Accueil du jeune enfant : le Conseil de la famille du HCFEA publie 2 rapports

Il devait y avoir un seul rapport. Il y en en aura trois ! Bientôt sortira celui du Conseil de l’enfance sur « la socialisation des enfants et les accueils flexibles » et ce n’est pas un mais finalement deux rapports que le Conseil de la famille du HCFEA a adopté le 7 mars dernier sur l’accueil des enfants de moins de trois ans. Le premier, intitulé « Accueil des enfants de moins de 3 ans : relancer la dynamique », dresse un bilan de l’offre d’accueil et émet des préconisations pour « relancer la dynamique » et mieux répondre aux besoins et attentes des parents. Le second, « Vers un service public de la petite enfance », est, comme son nom l’indique, entièrement axé sur le SPPE. Le Conseil de la famille y expose sa vision d’un SPPE, ses objectifs, ses principes… mais aussi comment procéder pour le mettre en place. Lors d’une conférence de presse, Michel Villac, président du Conseil de la famille du HCFEA, a insisté sur les points les plus importants de ces deux rapports. Morceaux choisis.
1/Un premier rapport classique
Le premier rapport sur l’accueil des enfants de moins de 3 ans est un classique. Tous les 5 ans, en effet, le Conseil de la famille travaille sur l’accueil du jeune enfant et remet un rapport global (bilan et perspectives) visant à nourrir la COG. Nous avons d’ores et déjà donné dans les Lettres Hebdo 64, 70, 78 et 79, les premières ébauches de ce rapport. Rien de nouveau donc du côté des constats. En voici un rappel succinct : l’écart important entre les souhaits des familles et leur réalisation (« un enfant sur cinq est gardé par ses parents, faute pour ces derniers d’avoir trouvé un mode d’accueil formel », peut-on lire dans la synthèse du rapport), un nombre de places offertes qui diminue depuis 2017 (entre 2017 et 2020, on enregistre 50 000 places en moins), une dépense publique également en baisse (moins 0,8 % en moyenne annuelle entre 2013 et 2021), de grandes inégalités territoriales (à titre d’exemple, 25% des communes ne proposent aucune place d’accueil formel). Bref, l’heure est à l’action. 

La COG de la dernière chance
Michel Villac a été on ne peut plus clair. Il ne faut pas rater la future COG qui est en cours de négociation entre l’Etat et la branche Famille. Elle qui définit les priorités et le financement de la politique petite enfance pour les 5 ans à venir. « Il faut qu’il y ait des choses significatives dans cette COG », a-t-il insisté. Elle doit avoir de l’ambition et l’Etat déployer des moyens financiers à hauteur de cette ambition. Notamment dans l’optique du futur SPPE, mais à plusieurs reprises le président du Conseil de la famille a semblé douter de cette volonté politique. Ainsi, le Conseil de la famille considère que « la prochaine COG devrait prévoir : un budget global (Fnas et FNPF) permettant a minima de créer 100 000 places (déduction faite des éventuelles fermetures) sur cinq ans ». La moitié de ce qui est annoncé par le gouvernement. 

De la PSU au forfait
Dans son rapport, le Conseil de la famille appelle à « une politique ambitieuse en faveur de l’accueil du jeune enfant pour développer l’offre, réduire les inégalités territoriales et proposer une place d’accueil à tous les enfants de moins de 3 ans ». Celle-ci doit prendre appui sur les assistantes maternelles et les EAJE PSU. Parmi les préconisations notables du Conseil de la famille concernant les EAJE PSU : envisager un retour au forfait. Instaurée en 2002, modifiée en 2014, la prestation de service unique (tarification horaire) qui sert à financer le fonctionnement des EAJE, considérée comme trop complexe, pourrait donc être remplacée par un forfait à la demi-journée. Un système plus souple à mettre œuvre et qui éviterait des effets pervers selon le Conseil de la famille. En attendant, « Pour supprimer les effets de seuils qui peuvent créer de l’instabilité pour les gestionnaires d’EAJE, le barème de la PSU pourrait être linéarisé : le montant plafond de PSU diminuerait de façon linéaire avec le taux de facturation », recommande-t-il.

Revoir les bonus pour qu’ils soient plus efficients
Toujours pour « redynamiser l’offre de places en EAJE PSU », il conviendrait de réviser les bonus. Plus en détail, pour le bonus territoire : 
  • Dans la COG 2023-2027, augmenter le montant du forfait par place du bonus territoire de façon à accroître la part du financement forfaitaire. 
  • Faire converger le financement des places existantes vers le mode de financement des places nouvelles pour plus d’équité, en privilégiant dans un premier temps les territoires les moins bien dotés en places en EAJE PSU et ceux avec le potentiel financier le plus bas.

Pour le bonus handicap :
  • Revoir à la hausse le montant par place du bonus inclusion handicap.
  • Raccourcir les délais de versement du bonus aux structures.
  • Simplifier le mode de calcul de ce bonus.
  • Inciter à la formation des professionnelles au handicap.

Pour le bonus mixité sociale :
  • Comprendre les raisons pour lesquelles il ne décolle pas. Celles-ci peuvent être liées soit à un montant par place peu attractif, auquel cas il faudrait l’augmenter, soit à l’indicateur qui sert à calculer le bonus (participation familiale moyenne) finalement peu pertinent, et qui nécessiterait donc de revoir le mode de calcul. 
  • Mieux informer les commissions d’attribution de places de l’objectif de ce bonus et de son mode de calcul, et que l’accueil d’enfants en situation de pauvreté fasse partie des critères prioritaires retenus pour l’attribution des places.

Se pencher sur la question du statut des assistantes maternelles
Inquiet du déclin du premier mode d’accueil formel, le Conseil de la famille émet un certain nombre de préconisations le concernant. Si l’idée n’est pas de mettre fin au statut de salarié de particulier employeur pour celles qui en sont satisfaites, il estime toutefois nécessaire de s’interroger quant au statut des assistantes maternelles. Et propose un statut de salarié d’une structure prestataire. « L’idée serait de passer par l’intermédiaire d’une structure prestataire, qui serait l’interlocutrice des parents qui contracteraient avec elle, et qui emploierait les assistantes maternelles travaillant dans son réseau en tant que salariées. Dans ce cas, il faudra élaborer, en liaison avec les professionnels concernés, des modalités de statut adaptées aux modes d’exercice de la profession. Ce travail d’analyse pourrait être conduit dans le cadre du comité de filière petite enfance », indique le Conseil de la famille. A noter que le statut de travailleur indépendant n’est pas présent dans le rapport final. 

Mettre l’accent sur les créations de Mam
Pour le HCFEA, les Mam sont l’avenir. Un mode d’accueil hybride qui concentre de nombreux avantages, selon lui, et qui de fait séduit de nombreuses assistantes maternelles. Il plaide donc pour la mise en œuvre d’un « plan national de développement des Mam » dans la COG 2023-2027. Il recommande également de :
  • Intégrer un axe sur le développement des Mam dans les SDSF et les CTG
  • Renforcer l’incitation financière à créer des Mam dans les zones sous dotées ou prioritaires
  • Faire évoluer la réglementation concernant les Mam pour permettre à des communes, ou des prestataires, d’en créer, et pour les assistantes maternelles d’exercer sous un statut autre que celui de salariées d’un « particulier employeur ». 
  • Pérenniser les aides à l’installation octroyées aux Mam au titre du Piaje et réfléchir à l’assouplissement des conditions d’octroi ; dans le cadre des CTG, encourager la mise en place d’aides à l’investissement et au fonctionnement attribuées par les collectivités (par exemple mise à disposition de locaux). 
  • Élaborer des modèles de contrats-types d’association.
  • Confier aux Caf une mission d’accompagnement au management dans la durée de ces structures
  • Actualiser le guide DGCS de 2016 sur les Mam
  • Prévoir un suivi fin par la Cnaf des Mam (nombre, nombre de places) et de leur localisation.

Assistantes maternelles : les autres recommandations
  • Expérimenter le passage de 5 à 10 ans de la durée d’agrément à partir du premier renouvellement.
  • Inscrire le développement de la VAE pour les assistantes maternelles parmi les priorités du nouveau groupement d’intérêt public (GIP) national pour le service public de la VAE créé par la loi du 21 décembre 2022
  • Inclure dans la COG un objectif de rééquilibrage territorial des RPE (car il existe actuellement de fortes disparités territoriales de maillage), pour que, à terme, il y en ait au moins un dans chaque EPCI.
  • Renforcer le rôle des RPE en matière d’information des parents employeurs et des assistantes maternelles sur leurs droits et responsabilités réciproques. Développer leur mission de médiation en cas de conflits et expérimenter l’attribution aux RPE de missions en matière d’organisation des remplacements des assistantes maternelles en cas de congé, de formation, de maladie.
  • Au moment de l’entrée en vigueur de la réforme du CMG, lancer une campagne d’information et de communication à destination des familles à revenus modestes et promouvant le nouveau dispositif ainsi que les simplifications apportées par le dispositif Pajemploi +.

2/SPPE : la vision du Conseil de la famille
Une politique ambitieuse qui passerait aussi par l’instauration d’un SPPE, SPPE qui a fait l’objet d’un second rapport (« Vers un service public de la petite enfance ») par le Conseil de la famille. « A horizon de dix ans, il faudrait mettre en place un service public de la petite enfance sur l’ensemble du territoire, garantissant le droit à une place d’accueil pour tous les jeunes enfants, à un coût abordable pour les familles et comparable sur l’ensemble du territoire et entre les différents modes d’accueil faisant partie du service public de la petite enfance (SPPE) », peut-on ainsi lire dans la synthèse des rapports. Michel Villac a souligné l’objectif de ce SPPE, ses principes, son organisation… bref vers quoi ce SPPE doit tendre. Le rapport se penche également sur les modalités de sa mise en place.

2 objectifs et 3 principes
Selon le Conseil de la famille, l’objectif de ce SPPE est double :  d’une part, permettre à tous les parents qui le souhaitent de travailler et, d’autre part, « favoriser le développement de l’enfant et sa socialisation ». Ce SPPE comme tout service public doit suivre les 3 principes suivants : l’égalité de tous devant le service public, la continuité et l’adaptabilité. Le Conseil de la famille précise d’ailleurs la définition d’un service public : « Est considérée comme un service public une activité d’intérêt général, assurée par des personnes, soit publiques (État, collectivités territoriales, établissements publics), soit privées, mais sous le contrôle d’une personne publique. »

Une vision resserrée du SPPE
Si le CESE a une conception plus large du SPPE, c’est-à-dire ne se résumant pas seulement à l’accueil du jeune enfant de 0 à 3 ans mais comprenant entre autres les services de Pmi, le Conseil de la famille a de son côté une vision beaucoup plus restrictive. « En ce qui concerne le SPPE, il est proposé de se centrer sur l’accueil du jeune enfant de moins de 3 ans, pour des raisons d’opérationnalité ; d’autres sujets (PMI, suivi des grossesses, maternités, services de néonatalogie et de pédiatrie hospitaliers, périnatalité et pédopsychiatrie, etc.) pourraient rentrer dans un champ élargi autour de la petite enfance, mais ils constitueraient un ensemble trop vaste dans lequel pourraient se noyer les avancées concrètes attendues », est-il ainsi souligné dans la synthèse des rapports. En pratique, il englobe « les services d’accueil du jeune enfant financés par les pouvoirs publics en respectant les principes d’un service public » et de lister : les EAJE (multi-accueils, crèches et haltes-garderies) financés par la PSU, les assistantes maternelles agréées et les Mam, l’école préélémentaire pour les enfants de 2 ans et les dispositifs passerelles, les Laep et autres lieux d’accueil flexibles répondant aux conditions énoncées précédemment. Sont exclues du SPPE : les micro-crèches Paje et la garde à domicile. De même que le congé parental indemnisé. A noter que les Rpe et le site monenfant.fr sont quant à eux inclus dans le SPPE.

Une place à temps plein ou à temps partiel
Pour le Conseil de la famille, le SPPE doit à terme permettre à tous les enfants de moins de 3 ans d’avoir une place d’accueil (« un droit universel à être accueillis dans le cadre du SPPE »). Ceci étant posé, il estime que dans « un premier temps », il convient de distinguer entre les enfants de moins de 3 ans dont les parents sont actifs et ceux en difficultés particulières et les enfants de moins de 3 ans dont au moins un des parents ne travaille pas. Pour les premiers : on doit leur proposer une place à temps plein. Pour les seconds : une place à temps partiel, « dans un but de socialisation », est-il précisé. 

Créations de places : un objectif premier de 207 000 places
Partant de ce que devrait être l’offre d’accueil proposée par le SPPE, le Conseil de la famille s’est prêté à un exercice afin « d’évaluer l’écart, au niveau local, entre l’offre actuelle et les besoins répondant au périmètre du SPPE » tel qu’il l’a défini. En pratique, il a utilisé deux scénarii. Celui évoqué plus haut, prenant en compte l’activité des parents, qu’il appelle « scénario de référence ». Et « une variante moins ambitieuse qui ne prévoit qu’un mi-temps d’accueil pour les enfants dont au moins un des deux parents est au chômage. » Au regard de l’analyse effectuée (par commune et par EPCI), il est constaté que le volume de places à créer est moins important dans le cadre de la variante du scénario de référence et encore moindre si on se place au niveau des EPCI plutôt qu’au niveau des communes. En termes de chiffres, c’est : 207 000 places pour la variante (EPCI) et 380 000 pour le scénario de référence (EPCI). Et si on choisit les communes, c’est 290 000 places pour la variante et 446 000 pour le scénario de référence. Le conseil de la famille en tire les préconisations suivantes : « privilégier une mutualisation au niveau des EPCI » , « retenir comme cible, dans un premier temps, celle découlant de la variante du scénario de référence, moins ambitieuse en ce qui concerne l’offre destinée aux enfants de parents chômeurs (une place à mi-temps), mais plus réaliste en termes de nombre de places à créer » et « dans un deuxième temps, viser la cible du scénario de référence, avec pour objectif à terme un droit universel pour tous les enfants. »

« Valse à 4 temps »
En pratique, une organisation au cordeau est nécessaire pour développer le nombre de places nécessaires aux besoins du SPPE. « Une valse à 4 temps », selon Miche Villac :
  • Planifier, au niveau régional, à l’aide de l’analyse de l’offre existante et la prévision des besoins. 
  • Décliner les objectifs au niveau territorial par EPCI
  • Mettre en œuvre de façon opérationnelle au niveau de chaque EPCI
  • Evaluer au niveau régional

La gouvernance dévolue aux EPCI
On le sait, aujourd’hui, il n’y a pas de compétence obligatoire en matière d’accueil du jeune enfant. Mais avec le SPPE qui se profile, difficile de faire sans pilote. Et pour le Conseil de la famille, c’est au niveau des EPCI que cela se joue. Avec éventuellement la possibilité de déléguer sa mise en œuvre à telle communes ou tel groupement de communes, « à condition de conserver une mutualisation en matière d’accès et de modes de financement », est-il noté. Une autre option proposée par le Conseil de la famille en attendant que la responsabilité des EPCI soit effective : recourir à « une autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant ». Elle « aurait pour compétence le service public concerné sur son territoire : définir le contenu du service public notamment l’offre, la tarification, la qualité du service et l’information de l’usager, et en assurerait le cofinancement avec les Caf dans le cadre de règles définies en commun ; cette responsabilité pourrait inclure le développement de l’offre, la qualité, l’accessibilité et la transparence dans les procédures d’attribution, et la continuité du service. »

Un droit opposable ? Pas la priorité !
De façon pragmatique et réaliste, le Conseil de la famille juge que, pour l’heure, il est trop tôt pour instaurer un droit opposable. Et qu’avant toute chose, l’accent doit être mis sur le développement de l’offre. « On pourrait cependant envisager que des parents qui n’ont pas pu bénéficier d’une place d’accueil perçoivent, tant que cette situation perdure, un montant équivalent à celui de la Prepare », propose-t-il. Et poursuit : « De manière à avoir un rôle incitatif en direction des communes et EPCI, le montant de cette compensation pourrait être remboursé par la commune/EPCI à la Caf qui en assurerait le versement aux parents. »

Cet article a été publié pour la première fois dans la Lettre Hebdo 85 du 13 mars 2023

Télécharger ci-dessous la synthèse du rapport du Conseil de la famille du HCFEA
Article rédigé par : Caroline Feufeu
Publié le 14 mars 2023
Mis à jour le 19 mai 2023