Agressions sexuelles : la prévention commence dès le plus jeune âge !

Les professionnels de la petite enfance ont une vraie responsabilité dans la prévention des abus sexuels et maltraitances corporelles. Les tout-petits ont non seulement droit au respect de leur corps lors des soins quotidiens mais il faut qu'ils sachent et ressentent qu'ils ont droit à ce respect ! Et peuvent montrer leur désacccord avant même de savoir l'exprimer par des mots. Aux pros d'être attentifs à leurs réactions. Plus tard ces bébés devenus des enfants sauront qu'ils peuvent dire non : "Mon corps c'est mon corps". Les réflexions de Monique Busquet, psychomotricienne, sur un sujet délicat et qui interroge sur les pratiques des professionnels.
« Mon corps, c’est mon corps »
« Mon corps, c’est mon corps » est le titre d’un film, support d’un ancien programme canadien de prévention des agressions sexuelles, destiné aux enfants et qui est encore d’actualité. Ce film aide les enfants à repérer les situations où « cela leur fait non à l’intérieur d’eux », à pouvoir dire non fermement lorsque « les gestes d’un autre leur font non dans leur corps » et à aller dire à un adulte de confiance s’ils se sont sentis ainsi agressés. Ce travail de prise de conscience se fait à partir d’exemples de situations quotidiennes qui peuvent paraître anodines (par exemple, être coiffé un peu vivement) puis avec des exemples de situations plus précises d’agressions sexuelles.
Il est aussi rappelé aux adultes la nécessité des respecter les enfants dans leur corps, d’écouter et de les croire quand ils viennent se confier. En effet, les témoignages de mineurs, après coup, (parfois de trop longues années plus tard) indiquent que bien souvent les enfants qui ont essayé de parler n’ont pas été crus. Ils entendent encore trop souvent : « ce n’est pas possible », « tu exagères sûrement ». Lorsqu’un enfant se confie à nous, il est essentiel de lui dire que nous le croyons, qu’il a bien fait de nous en parler,  que ce n’est pas de leur faute, qu’il est interdit de toucher ainsi leurs parties intimes et que nous allons  les aider.

Soins du quotidien : respecter les réactions des bébés
Cette prévention commence également dès le plus jeune âge. La phrase « Mon corps, c’est mon corps » est une notion essentielle, qui doit être à la base de tout accueil et accompagnement des jeunes enfants. Et cela dans chaque geste du quotidien.
Lors des soins du quotidien (repas, change, mouchage, habillage...), il est essentiel de  toucher les bébés avec le plus grand respect, d’être attentifs à leurs manifestations corporelles, si fines soient-elles, de les prendre en compte et s’accorder à ces réactions. Même lors de soins obligatoires et pas toujours agréables (lavage de nez, aérosols), plus nous respectons l’enfant, plus nous sommes patients, plus nous lui laissons le temps de se préparer et demandons sa participation, plus il acceptera le soin. Plus il expérimente dans son corps respect et douceur de la part de l’adulte, plus il a confiance dans cet adulte. Si nous agissons vite et « sous la contrainte », l’enfant résistera plus les fois suivantes.
Autour de l’alimentation, il est  essentiel de se rappeler que c’est l’enfant qui a faim et se nourrit. S’il détourne la tête, repousse le biberon ou la cuillère de la main, il exprime ainsi qu’il n’en veut pas; il est alors important de respecter ce qu’il dit ainsi, de ne pas le forcer, ne pas le faire manger pour nous faire plaisir. Il mange parce qu’il a faim et non parce que nous avons envie qu’il mange.
Nous portons l’enfant, lui faisons des câlins parce qu’il en a besoin. Mais cela ne doit pas être parce que nous en aurions besoin ou envie. « Son corps » n’est pas là non plus pour nous faire plaisir, il n’est pas « à notre service », même si nous le trouvons « mignon », ou que « sa peau serait douce, qu’il sentirait bon ».  Nous n’avons pas non plus à lui demander des bisous, pour notre propre plaisir.
Lorsque nous changeons la couche d’un enfant, il est important de le faire dans l’intimité, et non « en public », devant tout le monde. Nous lui indiquons ainsi que ses parties intimes n’ont pas à être montrées. Seuls les médecins ont le droit de les toucher, pour des raisons médicales et toujours avec grand respect, bien sûr.
L’acquisition du contrôle sphinctérien appartient également à l’enfant, c’est un processus de maturation et non un apprentissage pour faire plaisir aux adultes. Nous n’avons pas non plus à faire de commentaires « publics » (il n’y a pas à en afficher un tableau de « réussites » comme je l’ai vu récemment).

Etre à l’écoute des petits et de ce qu’ils ressentent
Lorsqu’un enfant s’exprime sur ce qu’il ressent dans son corps ou dans ses émotions, il faut l’écouter. On avait trop longtemps pensé que les bébés ne ressentaient pas la douleur, rappelons-nous que c’est l’enfant qui vit des sensations dans son propre corps, il ne les invente pas. S’il  a peur, s’il est triste, s’il est en colère, s’il a mal, c’est lui qui sait ce qu’il ressent. Nous ne pouvons savoir nous-mêmes ce qu’il ressent ou ce qui serait bon pour l’enfant dans son corps.
Ecouter les enfants, les croire, les entendre et les respecter, les prendre au sérieux, leur permettre de s’exprimer et de dire non, ne pas se moquer, ou les faire taire.
On ne dira jamais assez que personne n’a le droit de toucher le corps d’une autre personne sans sa permission, si elle n’est pas d’accord, même un enfant, qu’un non c’est un non et qu’il doit être respecté même quand cela concerne le corps d’un enfant...

Nous avons donc auprès des tout-petits notre part de responsabilité. Nous devons leur transmettre de façon claire et explicite, dès le plus jeune âge, que leur corps, n’appartient qu’à eux et ainsi qu’ils sachent reconnaître ce qui n’est pas acceptable, pouvoir y dire non et demander de l’aide aux adultes de confiance, si besoin.
Article rédigé par : Monique Busquet
Publié le 19 novembre 2017
Mis à jour le 13 décembre 2017