Maryse Chrétien, présidente de l’AGEEM : « Je fais confiance aux enseignants pour ne pas primariser l’école maternelle »

Cette année, la maternelle va être la star de la rentrée. En effet, la loi pour une école de la confiance et sa mesure phare sur l’abaissement de l’instruction scolaire à 3 ans l’ont propulsée sur le devant de la scène. Entretien avec Maryse Chrétien, présidente de l’Association Générale des Enseignants d’Ecole et classes Maternelles publiques : quels changements pour l’école maternelle cette mesure peut-elle entrainer ?
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Maryse Chrétien
 : Oui, c’est une mesure que nous avons défendue depuis toujours. C’est important que l’école maternelle soit reconnue à part entière. Mais bien-sûr il faut que cet accueil puisse se faire dans les meilleures conditions. Lors de notre congrès de Versailles en juillet dernier, c’était d’ailleurs le thème de notre assemblée générale : scolariser tous les enfants de 3 ans. Quels changements pour l’école maternelle ?
On a travaillé sur les freins, les leviers, les obstacles et les réussites. Il y a différents contextes et dans certaines écoles c’est parfait, dans d’autres c’est moins bien. On va poursuivre notre réflexion. Suite à cette AG nationale il y aura des travaux de réflexion dans les AG de section, entre octobre et novembre, puis nous émettrons des recommandations pour que cet accueil de tous enfants de 3 ans se déroule dans les meilleures conditions. Lors de la quinzaine de l’école maternelle en novembre, on organisera des tables rondes et des portes ouvertes pour voir comment, au cas par cas dans chaque école, l’accueil a pu se réaliser.

Concrètement qu’est-ce qui va changer avec cet accueil de tous les enfants de trois ans ?
C’est l’accueil de l’après-midi qui va être bouleversé. La loi prévoit que la fréquentation de l’école doit se faire « à temps plein ». Avec obligation d’assiduité toute la journée donc. Dans certains cas il y aura un problème de lits pour la sieste. Actuellement un certain nombre d’enfants de petite section ne viennent pas à l’école l’après-midi et font la sieste chez eux. Par ailleurs certains enfants de moyenne section ont encore besoin de sieste. Certaines écoles ont deux dortoirs, d’autres n’en ont qu’un. Nous connaitrons des problèmes de place et il faudra les faire remonter aux collectivités … qui auront anticipé ou pas.
Cette généralisation d’une scolarisation des enfants de 3 ans toute la journée va aussi induire qu’on accueillera moins d’enfants de 2 ans et demi en très petite section.

Depuis le vote de la loi, avez-vous obtenu des aménagements qui apportent un peu de souplesse dans son application ?
Nous avons obtenu ce qu’on appelle le contrat d’adaptation. Il sera proposé aux familles des enfants de trois ans. Cela permet un accueil échelonné. Il y aura un entretien personnalisé avec la famille pour savoir quand l’enfant peut venir toute la journée à l’école. Je pense que cela pourrait s’échelonner jusqu’à Noël.

Pensez-vous que les enseignants de maternelle ont assez de connaissances sur le jeune enfant ?
Dans notre formation initiale, il est clair que nous avons trop peu de cours sur le développement de l’enfant. Nous souhaitons de vrais parcours de formation pour les enseignants. On le répète régulièrement dans la formation continue des enseignants : il n’y a pas assez de modules autour du développement du jeune enfant qui pourraient accompagner ceux qui exercent en maternelle. Pour le moment nous ne savons pas si nous avons été entendus, car nous n’avons pas encore reçu les maquettes de programmes de formation continue.
Par ailleurs, en plus de la formation institutionnelle, notre association propose des temps de formation autour de ces enjeux dans les sections départementales et lors des congrès nationaux

Les circulaires de rentrée font un focus l’école maternelle et insistent sur les apprentissages. Qu’en-pensez ?
Traditionnellement les circulaires de rentrée du ministre font des focus sur des points particuliers. Cette année il y a donc un focus sur la maternelle, notamment. Rien ne me choque, ni ne m’étonne. L’importance du langage n’est pas une nouveauté. La seule vraie nouveauté, c’est l’éveil aux langues étrangères qui est d’ailleurs déjà pratiqué via des chansons et comptines dans un certain nombre de classes maternelles. Nous aurons sûrement des formations pour pouvoir réaliser ce type d’écueil.
Les programmes de 2015 prévalent sur les recommandations pédagogiques inscrites dans les circulaires. Je fais confiance aux enseignants pour ne pas primariser les activités et garder le cap de ces programmes où la place du jeu est centrale. Je suis positive. Je sais que mes collègues enseignants seront vigilants.

La loi et la circulaire rappellent que l’école dès la maternelle doit être 100% inclusive. Où en est-on ?
Nous souhaitons aller plus loin : construire de vrais projets personnalisés avec les familles et avec les crèches dans le cadre d’un continuum éducatif. Il est vraiment temps que les EAJE et l’école maternelle travaillent ensemble. Qu’on fasse le lien entre ces deux types de structures d’accueil. Plus on réfléchira ensemble, plus on donnera du sens au continuum éducatif.
Article rédigé par : Propos recueillis par Catherine Lelièvre
Publié le 31 juillet 2019
Mis à jour le 10 décembre 2019