Ernest et Célestine fêtent 40 ans de complicité joyeuse

Ernest et Célestine sont nés en 1981. Leur anniversaire est l'occasion de revenir sur cette rencontre improbable entre un ours et une souris et sur son succès qui ne se dément pas de génération en génération depuis 40 ans. Mais aussi de découvrir Monique Martin, alias Gabrielle Vincent, l'artiste qui leur a donné vie.
Expositions, ateliers, album anniversaire… 40 ans ça se fête ! Pour Ernest et Célestine, les festivités se déroulent à Paris et à Bruxelles jusqu'à la fin de l'année et, bien sûr, dans les librairies, avec notamment un premier imagier tout en carton pour que les tout-petits fassent connaissance avec ce binôme incontournable de la littérature jeunesse.

Une rencontre improbable
Ils sont apparus pour la première fois en 1981 dans l'album Ernest et Célestine ont perdu Siméon, écrit et illustré par Gabrielle Vincent. Lui, un ours immense et tendre qui transpire la bienveillance. Elle, une petite souris pétillante et malicieuse qui possède un caractère bien trempé. Deux personnages opposés qui, depuis 40 ans, se moquent de leurs différences et rassurent petits et grands. « Ils n'auraient jamais dû se rencontrer mais Ernest a trouvé Célestine dans une poubelle…
Depuis, leur amitié prouve que deux mondes a priori incompatibles peuvent s'apprivoiser,
observe Fanny Husson-Ollagnier de la fondation Monique Martin. Il y a une espèce de va-et-vient dans la relation des deux personnages qui navigue entre protection d'un parent avec son enfant et complicité d'un frère avec une sœur. Petits et grands y trouvent leur compte. »

Un succès immédiat
L'album connaît un succès immédiat, comme les 25 publiés aux éditions Duculot puis Casterman. Cette série a désormais toute sa place dans la bibliothèque idéale. « La virtuosité du dessin de Gabrielle Vincent et la tendresse qu'elle voue à ses personnages lui permettent d'aborder tous les sujets, y compris le dénuement et la tristesse, écrit Sophie Van der Linden dans Tout sur la littérature jeunesse. Il y a aussi toujours beaucoup de chaleur et de joie dans cette série sans égale, dont la parole prononcée et l'attention à l'autre sont les valeurs cardinales. »
Complicité, tolérance, humour… Quelles que soient les situations, le duo trouve toujours un moyen de rebondir avec finesse et subtilité et sans jamais donner de leçon de morale. Quant à l'économie de texte, elle permet de laisser toute sa place à la charge émotionnelle des illustrations de Gabrielle Vincent.

Une artiste à contre-courant
Gabrielle Vincent est en réalité un pseudo qui reprend les prénoms de deux des grands-parents de Monique Martin, une artiste belge et une peintre très appréciée dans la capitale bruxelloise où elle est née en septembre 1928. Monique Martin grandit dans une famille classique où la musique prend beaucoup de place. Ses trois sœurs en deviennent adeptes mais Monique préfère le dessin. Gauchère contrariée à l'école, elle écrit de la main droite et dessine souvent de la main gauche. Après la guerre, elle s'inscrit à l'Académie des Beaux-Arts de Bruxelles et obtient le premier prix en 1951. Pendant les dix premières années de sa carrière, elle pratique le dessin en noir et blanc puis se met à la peinture. L'artiste a la réputation d'être douée, mais à contre-courant. Ses expositions suscitent l'intérêt et l'enthousiasme du public bruxellois.
Monique, loin des convenances de l'époque, voyage aussi beaucoup durant cette période et se rend plusieurs fois au Maroc, en Tunisie, en Algérie et en Égypte. Elle y remplit ses carnets de voyage de paysages et d'habitants dont elle apprécie le mode de vie : « En les voyant, nous rêvons parfois d'être libérés pour un temps du carcan des mille obligations, du poids des choses accumulées », écrit-elle.

Une adepte du recyclage
Dans les années 1970, l'artiste traverse une crise existentielle. Les galeries et les mondanités lui pèsent, alors elle s'en éloigne. Au début des années 1980, elle abandonne la peinture et son nom pour l'illustration jeunesse et un pseudo. « Son tournant professionnel est incompris mais il surprend à peine », relate Fanny Husson-Ollagnier. Il illustre une nouvelle fois son tempérament de femme libre qui n'emprunte pas les chemins attendus. À 53 ans, elle tourne donc le dos au confort, se met en danger dans un milieu où elle est totalement inconnue et se réfugie dans sa maison bruxelloise dont l'intérieur ressemble aux décors de bric et de broc de la maison d'Ernest et Célestine. Monique Martin consciente avant l'heure des effets néfastes de la surconsommation est une adepte du recyclage et de la récupération. « C'était plus un mode de vie qu'un engagement, précise Fanny Husson-Ollagnier. Mais elle le montrait par de multiples petites touches dans ses albums. » Dans la Chambre de Joséphine, Ernest et Célestine aménagent une chambre uniquement avec des objets récupérés pour Tante Joséphine qui débarque dans une semaine…

Une amitié épistolaire avec Daniel Pennac
Pendant les dix dernières années de sa vie, Monique Martin entretient une « une amitié de papier » avec Daniel Pennac. L'écrivain est le premier à lui avoir adressé un courrier après avoir eu un coup de foudre pour Un jour un chien, un recueil de dessins au fusain paru en 1983 qui se lit « comme un immense roman », mais il ne la rencontre jamais. Monique Martin meurt à Bruxelles en septembre 2000 après avoir réalisé Les questions de Célestine, album posthume, alors qu'elle se bat contre la maladie. Dix ans plus tard, Daniel Pennac accepte d'écrire le scénario du film Ernest et Célestine pour le cinéma. Depuis 40 ans et grâce aux deux amis, l'illustratrice jeunesse Gabrielle Vincent est désormais plus célèbre que la peintre Monique Martin et bien au-delà des frontières belges. Et ce n'est pas fini !

Retrouvez tous les évènements pour les 40 ans d'Ernest et Célestine : www.ernest-et-celestine.com
Mon premier imagier Ernest et Célestine (éditions Casterman)
Album anniversaire Ernest et Célestine - Comment tout a commencé (éditions Casterman)
Article rédigé par : Anne-Flore Hervé
Publié le 20 septembre 2021
Mis à jour le 29 novembre 2021