Du musée au livre pour enfants : l’imagier d’art

L'art ce n'est pas que pour les adultes. En témoignent les très beaux imagiers d'art proposés par les éditeurs jeunesse. Fabienne Agnès Lévine, psychopédagogue, nous invite à plonger au coeur de ces albums qui ont plus d'un atout pour les enfants. 
Un imagier composé d’œuvres d’art plutôt que de dessins ou de photos, il suffisait d’y penser. C’est chose faite depuis une trentaine d’années et les éditeurs jeunesse continuent à rivaliser de créativité autour de ce concept. Le but n’est pas d’en faire le support d’un cours d’histoire de l’art mais de considérer les bébés comme des amateurs d’art à part entière. Ainsi, pour le plaisir de l’enfant et de l’adulte, les imagiers d’art offrent la possibilité d’accompagner les premiers mots avec un soleil peint par Van Gogh, un gros plan sur une chevelure d’un tableau de Renoir ou un graffiti de Keith Haring.

L’art de l’imagier
« Petit musée », qui a obtenu plusieurs prix lorsqu’il a été publié la première fois en 1992, est toujours en vente. C’est un gros livre de 300 pages : à droite se trouve l’illustration et centré à gauche, un mot se détache sur fond blanc. Les références de l’œuvre figurent plus discrètement en bas de page. Cet imagier qui reste un modèle du genre a été conçu par deux illustrateurs bien connus de la littérature jeunesse de l’époque : Alain Le Saux et Grégoire Solotareff avaient sélectionné pas moins de 149 mots avec pour chacun le détail d’un tableau en lien avec le mot choisi. La sobriété de la mise en page met chaque peintre à l’honneur. Sans être imité tel quel, « Petit musée » a ouvert la voie à une variété d’albums pour les tout-petits ou les plus grands utilisant les photographies d’œuvres d’art pour enrichir le vocabulaire dans une ou plusieurs langues. (Le Saux Alain, Solotareff Grégoire, Petit musée, L’École des Loisirs, 1992)


Apprendre à parler avec les œuvres d’art
D’autres imagiers publiés dans les années 1990 et 2000 se trouvent dans les bacs de plusieurs bibliothèques jeunesse, à défaut d’être réédités. Quoique le principe soit toujours le même, à savoir associer un mot et une image, chaque imagier a son originalité, en particulier au niveau des thèmes. Souvent, c’est un détail plutôt que l’œuvre entière qui a été choisi pour faciliter la clarté du message. C’est le cas de la série « L’art pour les petits » aux éditions Gallimard, avec dix tableaux sur des pages cartonnées. Une autre idée intéressante est de présenter sur une double page, le tableau entier d’un côté, le détail sélectionné de l’autre ainsi que le mot correspondant et les références complètes de l’oeuvre. C’était le parti pris de la série « Le musée de … » éditée par Réunion des Musées Nationaux mais avec des notions inégalement accessibles aux jeunes enfants. Au fil des nouveautés, les imagiers d’art ont su de mieux en mieux cibler les tout-petits. Par exemple, la collection « Dans mon petit musée… Ma toute petite bibliothèque » contient sept titres sur des thèmes simples parmi lesquels : « On mange » ou « Les enfants jouent »

L’art pour les petits, Gallimard, 1997
(3 titres : les bébés, à table, les animaux de la ferme, les animaux sauvages)


Desnoëttes Caroline, Le musée des enfants, Réunion des Musées Nationaux, 1998
(Autres titres : Le musée des potagers, Le musée des couleurs, Le musée de la nature, Le musée du corps)


Gamba Béatrice, Dans mon petit musée. Ma toute petite bibliothèque, Bayard Jeunesse, 2014


Une vie de bébé décrite par les grands peintres
La plupart des imagiers d’art parlent aux enfants de ce qu’ils connaissent déjà et de ce qui les concerne. C’est le cas d’« Une journée chez bébé » qui raconte la vie quotidienne grâce à des scènes issues de tableaux célèbres. Cet album fait penser à ceux de Jeanne Ashbé (Bonjour ! À ce soir ! Coucou ! Ça va mieux !) avec l’art de la simplicité. Il présente les moments du lever jusqu’au coucher avec des tableaux de différentes époques sur le réveil, le bain, etc. Un autre imagier d’art qui mêle plaisir des yeux et éveil esthétique est un imagier animé publié récemment par les éditions Nathan. Les deux titres disponibles portent sur des thèmes appréciés des enfants (Les jouets ; Les animaux). Chaque album cartonné comporte seulement cinq œuvres, avec un petit commentaire duquel se détache un mot et sur l’autre page un gros plan sur une partie d’un tableau qui s’anime grâce à une languette de carton que l’enfant tire ou pousse. (Aladjidi Virginie, Pellissier Caroline, Une journée chez bébé, Palette, 2014 ) (Andrews Sandrine, Tralal-art, Nathan, 2020 (Les jouets ; Les animaux))

Une galerie de portraits et d’objets à nommer
Une démarche plus ambitieuse est d’illustrer un premier bagage de mots avec une promenade virtuelle dans un seul musée et pas des moindres. « Mon premier imagier du Louvre » est composé d’une sélection de 60 parmi les 35 000 oeuvres exposées dans ce grand musée. Tout est dit au dos de la couverture : « Un imagier pour observer, apprendre, échanger et s’émerveiller ! » En blanc sur fond de couleur se détache un mot qui peut intéresser les apprentis parleurs ou les apprentis lecteurs ; sur l’autre page un tableau, une sculpture ou un objet est superbement photographié. L’équivalence entre le mot et le visuel est sans équivoque, le jeu de couleurs entre les deux pages est particulièrement réussi. Ce livre peut servir de guide avant et pendant une visite au Louvre avec de jeunes enfants, il peut aussi être feuilleté pour le plaisir d’énumérer des couleurs, des formes, des animaux, des chiffres ou des verbes, comme avec un imagier ordinaire. (Mon premier imagier du Louvre, Gründ, 2019)

Ce que les enfants reconnaissent … ou pas
Les imagiers d’art sont un exemple de l’étonnante capacité des jeunes enfants à identifier et nommer des éléments connus y compris au travers de représentations visuelles éloignées du réel. Dans « Le grand imagier de l’art », 120 mots sont évoqués dans seulement 10 tableaux. Chacun d’eux est sélectionné pour son évocation d’une scène suffisamment familière grâce à son thème. Avec cet imagier ou un autre, il arrive que les objets anciens ou les formes stylisées freinent l’association entre l’image et le mot mais pas tant que ça. C’est l’occasion de constater l’aptitude des enfants à établir des analogies et donner du sens sans que le réalisme soit nécessaire. Quoi qu’il en soit, les imagiers d’art, en même temps qu’un support de langage, sont aussi une ouverture sur l’imaginaire et la sensibilité esthétique. (Le grand imagier de l’art, Palette, 2016)

Les autres imagiers d'art


Fontanel Béatrice, Mon premier imagier d’art, Tourbillon, 2013

L’art des tout-petits. Animaux, Palette, 2019

Solotareff Grégoire, Picasso Imagier, L’école des loisirs, 2020

Guérif Andy, Les contraires, Palette, 2020

 
Article rédigé par : Fabienne Agnès Levine
Publié le 04 janvier 2021
Mis à jour le 04 janvier 2021