membre de l’ASEF (Association Santé Environnement France). 
Un nourrisson vulnérable à l’environnement
« La grossesse et les deux premières années de vie est une période de croissance intense et de développement unique pour le bébé, ce qui en fait aussi une période de grande vulnérabilité », rappelle le Dr Véronique Brévaut-Malaty. Durant cette période dite des 1000 premiers jours, le nourrisson est particulièrement sensible à l’air qu’il respire, aux produits que sa peau absorbe, et bien sûr, à ce qu’il mange. Du fait de cette vulnérabilité, l’environnement dans lequel il grandit et les éventuels toxiques qui s’y trouvent vont influencer de façon très importante sa santé, plus qu’à tout autre âge. Avec, pour certaines substances, des effets délétères avérés.  

C’est le cas des perturbateurs endocriniens. « Il s’agit de substances chimiques synthétiques ou naturelles qui peuvent avoir un effet sur la santé, en perturbant le fonctionnement des organes qui produisent les hormones », rappelle le Dr Véronique Brévaut-Malaty. Une exposition au cours des premières années de vie, période durant laquelle les hormones jouent un rôle essentiel dans le développement des différents organes, peut donc avoir des conséquences sur le développement et la santé future du bébé (malformations génitales, puberté précoce, diminution de la fertilité, …).  « Certaines substances sont des perturbateurs endocriniens avérés selon la littérature scientifique. C’est le cas du bisphénol A, désormais interdit, entre autres, dans les biberons. Pour d’autres substances, on a simplement des soupçons. En vertu du principe de précaution, il est donc recommandé de les éviter », poursuit la pédiatre. 

Des gestes simples pour limiter les risques
L’alimentation est la première source d’exposition environnementale chez le nourrisson. Il est impossible de parvenir à une exposition nulle, mais de petits gestes au quotidien, à l’échelle de chacun (parents, famille, modes de garde) et selon ses moyens, permettent de la limiter. « Chaque geste est autant de chance de protéger la santé du nourrisson », insiste la pédiatre qui nous livre, point par point, quelques conseils clefs. 

•    Les biberons : en verre de préférence
Depuis 2011, le bisphénol A est interdit dans les biberons. Les médecins de l’ASEF ont voulu savoir si ce bisphénol A avait été remplacé, dans les biberons en plastique par d’autres bisphénols (BPS ou BPF notamment) dans cinq biberons de marque différente. Aucune molécule n’a été retrouvée, mais « en vertu du principe de précaution, il est cependant recommandé de préférer aux biberons en plastique des biberons en verre, ou en inox pour les plus grands », recommande la pédiatre.

•    Vaisselle et contenant : éliminer le plastique
« De même, il est conseillé de privilégier le verre ou l’inox pour les plats et la vaisselle. De manière générale, tous les contenants en plastique doivent être évités, a fortiori pour réchauffer les aliments gras et liquides, car il y a un transfert et des microparticules peuvent se retrouver dans les aliments. Plus encore quand il s’agit de plastique usagé », rappelle la spécialiste. Certes le verre se casse, mais outre son innocuité, il présente d’autres avantages : il ne s’abime pas, retient mieux la chaleur, est plus lourd et donc plus stable, et dans le cas du verre à boire, permet aux enfants de bien voir l’aliment bu. A noter que le verre trempé est plus résistant que le verre classique. Bien que légère et solide, la mélanine (indiquée par un 7 dans un triangle) n’est pas une bonne option, car elle est soupçonnée d’être cancérigène. Attention également à la vaisselle en bambou. Sous son aspect naturel, elle est loin de l’être car souvent, le bambou est aggloméré avec de la colle pouvant contenir des substances toxiques.  

•    Les fruits et légumes : bio, pour éviter les pesticides
Différents pesticides sont soupçonnés être des perturbateurs endocriniens. Or, selon l’enquête 2020 de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), 60% des fruits et légumes issus de l’agriculture conventionnelle contiennent des résidus de pesticides. « Pour limiter l’exposition des nourrissons, il est donc recommandé de privilégier les fruits et légumes issus de l’agriculture biologique. A défaut, on veillera à bien laver les fruits et légumes, et à les éplucher lorsque c’est possible », recommande la pédiatre. 

•    Le fait-maison : à privilégier
« La filière alimentation pour nourrisson est très encadrée en termes de polluants, pesticides et additifs, avec des points de contrôle très stricts. Reste cependant la question des conservateurs, dont on ne connaît actuellement pas tous les potentiels effets sur la santé. Et celle du goût, bien sûr », estime la docteure, qui recommande de privilégier le fait-maison, autant que possible. 

•    Les phyto-œstrogènes : à limiter
Certains aliments, comme le soja, contiennent des phyto-œstrogènes, des substances végétales dont les effets sont proches des œstrogènes, les hormones féminines. Ils peuvent donc aussi agir comme des perturbateurs endocriniens, et doivent donc être limités chez les tout-petits. 

•    Les poissons : petites espèces de préférence
En raison de la pollution des mers et des eaux douces, les poissons peuvent contenir des substances toxiques, notamment sur le plan neurologique (métaux lourds, PCB). Chez le nourrisson, il est recommandé de les limiter à deux fois par semaine, « en privilégiant les petits poissons qui accumulent moins de polluants dans la chaîne alimentaire », précise le Dr Véronique Brévaut-Malaty.

•    L’eau : pas de solution idéale
Entre l’eau du robinet et l’eau minérale en bouteille il n’y a, malheureusement, pas de solution qui soit à 100% satisfaisante – même si toutes les deux sont évidemment saines et contrôlées. « L’eau en bouteille peut contenir des micro-plastiques, tandis que l’on peut retrouver des résidus d’antibiotiques et d’hormones dans l’eau du robinet. Dans les deux cas, il y a donc une exposition environnementale », note la pédiatre. Les deux sont cependant adaptées à l’alimentation du nourrisson, à condition de respecter certaines conditions : choisir une eau minérale convenant à la préparation des biberons (cela doit être indiqué sur l’étiquette) et, pour l’eau du robinet, vérifier auprès du Service des eaux de sa région qu’elle est bien adaptée à la consommation du tout-petit. On veillera à la faire couler quelques secondes, et à toujours la recueillir froide. Attention à ne pas utiliser de filtreur ou d’adoucisseur : s’ils ne sont pas bien entretenus et nettoyés régulièrement, ces dispositifs peuvent faciliter la multiplication des bactéries. Prudence également avec les vieilles canalisations, qui peuvent contenir du plomb.
Article rédigé par : Julie Martory
Publié le 13 mars 2023
Mis à jour le 13 mars 2023