7 questions pour comprendre la pénurie de vaccins DTP

Depuis plusieurs mois, la pénurie de vaccins DTP laisse songeurs certains parents... et in extenso, certains professionnels  de la petite enfance, eux-mêmes confrontés à des questions auxquelles ils n'ont pas toujours de réponse. A quoi est due cette crise vaccinale ? Quels impacts pour les enfants et les professionnels ? Quelques pistes pour y voir plus clair.
1. Quels sont les vaccins concernés par la pénurie ?
Tous les vaccins contenant DTP (Diphtérie-Tétanos-Polio) ne font pas l'objet de tensions d'approvisionnement. En effet, selon l'ANSM, la 'pénurie' concerne avant tout le vaccin tétravalent qui protège contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite (DTCaP), commercialisé sous les noms d'Infanrixtetra® et Tetravac®. Le vaccin pentavalent ou Infanrixquinta® et Pentavac® (qui comprend en plus la valence Haemophilus influenzae, Hib) est lui aussi concerné. Les deux types de vaccins sont ainsi difficiles à obtenir depuis début 2015. Le pentavalent est toutefois disponible de façon contingentée depuis le début de l'année.
A contrario, le vaccin hexavalent, qui protège également contre l'hépatite B (Hep B) est normalement distribué. Plus connu sous ses dénominations commerciales d'Infrarixhexa® ou d'Hexyon®, il est également recommandé dans le cadre du calendrier vaccinal.
A noter : depuis 2008, le vaccin enfant contenant uniquement les valences DTP n’est plus disponible, ni en France, ni ailleurs.

2. Comment peut-on expliquer les tensions d'approvisionnement de certains vaccins DTP ?
Selon le Dr. François Vié Le Sage, pédiatre et référent de l'Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA) sur les questions de vaccination, on ne peut pas réduire la pénurie à une mauvaise volonté des industriels. « Il y eu un défaut d'anticipation des industriels ET des autorités de santé face à une demande de vaccination toujours plus importante. Il a donc fallu réglementer les fournitures mondiales en vaccin. Or, en France, comme l'hexavalent est recommandé, la priorité lui a été donné. »
Et d'illustrer ses propos par un exemple révélateur : la demande de vaccination en Inde et en Chine a explosé, ces deux pays représentant à eux seuls 42 millions de naissances par an (contre 5 millions en Europe). Pour répondre à ces attentes, un seul laboratoire fabrique aujourd'hui la valence coqueluche...

3. Les enfants, et a fortiori ceux accueillis en collectivité, pâtiront-ils de cette pénurie ?
Non. « Avec l'obligation de vaccination et la disponibilité de l'hexavalent, la couverture vaccinale en France est très bonne pour le DTP et maintenant pour les coqueluche, haemophilus influenzae et hépatite B, chez les enfants, » précise Annick Guimezanes, immunologiste à l'Inserm . « On s'inquiète pour le DTP, mais la couverture vaccinale pour le ROR est bien inférieure, » continue-t-elle.

4. La pénurie peut-elle avoir un impact sur les recommandations vaccinales à l'égard des professionnels de la petite enfance ?
Non. Les vaccins adultes, recommandés ou obligatoires selon la profession, ne sont pas tout à fait les mêmes. «  La pénurie n'a concerné que les vaccins enfants, plus dosés et indispensables à la primo-vaccination, » souligne le Dr. Vié Le Sage. «  La stratégie de cocooning (faire vacciner l'entourage pour protéger les enfants qui ne sont pas encore en âge d'être vaccinés, ndlr.) et la vaccination des professionnels n'ont pas été impactés par la pénurie. ».

5. La pénurie de vaccins DTP a-t-elle conduit les parents à devenir plus défiants face à la vaccination ?
Oui et non. En réalité, les professionnels de santé remarquent depuis quelques années la montée en puissance de l'hésitation vaccinale (2). La pénurie des vaccins tétra et pentavalents ne serait alors qu'un épisode dans une tendance de plus en plus forte de défiance ou de questionnement face aux vaccins. « Selon l'INVS (3), la pénurie aurait baissé la couverture vaccinale de 5 % depuis 2015. Mais cela reste à confirmer, » rappelle le pédiatre. Si certains parents semblent donc plutôt moins enclins à faire vacciner leur enfant, ils ne représenteraient qu'une minorité.

6. La disponibilité du seul hexavalent ne rend-elle pas, de fait, la vaccination contre l'hépatite B obligatoire chez l'enfant ?
Oui, mais... L'une des principales craintes des parents face à la pénurie : ne plus avoir le choix quant à la vaccination ou non de leur enfant contre l'hépatite B. Il est vrai que pour la majorité des enfants (hors cas particuliers), la seule accessibilité du vaccin hexavalent impose de fait la prévention contre l'hépatite B. Sur ce point, les experts se veulent pourtant rassurants. Pour le Dr. Vié le Sage, cette vaccination  n'a que des avantages (ce qui explique aussi sa recommandation) : « elle est efficace tôt et probablement à vie, sans rappels ultérieurs, elle est très bien tolérée et l'hexavalence évite à l'enfant trois injections qu'il faudrait lui faire plus tard.» Une vaccination d'autant plus importante que les hépatites B du nourrisson, certes rares, sont fréquemment graves et peuvent être contractées en garde collective, comme le rappelle Haut Conseil de la Santé Public (4).
Et que dire du lien supposé entre vaccination contre l'hépatite B et apparition de maladies auto-immunes? «  Des cohortes très importantes ont été observées pour évaluer le lien entre la survenue de la sclérose en plaques (SEP) et la vaccination contre l'hépatite B », rappelle Annick Guimezanes. « On a aujourd'hui assez de recul pour dire qu'il n'y a pas de cause vaccinale à la SEP (5)».

7. Quand la pénurie de vaccin DTP prendra-t-elle fin ?
Pas tout de suite. Pour le vaccin pentavalent, l'ANSM met en avant, dans un communiqué, un mieux : « Une amélioration de la situation avec une stabilisation du marché et une diminution de l'intensité de la tension sont observés depuis le second semestre 2015 ». Par contre, « pour les vaccins combinés tétravalents, un nombre très restreint de doses est disponible sur le marché[...]. Le retour à la normale n'est pas prévu avant la fin de l'année 2016 ». Une situation peu encourageante que confirme le pédiatre, pour qui les crises devraient plutôt se multiplier : « il est clair que l'industrie a plutôt tendance à se désengager de la vaccination et cela nous inquiète,» conclut-il.





(1)    L'Haemophilus Influenzae (Hib) est la principale bactérie responsables de méningites sévères avant 5 ans
(2)    Heidi J.Larson et al. Understanding vaccine hesitancy around vaccines and vaccination from a global perspective: a systematic review of published literature, 2007-2012. Vaccine 32 (2014).
(3)    http://www.invs.sante.fr/fr/Actualites/Actualites/Diminution-de-la-couverture-vaccinale-du-nourrisson-au-premier-semestre-2015
(4)    Le Guide du HCSP sur la survenue des maladies infectieuses dans une collectivité / conduite à tenir rappelle notamment les modes de transmission de l'hépatite B chez les enfants : de personne à personne par contact direct des muqueuses ou d'une peau lésée avec du sang infecté (…) ou via l'environnement par le contact indirect des muqueuses ou d'une peau lésée avec un objet souillé par du sang (jouet, etc.)
(5)    Voir à ce titre l'avis du Haut Conseil de la Santé Public (HCSP) relatif à la vaccination contre l'hépatite B du 2 octobre 2008, téléchargeable au lien suivant : http://www.infovac.fr/vaccins-de-base/hepatite-b


 

Pour aller plus loin

•  Posez vos questions sur la vaccination aux experts d'Infovac : http://www.infovac.fr/
•  Toutes les fiches vaccination de l'Association Française de Pédiatrie ambulatoire : http://www.afpa.org/index.php?option=com_content&view=category&layout=blog&id=124&Itemid=424

Article rédigé par : Eléonore Schreibman
Publié le 29 avril 2016
Mis à jour le 30 avril 2017