Le confinement : quelles conséquences sur la santé des enfants ?

Dans le cadre de la campagne d’information cofinancée par l’Union Européenne encourageant la lutte contre la sédentarité et les déséquilibres alimentaires et à l’occasion du Congrès de la Société Française de Pédiatrie, le Centre National Interprofessionnel de l’Économie Laitière (CNIEL), avec le soutien de l’Union Européenne, a organisé un e-symposium sur le thème « Le confinement a-t-il altéré la santé des enfants ? ». Trois scientifiques ont tenté d’apporter un éclairage sur les conséquences psychologiques, les répercussions dans les habitudes alimentaires, l’activité physique et la sédentarité et les pistes pratiques pour préserver l’équilibre alimentaire et l’activité des enfants. Voici le résumé de leurs interventions.
+40% de visites psy aux urgences
Le Docteur Olivier Révol Psychiatre, Chef de Service de psychopathologie du développement de l'enfant et de l'adolescent aux Hospices Civils de Lyon, s’est intéressé à l’impact psychologique du confinement sur les jeunes enfants. Les chiffres parlent d’eux-mêmes avec une hausse de 40% des entrées aux urgences pédiatriques pour motif psychologiques surtout des troubles anxieux, de la dépression, des tentatives de suicide, des troubles du comportement alimentaire… et une saturation des lits en pédopsychiatrie.

« Si le premier confinement excepté plusieurs situations compliquées s’est passé plutôt tranquillement, le déconfinement n’a pas été si simple », a précisé le Pr Révol. Des enfants ont présenté des syndromes de la cabane, inquiets à l’idée de sortir de leur bulle protectrice, et des prémices de séquelles psychiques. « Celles-ci se sont installées dans le temps et ont été doublement traumatogènes avec à la fois une inquiétude de l’enfant mais également la mise à mal de sa croyance en l’invulnérabilité de ses parents et l’infaillibilité de leur protection », a expliqué le Professeur Révol. 

Un impact chez les moins de 2 ans aussi
Avant 2 ans, les conséquences psychologiques se sont traduites par un ralentissement du développement psychomoteur, de l’apathie ou de l’agitation, des pleurs et des cris incessants, des troubles du sommeil et de l’alimentation, des troubles cutanés et des difficultés de séparation. 

Chez les 3 à 6 ans, le confinement a entraîné des comportements et dessins répétitifs, des conduites d’évitement, de l’encoprésie et de l’énurésie secondaire, des troubles du sommeil, des phobies, une angoisse de séparation, de tristesse exprimée ainsi que des manifestations somatiques à type de douleurs abdominales, céphalées…

Les 7-12 ans et les ados n’ont pas été épargnés non plus et le spécialiste a même évoqué la survenue de stress post traumatique dus à la période de confinement covid.

Des changements dans les habitudes d’alimentation des enfants
« L’alimentation a pris une place importante durant le confinement », a rappelé Aurée Salmon-Legagneur, directrice d’études et de recherche au CRÉDOC. 
60% des parents ont signalé des changements concernant l’alimentation des enfants pendant le confinement. Notamment, un appétit accru, une augmentation du plaisir de manger, une suralimentation émotionnelle et une augmentation de la réactivité alimentaire consistant à manger en réponse à des signaux externes comme la vue ou l'odeur des aliments. 
36% des enfants ont grignoté en dehors des heures de repas. Ça a touché principalement le goûter avec plus d’aliments réconforts tels les chocolats/bonbons, sodas, chips, biscuits, glaces, pâtisseries. Autre facteur déclenchant pour s’alimenter : l’ennui retrouvé chez 53% des enfants.

Chez les parents, l’impact s’est traduit par un changement des pratiques avec une permissivité plus grande concernant la nourriture (horaires, limites), un changement d’habitudes avec plus de cuisine maison, plus de cuisine préparée avec les enfants, et un accroissement du stress avec pour conséquence plus d’autonomie laissée à l’enfant pour les quantités consommées.

Peu de suivi de la recommandation en matière d’activité physique
Côté activité physique, avant le confinement, les trois-quarts des 3-17 ans n’atteignaient pas la recommandation. À savoir, chez les moins de 6 ans, 3h/jour. Le temps de jeu actif chez les moins de 6 ans a été réduit pour 25% d’entre eux, a été augmenté chez 50% d’entre eux et pour les derniers 25%, il n’a pas changé. 
60% des moins de 6 ans dépassent le temps d’écran recommandé

Sur la question de la sédentarité, de nombreuses études ont démontré que les comportements sédentaires particulièrement devant un écran ont un impact négatif sur le développement physique, cognitif, émotionnel et social des enfants, leur bien-être, leur sommeil et leur santé mentale. Pendant le confinement les moins de 6 ans sont 60% à avoir augmenté le temps passé devant les écrans. La scientifique a rappelé que les recommandations en vigueur sont de 2 heures maximum par jour pour les enfants. 

L’activité physique nécessaire
Pour le professeur Patrick Tounian, Professeur de pédiatrie à la faculté de médecine Sorbonne Université et Chef du service nutrition et gastroentérologie pédiatriques de l’hôpital Trousseau à Paris, la réduction de l’activité physique liée au confinement n’a pas entraîné de complications somatiques chez l’enfant mais a grandement perturbé son état psychologique, surtout s’il avait l’habitude d’être actif. Pour inciter les enfants à s’activer, il promeut les déplacements actifs entre la maison et l’école, incite les enfants à jouer librement dehors, à privilégier les déplacements non motorisés (courses, promenades…). En revanche, il faut limiter les activités sédentaires (temps d’écran). Il préconise la pratique d’un sport choisi par les enfants eux-mêmes selon leurs capacités physiques, et pourquoi pas la pratique d’activités sportives en famille.

De la viande deux fois par jour 
Pour éviter les déséquilibres nutritionnels, le médecin insiste sur le respect des 4 piliers de l’équilibre nutritionnel permettant d’assurer les apports en fer, calcium, acides gras essentiels et DHA, et phyto-nutriments. 
Les besoins en fer absorbé (le fer d’origine végétal l’est moins) sont particulièrement élevés chez l’enfant et il recommande  un produit carné deux fois par jour. 
Pour le calcium, les besoins sont assurés si l’enfant consomme 3-4 produits laitiers par jour. 
Pour avoir les bons acides gras essentiels, le Professeur Tounian recommande les huiles de colza, soja et noix qui sont les mieux équilibrées. S’agissant de l’acide docosahesaénoïque (DHA), un omega-3, on le trouve principalement dans les poissons. Pour assurer les besoins des enfants en DHA, il recommande la consommation d’ 1 ou 2 portions de poissons par semaine, dont 1 gras. 
La carence en fibre n’existant pas et celle en vitamines étant très rare et uniquement si l’enfant ne consomme aucun végétal pendant un mois, le spécialiste ne recommande qu’un ou deux fruits ou légumes par jour aux enfants. 
Article rédigé par : Isabelle Hallot
Publié le 20 mai 2021
Mis à jour le 21 avril 2022