Enfants en collectivité́ et COVID-19 : les pédiatres s'adressent aux parents et aux professionnels de l’enfance

 Prenant le contrepied des consignes gouvernementales émanant tant du Ministère de l’Éducation nationale pour l’école que du Secrétariat d’État de Christelle Dubos, pour les crèches et l’accueil par les assistas maternels la Société française de pédiatrie adresse une lettre ouverte aux parents et professionnels de l’enfance et insiste : le lavage de mains est le seul geste barrière indispensable pour un retour des enfants en collectivités. Et précise  : “les mesures de distanciations excessives (comme la suppression des espaces de jeux, l’interdiction aux enfants de jouer entre eux, ou l’impossibilité de consoler un enfant) sont inutiles voire préjudiciables ». Nous publions le texte intégral de cette lettre ouvert dans le droit fil de la tribune libre signée par 12 sociétés savantes de pédiatrie il y a quelques jours.

Mesdames, Messieurs,

La perspective du retour en collectivité́ des enfants et des adolescents marque une nouvelle étape dans cette pandémie qui a bouleversé nos vies. Il est à̀ l’origine de très nombreuses questions et inquiétudes bien compréhensibles. La Société́ Française de Pédiatrie, qui rassemble les pédiatres spécialistes de l’enfant, souhaite avant tout rassurer les parents. En effet, les connaissances accumulées depuis ces 2 derniers mois confirment que l’infection à COVID-19 est une maladie bénigne chez la quasi-totalité́ des enfants. Les formes graves sont très rares, moins fréquentes qu’en cas de grippe ou de bronchiolite. Des cas de complications inflammatoires tardives ont aussi été́ décrits (Syndrome de Kawasaki) dans les régions où le virus a circulé, mais concernent un nombre limité d’enfants.

On dispose aujourd’hui d’arguments dans différents pays qui suggèrent que les enfants ne sont pas non plus « dangereux » pour les adultes. Les adultes sont plus souvent à̀ l’origine de la transmission du virus à l’enfant que l’inverse. Les adultes doivent donc continuer à protéger les enfants d’une possible contamination tout en préservant des échanges de qualité́ entre adultes et enfants, et aussi entre les enfants. Les enfants ont besoin d’interactions sociales pour se développer. Il y a donc beaucoup plus de bénéfices que de risques à la reprise de la collectivité́. C’est dans cet esprit que l’ensemble des spécialistes de l’enfant en France, et dans beaucoup d'autres pays, se sont prononcés unanimement pour un retour à̀ l’école, y compris pour les enfants et adolescents porteurs de maladies chroniques. Pour les plus fragiles, quelques mesures de précaution supplémentaires aux mesures barrières seront parfois nécessaires.

Le retour en collectivité́ doit être organisé en mettant en avant gestes barrières et précautions d’usage. L'apprentissage de ces gestes sera aussi très utile pour prévenir la transmission des futurs virus hivernaux comme ceux de la grippe, de la bronchiolite ou de la gastro entérite. Ces mesures barrières reposent pour les enfants essentiellement sur le lavage des mains à l’eau et au savon. Le port d’un masque dans les crèches, les écoles maternelles et primaires pour les enfants sans maladie grave n’est ni nécessaire, ni souhaitable, ni raisonnable. Les mesures de distanciations excessives (comme la suppression des espaces de jeux, l’interdiction aux enfants de jouer entre eux, ou l’impossibilité́ de consoler un enfant) sont inutiles voire préjudiciables. Elles seront inapplicables en pratique et risquent d’entrainer une grande anxiété́ particulièrement néfaste au développement des enfants : les enfants doivent pouvoir continuer à jouer entre eux sans que cela provoque des tensions. Des mesures excessives feraient également perdre sens et engagement au métier exercé auprès des enfants par les assistantes maternelles, les professionnels des crèches et des écoles. Nous allons apprendre ensemble comment adapter au mieux les mesures au fil du temps, en gardant notre bon sens.

Enfin, nous appelons les parents à la plus grande vigilance suite à̀ cette interruption imposée dans le suivi habituel de leurs enfants. Il ne faut pas que la pandémie à COVID-19 entraine une recrudescence de méningite, de coqueluche ou de rougeole en rapport avec un retard vaccinal. Durant cette période, les vaccinations manquées doivent être rattrapées dès que possible pour protéger les enfants et les adolescents de microbes que l’on sait extrêmement dangereux.

Nous devons ensemble prendre soin de nos enfants en respectant leurs besoins. Il est essentiel de continuer le suivi médical de prévention indispensable à leur bonne santé́ et de leur permettre de retourner en collectivité́. L’enjeu est d’apprendre à̀ vivre ensemble sans peur excessive de l’autre, de s’ouvrir au monde par le jeu et les apprentissages, au contact d’autres enfants et d’adultes professionnels bienveillants.

Pr Christophe Delacourt, Président de la Société́ Française de Pédiatrie Pr Christèle Gras-Le Guen, Secrétaire General de la Société́ Française de Pédiatrie
Cosignataires Dr Martine Balençon, Présidente de la Société́ Française de Pédiatrie Médico-Légale Pr Élise Launay, Présidente du Groupe de Pédiatrie Générale sociale et environnementale Dr Nathalie Vabres, Pédiatre, Corédactrice de la lettre



 
Publié le 17 mai 2020
Mis à jour le 17 mai 2020