Eric Carle, le père de la chenille qui fait des trous, s'est envolé à tout jamais

L'auteur-illustrateur de La Chenille qui fait des trous, best-seller de la littérature jeunesse, est décédé le 23 mai 2021. Son album, publié en 1969, a été traduit en 66 langues et vendu à plus de 50 millions d'exemplaires dans le monde. Eric Carle était âgé de 91 ans.
 
À force de croiser la couverture de La chenille qui fait des trous dans les librairies, les bibliothèques, les crèches et les chambres d'enfant depuis cinquante-deux ans, on a fini par croire à l'immortalité de son créateur. Mais la vie est bel et bien éphémère…
Le 23 mai 2021, Eric Carle est mort. Il laisse un papillon orphelin et des millions de lecteurs - qui se sont émerveillés devant les ailes multicolores déployées du papillon - profondément attristés. Parmi eux, l'actrice américaine Mia Farrow a tweeté dès l'annonce de son décès : « Eric Carle est mort - mais il nous a laissé La chenille qui fait des trous, Ours brun, ours brun - des livres que j'ai lus à mes enfants et désormais à mes petits-enfants. »
 
Une enfance dans monde « sans couleur »
Né dans l’État de New York, en 1929 de parents allemands, Eric Carle quitte sa terre natale à six ans, grandit en Allemagne nazie, un monde « sans couleur », et rêve de revenir aux États-Unis. Adolescent pendant la Seconde Guerre mondiale, il survit au bombardement aérien de Stuttgart et évite le service militaire, mais il est mobilisé pour creuser des tranchées sur une ligne défensive dans l'ouest de l'Allemagne.

À 23 ans, son rêve se réalise, relate son site internet. Un beau portefeuille à la main, quarante dollars en poche et le diplôme de la prestigieuse école d'art - Akademie der bildenden Künste - à Stuttgart, il arrive à New York en 1952. Il y fait son service militaire puis travaille d'abord comme graphiste dans le département de promotion du New York Times, avant de devenir  directeur artistique dans une agence de publicité.

Un livre pour jouer et un jouet pour lire
Ses premiers livres pour enfants datent des années 1960. Car Eric Carle n'a pas écrit qu'un seul livre, mais 70 albums vendus à plus de 152 millions d'exemplaires. Ce n'est pas rien. Son style coloré et ludique est facilement reconnaissable. L'artiste utilise la technique du collage. Il coupe et superpose des papiers peints à la main pour former des images lumineuses et gaies. Ses albums sont à la fois des livres avec lesquels jouent les enfants et des jouets que les enfants lisent.

Mais même si Brown bear, brown bear, what do you sea ? (1967), inspiré de ses balades dans la nature avec son père, a su séduire de nombreux lecteurs, l'ours n'a jamais dépassé la cote de popularité de la chenille. The Very Hungry Carterpillar (titre original), publié pour la première fois en 1969 par l'éditeur américain Philomel Books, totalise à lui tout seul 50 millions d'exemplaires dans le monde.

Un classique efficace, ludique et pédagogique
Sa version française, on la doit à la maison d'édition belge Mijade. En 1995, son fondateur Michel Demeulenaere croit en cet album car l'ancien libraire connaît le succès de la chenille auprès des enfants, des parents et des éducateurs. Depuis, le livre est réédité régulièrement sous différents formats. Un magnifique pop-up, qui se termine par une explosion de couleurs en trois dimensions, fête les quarante ans de la chenille en 2009.

Son succès planétaire en fait désormais un classique de la littérature jeunesse : un magnifique travail sur la couleur, un graphisme lisible et efficace, une approche ludique. Mais ce qui déclenche l'achat des prescripteurs, c'est sans aucun doute sa dimension pédagogique. Grâce à la chenille, le tout-petit apprend les jours de la semaine, des notions de calcul, les secrets de l'alimentation…

Dans une vidéo publiée en 2019 à l'occasion du 50e anniversaire de son best-seller, Eric Carle rappelle aussi sa dimension universelle et intemporelle : « Pour moi, la chenille qui fait des trous est une histoire d'espoir. J'espère que ce message nous encouragera tous à changer et à grandir. » En tout cas, ce message console tous les lecteurs qui n'ont pas fini de se métamorphoser…

 
Article rédigé par : Anne-Flore Hervé
Publié le 06 juillet 2021
Mis à jour le 06 juillet 2021