Des échanges de lettres tendus entre Adrien Taquet et Pas de bébés à la consigne

Aujourd’hui, jeudi 3 juin, c’est jour de grève chez les professionnels de la petite enfance, à l’appel du Collectif Pas de bébés à la consigne. Ce dernier avait envoyé deux lettres à l’attention du secrétaire d’Etat à l’Enfance et aux Familles : une pour le convier à un débat sur la réforme des modes d’accueil et une autre pour demander à être reçu ce jour dans le cadre de la mobilisation nationale. Le Collectif a reçu une réponse on ne peut plus claire à ses deux requêtes : Non ! Réponse à laquelle il n’a pas manqué de réagir.

Les échanges entre Adrien Taquet et Pas de bébés à la consigne sont pour le moins tendus ! Dans une lettre de 4 pages datée du 1er juin, le secrétaire d’Etat à l’Enfance et aux Familles, explique de façon très ferme pourquoi il ne peut « répondre favorablement » aux demandes du Collectif. Ce dernier n’a pas tardé à lui répondre. 

« La concertation est close », selon Adrien Taquet
Dans sa lettre, le secrétaire d’Etat à l’Enfance et aux Familles rappelle que sa méthode a toujours été celle de « la concertation – collective, ouverte et transparente – avec l’ensemble des représentants institutionnels, syndicaux et associatifs du secteur ». Et ajoute : « J’observe à cet égard que Pas de bébés à la consigne a été invité à participer à cet exercice et y a activement contribué. » Et de se fendre d’une pique : « alors même que d’une part il n’appartient à aucune de ces catégories, et que d’autre part ses contours sont incertains. » De fait pour Adrien Taquet « la concertation est close » et débattre maintenant « (…) reviendrait en effet à désavouer et discréditer l’ensemble de ceux qui ont joué le jeu de la négociation et en acceptent jusqu’au bout les règles. »

La réforme des modes d’accueil, une réforme attendue et nécessaire
Dans la suite du courrier, le secrétaire d’Etat redonne les raisons pour lesquelles il est urgent d’agir. Il cite notamment « les règles peu claires » pour les assistantes maternelles agréées et les MAM concernant le nombre d’enfants pouvant être accueillis mais aussi les règles compliquées qui régissent l’accueil collectif, frein à la création de nouvelles places et enfin la question de l’administration des médicaments, difficile à interpréter actuellement. Et de conclure ce premier point : « L’ordonnance du 19 mai 2021 donne le coup d’envoi définitif d’une réforme qui offre enfin des règles faciles à lire, simples à appliquer, et centrées sur l’objectif à atteindre collectivement : offrir l’accueil de la plus grande qualité possible au plus grand nombre d’enfants possible. »

Il rappelle ensuite « les points de la réforme trop souvent passés sous silence », selon lui, comme l’accès à la médecine du travail pour les assistants maternels, le contrôle des antécédents judiciaires pour tous les professionnels, l’entrée dans la loi de la charte nationale pour la qualité d’accueil du jeune enfant… Sans oublier de reparler de l’enveloppe de 37M d’euros débloquée pour la formation des 600 000 professionnels de la petite enfance, ce qui pour Adrien Taquet montre bien la volonté du gouvernement de mettre l’accent sur la qualité d’accueil.

Enfin, le secrétaire d’Etat revient sur des dispositions fortes de la réforme qui d’après lui font l’objet « de présentations incomplètes et parfois biaisées » par le Collectif. Il affirme : « Non, il n’est pas question de réduire les surfaces minimales », « Non, il n’est pas question de réduire le taux d’encadrement », « Non, il n’est pas question de réduire la qualification des professionnels » et détaille chacun de ces points. Et évoque deux propositions portées par le collectif : une sur les temps d’analyse de pratiques que celui-ci souhaite voir étendu à 12h (au lieu de 6h) et une sur l’exclusion des apprentis dans le calcul du taux d’encadrement. En conclusion, il aborde la question du niveau de rémunération et de la création de passerelles qui seront traitées par le Comité filière petite enfance avec pour objectif notamment de renforcer l’attractivité de ces métiers.

Pas de bébés à la consigne ne lâche rien
Le Collectif n’a bien entendu pas laissé la lettre d’Adrien Taquet sans réponse. Dans son courrier du 2 juin, il a repris plusieurs arguments développés par le secrétaire d’Etat, notamment sur les surfaces minimales, le taux d’encadrement et la qualification des professionnels. Concernant le nombre d’enfants accueillis par les assistantes maternelles et les MAM, Pas de bébés à la consigne interroge : « En quoi cette réforme apporte-t-elle la clarification revendiquée ? » Et sur la charte nationale et la somme de 37M d’euros, il répond : « L'effectivité de la charte d'accueil du jeune enfant ne peut se résumer à la seule formation des professionnel.les, mais si on se focalise sur ce sujet, ici encore les engagements du gouvernement sont loin du compte. Lors de précédentes réunions à ce propos, la DGCS estimait à 200 millions d'euros le budget nécessaire pour la formation des 600 000 professionnel.les de la petite enfance. Comment prétendre faire face à cet enjeu avec 18,5% de la somme ? »
Et en conclusion, il déclare : « Nous vous demandons enfin, puisque vous vous revendiquez pour votre réforme d'une "méthode qui est celle de la concertation", comment vous entendez prendre en compte l'avis défavorable adopté sur le projet de décret le 15 avril 2021 par le CA de la CNAF, où siègent des représentants "tout à fait clairs quant à leur statut", selon les termes de votre courrier. Au vu de ce vote défavorable, au vu des recommandations du HCFEA et des propositions de la commission des 1000 premiers jours et au vu de l’état actuel du secteur de la petite enfance, nous ne pouvons que continuer à porter nos revendications et à exiger une réforme bienveillante et ambitieuse des modes d’accueil. Nous espérons encore que vous reviendrez sur votre décision de ne pas nous recevoir ce jeudi 3 (…) »

Des échanges pour le moins musclés, mais qui ne changeront maintenant plus rien. Les dés sont jetés.

Voir le courrier de Pas de bébés à la consigne
Télécharger ci-dessous la lettre d'Adrien Taquet
 
Article rédigé par : C.F.
Publié le 03 juin 2021
Mis à jour le 05 juin 2021