« Acquisition de la propreté » : le point de vue d’une psychomotricienne

Comment accompagner au mieux les enfants dans l’acquisition du contrôle des sphincters ? C’est ainsi qu’il faudrait se poser la question. Apprentissage, propreté, ne sont pas des termes appropriées pour parler de cette grande acquisition qui se fait pour la plupart des petits, très naturellement autour de 2 ans ½-3 ans. Par Monique Busquet, psychomotricienne.
Ce que l’on appelle communément « l’acquisition de la propreté », par habitude et par facilité, est l’acquisition du contrôle des sphincters. Les sphincters sont les muscles qui permettent d’ouvrir et fermer la vessie et l’anus. Cette acquisition psychomotrice, comme les autres acquisitions motrices du jeune enfant, dépend essentiellement de la maturation neurologique 

Un processus naturel et spontané, pas un apprentissage !
Dans toutes les cultures et sociétés, il est constaté que l’âge moyen de cette acquisition est 2 ans et demi/3 ans. Et ce, quelle que soit la façon dont l’adulte intervient dans ce processus et accompagne l’enfant. Un réel contrôle sphinctérien est acquis lorsque l’enfant peut être attentif à ses sensations internes, savoir les analyser et donc savoir et décider quand il lui est nécessaire d’aller aux toilettes (et pas seulement quand l’adulte le lui dit.)  Il s’agit d’ailleurs d’un besoin physiologique et non d’une envie, comme on le dit communément. C’est un processus spontané et naturel.

Dans nos sociétés occidentales, pendant longtemps, on ne savait pas que l’on pouvait faire confiance aux capacités de développement de l’enfant, et qu’il était important de respecter sa maturation. L’adulte pensait nécessaire de « dresser » l’enfant, le mettre « droit » (comme le mettre debout et marcher, par exemple), mais aussi de le civiliser, de le faire sortir d’un état qualifié « d’animal, d’archaïque, » pour le civiliser. C’est de cet état d’esprit et de cette peur, que vient l’habitude et la croyance qu’il faut enseigner à l’enfant et lui inculquer « la propreté ». On retrouve le côté moralisateur de ce terme : l’enfant passerait de sale à propre. D’ailleurs, saleté et caca sont souvent confondus, par exemple quand il est dit à l’enfant  qu’« une saleté par terre, c’est caca ». 

Les matières fécales sont encore trop souvent commentées comme soit belles «  oh le joli cadeau ! », soit sales, « oh, ça pue »! Non, c’est juste biologique. Ni bien, ni mal, ni beau, ni moche. Ce dressage commençait tôt : il s’agissait de donner à l’enfant des habitudes, un conditionnement. Plus les adultes ont peur que l’enfant ne parvienne pas à acquérir cette capacité de contrôle, (et de fait ne pourrait être inscrit à l’école par exemple), plus ils veulent « y travailler tôt ».
Mais le développement d’un enfant ne se passe pas ainsi.

L’enfant sent et sait quand il est prêt
L’acquisition du contrôle sphinctérien dépend de la maturation neuromotrice et psychique de l’enfant : l’enfant doit être prêt dans son corps et sa tête. Il est d’ailleurs très fréquent de voir un enfant décider de retirer ses couches du jour au lendemain, « sans incident », à la grande surprise des adultes. L’enfant respecté dans son rythme et dans son intimité, ne grandit pas pour faire plaisir à l’adulte qui le lui demande, mais a plaisir à grandir, accompagné par l’adulte.
Lorsque c’est l’adulte qui propose à l’enfant d’aller sur le pot à heures fixes ou quand il devine que l’enfant a besoin, l’adulte fait le travail à la place de l’enfant ; il risque alors de l’empêcher de repérer lui-même ses propres sensations.

Or, ce repérage et l’analyse de ses sensations est une étape cruciale pour l’enfant. Sinon, l’enfant intègre qu’il doit contracter les sphincters en permanence sauf lorsque l’adulte lui dit de « les ouvrir ». Certains enfants peuvent même ne plus oser courir, ne plus parler, ne plus rire, ne plus dormir,  par peur et par incapacité de dissocier la contraction des muscles sphinctériens et des autres muscles nécessaires à ses jeux, ses mouvements, sa vitalité. Cela risque finalement de retarder une réelle acquisition de ce contrôle et d’occasionner plus « d’incidents par la suite ». L’enfant  n’est alors pas autonome, il risque de se sentir en échec, dévalorisé, « pas à la hauteur de ce que l’on attend de lui » et risque par la suite de devenir inquiet, constipé  (problème de santé fréquent de nos sociétés)...

Alors comment accompagner au mieux les enfants ?   
• Respecter leur rythme de maturation neuromotrice et leur permettre de bouger librement
En 1947, F. Dolto écrivait au sujet de cette acquisition et indiquait un certain nombre d’actions, de coordinations et de signes de l’adresse de l’enfant qui permettraient de repérer où il en est dans sa maturation motrice. Parmi ces actions, elle indiquait la capacité à monter une échelle. Ce n’est qu’une indication : entraîner l’enfant à monter l’escabeau comme cela a été fait parfois dans les crèches, est un contre sens… Mais oui, plus un enfant expérimente ses capacités de mouvement, plus il est attentif à ses propres sensations, mieux il se connait, dans ses sensations et sa motricité.

• Respecter leur rythme de maturation psychique
Il est vrai aussi que l’enfant doit pourvoir perdre ses matières fécales sans peur. Et là encore cela nécessite une maturation dont l’âge est variable selon les enfants. A la naissance, le bébé ne sait pas que les différentes parties de son corps lui appartient, il met un peu plus d’une année pour reconstituer ce puzzle, avoir conscience de son corps dans sa globalité, son unité.
Ainsi, il faut attendre sa deuxième année, pour que l’enfant  touche son nez lorsqu’il voit une tache dans son reflet dans le miroir. A ce moment de son développement, perdre ses matières est aussi angoissant que perdre une main ou un pied. C’est pour cela que les jeunes enfants ont de vraies paniques lorsque l’on tire la chasse, on dans son bain ainsi qu’à la piscine.
Il faut donc attendre encore plusieurs mois et beaucoup de jeux  pour que l’enfant prenne conscience que son corps est « comme un contenant », il reste entier même « lorsqu’il se vide ». La meilleure préparation est donc de proposer aux enfants toutes les matériaux possibles (eau, sable…) pour transvaser, vider, remplir….

Les accompagner par la parole
Lorsque vous changez la couche d’un enfant, vous pouvez nommer que vous la jetez à la poubelle. Vous pouvez lui indiquer que lorsqu’il voudra,  il pourra aller aux toilettes comme les plus grands, ou sur un pot mis à disposition dans la salle de bain.
Et surtout rappelez-vous que cette acquisition concerne l’enfant d’abord ; que son corps n’est pas là pour vous faire plaisir… Rappelez-vous aussi que les conditions de cet apprentissage ont des conséquences sur le développement de sa personnalité dans sa globalité.

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Article rédigé par : Monique Busquet
Publié le 24 avril 2017
Mis à jour le 21 juin 2017

2 commentaires sur cet article

Portrait de Mbn
le 25/04/2017 à 09h34

Bonjour, Comment aider son enfant de presque 4 ans qui refuse de faire caca ailleurs que dans sa couche ? Ma fille n'a jamais d'accident mais ne veut pas faire caca dans les toilettes, c'est la crise de panique lorsqu'on lui refuse la couche, même en l'accompagnant... Elle ne veut pas non plus le pot. Pour le pipi, aucun soucis. Est ce un signe d'une maturité psychique non encore pleinement aboutie ou un réel blocage à cet âge? Mon instinct de maman me pousse à ne pas m'inquiéter et lui laisser du temps... L'entourage et surtout le papa insiste pour qu'on consulte pour l'aider. Merci par avance. Très bonne journée
Bonjour Monique, comment s est passée la progression de votre fille depuis avril 2017. J' ai mon fils âgée de 3 ans dans quelque jours, qui à le même soucis depuis longtemps il demande le pot pour pipi, mais des qu il s agit de matière fécale il ce retient kit à ce tordre du ventre. Il attend généralement le pampers du coucher tout en ce cachant dans un endroit plus à l' abris des regards. Merci de votre réponse. Bien à vous