Comment accueillir un enfant atteint de diabète de type 1 ?

L'accueil d'un enfant atteint d'un diabète de type 1 peut parfois poser question aux professionnels de la petite enfance. Après tout, face à une maladie auto-immune à la fois contraignante et souvent méconnue, une organisation particulière est toujours nécessaire que cela soit en crèche ou chez une assistante maternelle. Pourtant, cette pathologie est aujourd'hui de mieux en mieux prise en charge. Le point avec le Dr. Fabienne Dalla-Vale, pédiatre spécialisée en diabétologie au CHU de Montpellier et à l’institut Saint Pierre de Palavas et le Dr. Jean-Louis Ordioni, médecin référent de crèche.
Le diabète de type 1 qu’est-ce que c’est ?Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune qui se caractérise par un taux de sucre trop élevé dans le sang (hyperglycémie). Pour la comprendre, il est avant tout important de mieux cerner le système physiologique de régulation de la glycémie.
Chez un enfant (ou un adulte d'ailleurs) en bonne santé, l’augmentation de la glycémie après un repas active la production d’insuline par les cellules bêta du pancréas, ce qui permet de faire rentrer le sucre dans les cellules. Le pancréas, via l'insuline agit alors, comme une sorte de système de sécurité, qui permet d'éviter que le taux de sucre dans le sang ne soit trop bas. Ainsi, à partir d’un mois de vie, la glycémie normale varie entre 70 et 140 mg/dl.
Chez l'enfant concerné par la pathologie, les lymphocytes T (notre système de défense) attaquent et détruisent petit à petit ces cellules bêta du pancréas en synthétisant des auto-anticorps. Quand 90% du stock cellulaire est détruit et que les cellules n’ont plus la capacité de synthétiser de l’insuline, l’hyperglycémie apparaît (taux supérieur à 180 mg/dl). C'est le diabète.

Quelle est l'origine du diabète de type 1 ?Comment expliquer que certains enfants déclarent un diabète de type 1 ? C’est souvent à l’occasion d’une infection banale que les lymphocytes sécrètant des anticorps, se mettent aussi à secréter des anticorps contre les cellules bêta du pancréas. Pour autant, qui dit infection, ne dit pas forcément diabète (et heureusement!). En réalité, « l’hypothèse de la maladie est qu’il existe des gènes prédisposants. On pense qu’il existerait aussi un manque de gènes protecteurs. Depuis 30 ans, on a modifié trop vite l’environnement humain (polluants, industrie alimentaire) ce qui explique que les maladies auto-immunes (maladie cœliaque, thyroïdite) sont en train d’augmenter chez les plus jeunes, » explique le Dr. Fabienne Dalla-Vale. Conséquence de ce phénomène : « la prévalence globale du diabète de type 1 augmente de 4 % par an, avec un rajeunissement au diagnostic. On voit désormais des enfants de 7 mois diabétiques et de plus en plus d’enfant de moins de 3 ans. Ils représentent aujourd'hui près d’1 enfant sur 5 », précise la spécialiste.

Diabète de type 1 : des signes précoces à surveillerReste à dépister la maladie. Pour éliminer le sucre en excès, le rein doit éliminer plus d’eau. L’enfant urine beaucoup, refait pipi au lit par exemple et boit beaucoup pour compenser les pertes en eau et éviter la déshydratation. Ces deux signes doivent alerter les parents ou les professionnels en contact avec l’enfant et amener à consulter en urgence. Un test capillaire de la glycémie chez le pharmacien ou le médecin permettra alors d'orienter le diagnostic et de prendre en charge l'enfant rapidement.

Si aucun traitement n’est mis en place faute de diagnostic, la production d’insuline s’effondre et l’organisme puise dans ses réserves de graisses pour produire de l’énergie. « La combustion des graisses produit de l’acétone qui passe dans le sang et les urines. Cela aboutit à une augmentation de l’acidité du sang (acidocétose) qui se traduit par un pH trop bas », continue la spécialiste. L’acidocétose se manifeste par des douleurs abdominales, des nausées et des vomissements pouvant évoquer une gastro-entérite. Les parents signalent une perte de poids importante. A ce stade, une prise en charge urgente est nécessaire afin d'éviter un coma acidocétosique, voire dans de très rares cas, un décès.

Quel traitement pour le diabète de type 1 chez le petit enfant ?
L’objectif du traitement est de délivrer de l’insuline à l’enfant afin de réguler sa glycémie, puisque cette fonction du pancréas n’existe plus. Son administration se déroule en deux phases :
  • Pour mesurer la glycémie, on fixe sur la peau de l’enfant (généralement à l’arrière du bras) un capteur de glucose qui va effectuer la mesure de la glycémie capillaire en continu toutes les 5 minutes. Grâce à la modernisation des outils de mesure, il est désormais possible de programmer des alarmes qui vont avertir quand le taux de sucre chute (à partir de 0.70g/l) ou au contraire est trop élevé à partir de 1.80g/l). Pour lire le chiffre de la glycémie, il suffit de flasher le capteur avec un lecteur. Le dispositif est à changer tous les 7 à 10 jours.
     
  • Pour apporter de l’insuline – les doses sont minimes chez les petits –, on utilise une pompe à insuline préréglée et paramétrée pour l’enfant. Elle délivre en continu de petites doses d’insuline (on met entre 1.8 et 3 ml d’insuline dans le réservoir ce qui permet de tenir environ 3 jours). Cette pompe distribue heure par heure l’insuline via une petite tubulure (tuyau) jusqu’à un cathéter en téflon implanté en sous-cutané (on peut appliquer avant une petite crème anesthésiante). Le cathéter est posé sur le ventre ou la cuisse chez les tout-petits qui portent une couche et sur le bras, la cuisse, la partie supérieure des fesses ou l’abdomen chez les plus grands.


Mesurer la glycémie, paramétrer la pompe, faire une injection d’insuline, changer le cathéter d’une pompe à insuline, tout comme apprendre à compter les glucides des repas ne s’improvise pas. C’est pourquoi les parents des jeunes enfants diabétiques ont l'opportunité de suivre un stage d’éducation thérapeutique (dès qu’ils sont plus grands les enfants y participent) avec le diabétologue et son équipe. En cas de souci, ils peuvent aussi contacter l’infirmière du prestataire ayant fourni la pompe ou une infirmière libérale. À noter : si l'accompagnement des ces tout-petits reste contraignant, la prise en charge du diabète s'est nettement améliorée au cours des dernières années. Preuve en est, pour les enfants un peu plus grands, il existe depuis cette année des pompes automatisées qui délivrent de l’insuline en fonction de la glycémie toutes les cinq minutes. « Si la glycémie baisse, la pompe stoppe l’administration d’insuline. Inversement, si la glycémie s’envole, la pompe en délivre davantage. Malheureusement l’autorisation de mise sur le marché n’est pas encore donné pour les enfants avant 6 ans », explique la diabétologue.

Comment s’organise l’accueil d’un enfant diabétique en crèche ou chez une assistante maternelle ?Avant tout, un rappel : l’enfant diabétique, comme tout enfant souffrant de maladie chronique , doit « pour grandir sereinement bénéficier d’un accueil, quelle que soit sa situation ou celle de ma famille» rappelle le Dr Ordioni, médecin référent de crèches, renvoyant à l’arrêté du 23 septembre 2021 ayant créé la Charte nationale pour l’accueil du jeune enfant.

Et pour permettre cet accueil, des dispositions particulières doivent être prises. « Le pédiatre de crèche référent santé accueil inclusif (RSAI) joue un rôle majeur dans l’organisation de la prise en charge en collectivité du petit enfant diabétique » continue-t-il. Celle-ci consiste à :
  • Organiser l’accueil : visite d’admission, rencontre des parents, lien avec le médecin traitant, le diabétologue et/ou le service d’endocrinologie qui assurent le suivi de l’enfant,
  • Mettre en place un plan d’accueil individualisé (PAI),
  • sensibiliser le personnel à la prévention, au dépistage et à la prise en charge des complications éventuelles inhérentes à la pathologie (essentiellement des épisodes d’hypoglycémie)

En quoi consiste le PAI d’un tout-petit atteint de diabète de type 1 ?
Le PAI renseigne :
  • Les personnes à contacter en cas d’urgence, et leurs coordonnées téléphoniques,
  • La trousse d’urgence fournie par les parents (matériel de pompe et deux cathéters, ampoule de glucagon, lecteur de glycémie, stylo insuline rapide avec deux aiguilles, bandelettes glycémie et acétone, sucre, confiture ou équivalent de resucrage),
  • Les modalités de surveillance de la glycémie (capteur du glucose interstitiel sur la pompe à insuline par exemple) et/ou glycémie capillaire avec un lecteur de glycémie,
  • Les horaires d’intervention de l’IDE libérale à la crèche (repas et goûter),
  • La description des signes d’hypoglycémie peu spécifiques qui doivent cependant alerter : pâleur, fatigue, sueurs, somnolence …
  • Les modalités de resucrage en fonction des chiffres glycémiques et des signaux du capteur. La nécessité d’établir un cahier de liaison pour rendre compte aux parents en fin de journée
  • Les signes d’hypoglycémie sévère avec impossibilité de resucrage par la bouche (perte de connaissance avec ou sans convulsions, somnolence extrême) et la conduite à tenir (mise en PLS, appel du 15, injection IM ou SC de Glucagon, ½ ampoule, appel des parents).

Comment se déroulent les repas en crèche ou chez l’assistante maternelle ?« Les enfants diabétiques mangent comme les autres enfants sans régime particulier, ni aliment interdit. Ce qui importe, c’est de compter les glucides des repas (petit-déjeuner, déjeuner, gouter, diner). Une fois le calcul fait (des applications comme Gluci-Check le facilitent désormais), on rentre ce nombre dans la pompe et elle calcule la mini dose d’insuline à administrer avant le repas. Ce bolus passe en 3 heures. Quand un bébé est au biberon de lait artificiel, il faut faire un bolus avant chaque biberon, » rappelle la pédiatre diabétologue. Et au Dr. Ordioni de préciser : « l’enfant mange les menus de la crèche, qui apportent l’équilibre suivant : Glucides (50%), Lipides (35%), Protéines (15%). Les glucides sont proposés à chaque repas. Il peut être utile de se mettre en lien avec la diététicienne du service de diabétologie. Dans la pratique, le fait d’avoir une directrice de structure, infirmière puéricultrice ou infirmière rend plus facile l’accueil médicalisé de l’enfant diabétique ». Autre solution si le comptage des glucides ne peut être fait : un panier repas avec la quantification précise des glucides, fourni par les parents. Quant à l'injection d’insuline sur les temps de repas, elle est faite par une infirmière ou une puéricultrice (de la crèche ou une infirmière libérale formée).

Quel retour d'expérience des professionnels ? « Avec la continuité de direction (EJE), nous calculions tous les jours le nombre de glucides que l’enfant allait avoir en fonction des repas et des aliments grâce à une application. L’infirmière libérale venait quotidiennement au moment des repas rentrer le nombre de glucides dans la pompe qui délivrait alors la bonne dose d’insuline, » raconte une directrice puéricultrice qui a accueilli un an un enfant diabétique de deux ans dans l’une des crèches dont le Dr Ordioni à la charge.

Comment réagir en cas d'hypoglycémie de l'enfant diabétique ?Le Dr Dalla-Vale rappelle avant tout qu’il n’y a pas d’urgence à une hyperglycémie ponctuelle. Concernant l’hypoglycémie, la pompe est réglée pour sonner à 0.70g/l. Quelques signes permettent de repérer un manque de sucre : l’enfant est fatigué, pâle, il se met à bailler, devient irritable, ronchon, éprouve une sensation de faim… Si le taux de sucre est inférieur à 0.60 g/, il faut apporter du sucre à l’enfant. Si rien n’est fait et que la glycémie chute sous 0.25g/l, l’enfant risque alors de faire un malaise et de tomber par terre.
Pour remédier à une hypoglycémie, il faut donc rapidement « ressucrer » l’enfant. « On apporte 5 g de sucre en poudre par 20 kg de poids (soit un sachet 20 kg de poids qu’on dilue dans un peu d’eau). Puis, 10 minutes après, on recontrôle la glycémie », insiste le Dr Valla-Dale. Et de préciser que quand la glycémie remonte, on le voit rapidement au comportement de l’enfant.

Sur le terrain et au quotidien, les bons réflexes s'adoptent généralement vite ! « La pompe sonnait en cas d’hypo ou d’hyperglycémie.  L’hypoglycémie survenait la plupart du temps en fin de matinée ou lorsque l’enfant s’était beaucoup dépensé. Elle était systématiquement contrôlée en capillaire et justifiait d’un ressucrage (30ml de jus de fruit). Puis, on asseyait l’enfant et on contrôlait sa glycémie 10 minutes plus tard. Un second ressucrage était parfois nécessaire,» rassure la directrice de crèche.

Diabète de type 1 chez l'enfant : que faire si le capteur ou le cathéter est arraché ?Dans cette situation, les professionnels de la petite enfance doivent appeler les parents. Ce n’est pas au personnel de crèche de les reposer. Et au Dr. Ordioni de conclure pour rassurer les professionnels qui seraient impressionnés par l'accueil d'un enfant diabétique : « l’accueil d’un enfant atteint de diabète de type 1 en EAJE est un formidable défi et un formidable travail d’équipe. Il associe au projet les parents, le service de diabétologie, l’infirmière libérale, la diététicienne, le RSAI, la directrice de la structure et sa continuité de direction, et toute l’équipe des pros de la section qui devra être sensible aux signes de déséquilibre glycémique et accompagnera l’enfant et sa famille avec sérénité et bienveillance. »
 

Un enfant comme les autres

Un petit enfant diabétique, à ce jour des possibilités de la médecine, sera diabétique à vie. Il est évident que cet enfant puisse en souffrir psychologiquement. Une prise en charge « psy » peut être nécessaire et, une fois les risques pris en compte, le diabète équilibré par l’hygiène de vie et le traitement, il est impératif de ne pas mettre ce petit « de côté » : il est porteur d’une maladie mais n’est pas malade au quotidien !

Article rédigé par : Isabelle Hallot
Publié le 06 mars 2017
Mis à jour le 24 février 2023