Françoise Dolto nous a appris à écouter les enfants et à leur parler
Ce qu’elle a dit et ce qu’elle n’a pas dit
« Avec elle, explique Catherine Vanier, on a vraiment compris que le bébé n’était pas qu’un tube digestif, qu’il n’était pas un objet, qu’il était un sujet ». Elle a aussi montré l’importance de ce qui se jouait dans les premiers mois de la vie d’un bébé.
« Ecouter les enfants, parler aux enfants. Et on ne travaille pas seul mais avec les parents. Cela me semble un bon résumé de l’apport de Françoise Dolto », conclut-elle. Et c’est vrai que ces deux grands enseignements ont été repris par nombre de professionnels de la petite enfance. On sait désormais dans les lieux d’accueil comment et pourquoi il faut parler aux bébés et aux enfants, pourquoi et comment il faut associer les parents à ce que vit leur enfant à la crèche ou chez l’assistante maternelle. Et vice versa : il est souvent utile que les parents informent les pros des événements heureux ou malheureux vécus à la maison.
Mais il y a parler et parler. « Parler à un enfant c’est lui parler vrai et de ce qui le concerne. C’est lui expliquer ce qu’il aura à vivre », précise Catherine Vanier. Ce n’est pas le saouler de paroles insignifiantes et infantilisantes et ce n’est pas non plus lui dire des choses de grandes personnes qui ne le regardent pas… Non il ne faut pas tout dire aux enfants. « Dolto a dit qu’il ne fallait pas leur mentir. Mais ne pas leur mentir, ce n’est pas tout leur dire ! », précise Catherine Vanier
Revers de sa médiatisation, Françoise Dolto n’a pas toujours été bien comprise. Et on lui a fait dire beaucoup de choses qu’elle n’a pas dites… Le mythe de l’enfant roi, non ce n’est pas du Dolto ! « Elle n’a jamais dit qu’il ne fallait pas mettre de limites aux enfants ! », s’exclame Catherine Vanier. Au contraire. Ecouter un enfant ce n’est pas lui céder. Ecouter un enfant, c’est aussi écouter sa plainte. On peut lui donner des limites, tout en le respectant et en ne l’humiliant jamais. « Bien sûr qu’on peut « engueuler » un enfant mais toujours sur une base positive. Ne jamais lui dire : t'es méchant, t’es pas gentil, t’es nul… Ça, c’est ce que disait Françoise Dolto qui a beaucoup travaillé sur les petites maltraitances de tous les jours : les surnoms ridicules, les comparaisons, les jugements de valeur », explique encore Catherine Vanier.
Elever un enfant, c’est le faire grandir
Enfant, Françoise Dolto disait qu’elle voulait être « un médecin de l’éducation ». Ce qu’elle fut en quelque sorte. Toute sa vie, ce qu’elle a écrit et dit à propos des bébés et des enfants allait dans un seul sens : les faire grandir. Elever un enfant c’était cela pour cette psychanalyste visionnaire, lui faire passer toutes les étapes de ce qu’elle appelait les « castrations symboligènes.» En reprenant les stades freudiens, elle a montré la façon dont un enfant pour progresser doit se priver d’autre chose. En clair, pour franchir des étapes (qui sont aussi des épreuves pour lui) comme le sevrage, la marche ou la propreté, l’enfant doit se priver de quelque chose : du sein de sa mère, des bras de ses parents, etc. Et le parent, l’adulte est là pour l’aider - l’encourager mais aussi l’autoriser - à passer chaque cap pour accéder à l’autonomie.
Développement ou humanisation ?
« En fait, analyse Yannick François, pour comprendre Dolto, il faut comprendre l’opposition entre développement et humanisation. Françoise Dolto a repris les stades freudiens en y apportant des compléments. Pour elle, les stades de développement sont des temps d’humanisation qui débutent à la naissance. Et le véritable enjeu ce n’est pas le développement de l’enfant mesurable avec des tests mais son humanisation. D’où la nécessité de lui parler. Ce processus d’humanisation n’est ni naturel ni spontané, il doit être marqué par des étapes déterminantes ».
Pour le pédopsychiatre, accompagner le développement de l’enfant, ce qui est le travail des professionnels, c’est être partie prenante de ce processus d’humanisation. « Et pour les pros c’est beaucoup plus valorisant d’être un actif dans un processus que spectateur d’un développement », conclut-il.
Une vulgarisatrice hors pair
Françoise Dolto a permis, grâce à ses livres et ses émissions de radio qu’on parle de la psychanalyse dans le grand public. Mais précise Catherine Vanier, « elle n’a jamais été vulgaire dans sa vulgarisation. Elle a mis la psychanalyse à la portée de tous mais avec une grande rigueur freudienne absolue de la théorie analytique. »
Dès 1976, Françoise Dolto connaît un immense succès grâce à son émission quotidienne sur France Inter, "Lorsque l'enfant paraît ". Elle répond à des lettres de parents en difficulté face à l'éducation de leur enfant. Sans prétendre donner des recettes, elle définit une attitude : chercher les raisons de chaque problème
rencontré et y répondre avec la justesse que l'attitude psychanalytique lui permet. Cette émission, très novatrice, donnera naissance à trois livres aux éditions du Seuil.