La liberté de mouvement selon JJ. Rousseau et Emmi Pikler

Qu’ont en commun Jean-Jacques Rousseau et Emmi Pikler ? A deux siècles  d’écart tous deux, à leur façon, ont prôné la liberté de mouvement des enfants. L’un en remettant en cause l’emaillotage, l’autre en inventant le concept de motricité libre. Les explications de Bernadette Moussy.

Jean-Jacques Rousseau et sa conception de la première liberté



Dans son livre premier1Rousseau nous parle de l’éducation du bébé, qui commence immédiatement à la naissance. Il réagit à l’habitude d’emmailloter les enfants : Point de bandes, point de maillots ; des langes flottants et larges qui laissent tous ses membres en liberté. […] Quand il (l’enfant) commence à se fortifier laissez-le ramper par la chambre ; laissez-lui développer, étendre ses petits membre ; vous les verrez se renforcer de jour en jour.2 
Au dix-huitième siècle, époque où Rousseau a publié cet ouvrage, l’objectif de l’éducation est de sortir l’enfant de la nature d’où il vient, pour le faire entrer dans la culture. Le fait qu’il ressemble à un petit animal lorsqu’il « crapahute » n’est pas souhaitable. Il doit se libérer de cet état et doit être mis debout le plus rapidement possible comme un adulte.3 D’où l’habitude de mettre les enfants dans des cadres sur roulettes4 où, soutenus sous les bras, ils apprennent à marcher. De plus on croit que cela fortifie ses jambes.
En réaction à son époque Rousseau déplace la notion de nature : il faut respecter la nature de l’enfant et la laisser se déployer en toute liberté.
Actuellement les « trotteurs » que l’on trouve dans le commerce prouvent que certains adultes désirent probablement pour d’autres raisons qu’au dix-huitième siècle, que leur enfant « marche le plus rapidement possible ». «Il ne doit pas te faire le quatre pattes, sinon il y reste des semaines ! »ai-je entendu une jeune maman dire à une autre. S’agit-il d’une recherche de performance pour son enfant ou d’une peur ancestrale qu’il ne sache pas se mettre debout ?

Emmi Pikler  et le mouvement en liberté



Deux cents ans après Jean-Jacques Rousseau, nous retrouvons les mêmes souhaits, d’Emmi Pikler5, avec « le mouvement en liberté », ou « la motricité libre ». Elle observe qu'il y a moins d'accidents dans les quartiers où les enfants jouent librement, grimpent et exercent leur habileté. Tandis que les enfants dont les gestes sont limités sont maladroits.
Elle a la certitude que l’enfant apprend la prudence lorsqu’il n’a pas d’entrave. Par son mouvement libre il recueille des renseignements sur lui et son environnement, calcule les risques, se réajuste avec ce qu’il ressent et se rééquilibre par lui-même. Entre déséquilibre et rééquilibre, l’enfant apprend à compter sur lui et acquiert de l’assurance. Il se connait par lui-même puisqu’il n’y a pas d’interférence extérieure, sauf la présence affectueuse de l’adulte et il construit sa confiance en lui. Il n'y a pas de notion d'échec, seulement des tâtonnements qui lui donnent une meilleure connaissance de ses possibilités. Comme il est autonome, il sait où il en est et cela lui permet de s'organiser en conséquence. Il est serein.
On voit ici le lien entre la qualité du geste de l’enfant et l’impact sur son sentiment d’exister.

C’est ainsi que le dix-huitième siècle exprimé des souhaits et le vingtième siècle les a repris en ajoutant des explications sur le monde intérieur de l’enfant. Le lien entre sa physiologie et son sentiment existentiel de confiance et de sérénité justifiant ainsi le bien fondé des conseils. C’est une heureuse continuité.

1.Emile ou de l'éducation, publié
2.op.,cita.,p 67 , Flammarion 1975
3.Voir Loux Françoise. Le jeune enfant et son corps dans la médecine traditionnelle, La tradition et le quotidien,1078
4.On peut en voir dans certains musées de tradition populaire ou sur les illustrationsanciennes
5.Pédiatre hongroise.1902-1984.Fondatrice de l'approche Pikler-Loczy
Article rédigé par : Bernadette Moussy
Publié le 18 septembre 2018
Mis à jour le 01 octobre 2020