Comité de filière Petite Enfance : le détail des votes et les réactions au communiqué

Cela aurait dû être un beau moment où chacun aurait mesuré le travail accompli, tout en étant conscient qu’il restait encore beaucoup à faire. L’apothéose de 6 mois de travail acharné. Mais cela ne s’est pas passé comme ça. Le communiqué du Comité de filière Petite enfance n’a pas été adopté à l’unanimité par le bureau. Les discussions ont trainé, se sont enflammées et de nombreux amendements ont été déposés. Il aura fallu deux jours pour obtenir dans la douleur un vote favorable. Retour sur ces deux journées de tensions. Avec les satisfactions mais aussi les déceptions qui vont avec. Ce communiqué a comme un goût d’amertume.
Un vote sans consensus
Le texte que nous vous avions présenté  dans notre  Lettre Hebdo N°53,  avait été envoyé en amont de la réunion aux membres du bureau pour qu’ils puissent proposer des amendements. Une cinquantaine furent déposés d’où un peu de cacophonie car chaque amendement fut soumis au vote. L’opération – un vote électronique – s’est donc terminée mercredi à 16h alors que tout aurait dû être réglé lors de la réunion du bureau de mardi après-midi.
Résultats : sur 26 membres du bureau seuls 18 votes furent exprimés, certains membres ont décidé même de ne pas prendre part au vote.
14 votes pour : FFEC, UFNAFAAM, FEHAP, France Urbaine, ELIFSA, UNSA PROASSMA, Fedesap, CGT-FO SPS, CGT-FO FGTA, UNSA, SESP/FESP, USB Domicile, AMRF et la présidente et le secrétaire général (comptant à eux deux pour une voix)
3 votes contre : FNEJE, CFDT, CGT
Une abstention : FEPEM.
N’ont pas pris part au vote (10) : ANAMAAF, AMF, CFTC-Santé Sociaux, CSAFAM, SPAMAF, FAFPT, FNAFR, ANEM, CFE-CGC, VDF

Le message d’Elisabeth Laithier aux membres du bureau
Mercredi, en fin de journée, la présidente du Comité de filière Petite Enfance, en envoyant aux membres du bureau le communiqué final et la feuille de vote, a pris acte de ce vote sans consensus.
« Vous avez adopté aujourd’hui le communiqué de presse du comité de filière « Petite enfance »  qui vous avait été soumis pour examen, discussion et approbation, conformément aux dispositions du règlement intérieur. Il a fait l’objet d’un vote, dont l’issue a été favorable par 14 voix sur 18 exprimées .
 Ce n’est donc pas un consensus, mais un texte de compromis. Je tiens à la souligner car il n’est bien sûr pas question pour moi ni d’effacer les avis minoritaires, ni de taire les inquiétudes qui chez certains membres ont été exprimées, parfois avec force. Je m’associe bien sûr pleinement aux propos du secrétaire général plus tôt aujourd’hui et appuie sa proposition de discuter prochainement en bureau avec vous tous d’une évolution des méthodes de travail.
 Ce vote majoritaire nous permet toutefois, dans le respect de la diversité du secteur, de dégager des propositions claires, ambitieuses, pragmatiques, et exigeantes et sur leur base d’interpeller toutes les autorités compétentes. J’ai déjà pris l’initiative de leur proposer une présentation de ces orientations. Le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées a accepté cette proposition et nous sommes convenus d’en échanger demain.
 Je tiens à vous remercier, ainsi que le secrétaire général, de votre mobilisation intense ces derniers jours.
»
 
Pourquoi ils ont voté Pour
 France Urbaine s’est exprimée en faveur de ce communiqué. Annick Bouquet, Adjointe au Maire de Versailles chargée de la Petite Enfance, explique : « Actuellement le secteur est en très grande difficulté pour recruter. Ce comité a pris place avant tous les autres. Et ce n’est pas simple de mettre toute monde autour d’une table. C’est un équilibre difficile. Bien sûr on peut faire plus et mieux mais nous avons travaillé ensemble six mois et si le travail parait insuffisant ou insatisfaisant, c’est le résultat du travail de tout le monde. Oui il y a eu des discussions âpres, il y a eu des tensions et des sous- entendus. France Urbaine a voté pour, car il faut être constructif et qu’il y a urgence. Pour nous ce n’est qu’une première étape. Nous ne devons pas nous arrêter là et devons ensemble aller de l’avant et enrichir ces propositions. »
 Même sentiment chez Sandra Onyszko, porte-parole de l’Ufnafaam : « Un seul point  concerne directement les assistantes maternelles. Celui qui leur donne la possibilité de travailler en crèche après 3 ans d’expérience. Cela peut être une bonne mesure, si elles sont titulaires d’un CAP AEPE et qu’elles peuvent avoir une évolution de carrière au sein de la crèche. Si c’est pour être un sous CAP, bouche-trou, cela n’a aucun intérêt.  Nous avons voté pour car même si ce n’est pas parfait, cela permet d’avancer et ce n’est pas fini. »                                                                                        »
 
Pourquoi ils ont voté contre
La FNEJE a donc voté contre ce communiqué. Julie Marty -Pichon , sa co-présidente, justifie : « On a voté contre ce communiqué parce que ce qui est proposé et ce qui a été fait dans les groupes de travail ne nous convient pas. Nous sommes opposés sur plusieurs points. Nous ne pouvions adopter un texte qui dit que le comité de filière est d’accord avec les évolutions réglementaires. Nous sommes contre l’idée d’une VAE en 4 mois. Nous sommes opposés à la mise en place de formations certifiantes et à toutes les certifications pouvant se substituer aux diplômes Et enfin nous ne sommes pas pour le dispositif d’insertion professionnelle dans l’emploi. Car nous avons besoin de gens compétents et bien dans leur peau. Pas de personnes fragiles ou fragilisées. Enfin, permettre à des professeurs des écoles, sans formation petite enfance, d’être auprès des enfants en crèche, nous ne pouvons pas l’accepter alors  même que les EJE  ne peuvent pas travailler en école maternelle. A partir du moment où nous avons de tels points d’achoppement, nous votons contre. ». Des arguments repris et détaillés dans un communiqué diffusé le 30 juin dans lequel la FNEJE s’interroge aussi sur un autre point du communiqué : « proposer des rémunérations appropriées, cohérentes et soutenables à l’échelle du secteur, en s’engageant autant que de besoin dans des trajectoires de revalorisations salariales soutenues par la collectivité.  Que signifie « cohérentes et soutenables » ? « Est-ce à dire qu’il est facile de trouver des millions pour soutenir des entreprises mais pas pour les professionnels de la petite enfance. Soutenues par les collectivités » peut-il signifier aux collectivités qu’elles vont devoir supporter seules la hausse des salaires alors que depuis des années les dotations aux collectivités locales baissent drastiquement ? »
 
Pourquoi ils ont snobé le vote
L’AMF a choisi de ne pas participer au vote. Xavier Madeleine, co-président du groupe Petite Enfance en dévoile les deux principales raisons . « D’une part, nous regrettons que ce qui a été proposé ne fasse pas le distingo entre ce qui relève des gestionnaires et personnels appartenant au privé et ceux appartenant au public. Or les statuts sont différents. Nous n’avons pas obtenu de réponses aux questions que nous posions à ce sujet , d’où notre refus de nous prononcer.
Par ailleurs, les propositions concernant les revalorisations salariales et compensations financières évoquées par le communiqué ne sont pas assez explicites. Nous n’avons pas d’éléments suffisants pour garantir une revalorisation pérenne des personnels
».
Pour l’élu normand, ne pas prendre part au vote est une position plus forte que l'abstention. Pour lui, « cela signifie que nous ne rejetons pas en bloc ce qui est proposé  mais que nous demandons un approfondissement de certains points avant de se positionner ».

Les leçons à tirer de ce vote difficile
La présidente et le secrétaire général du Comité de filière Petite Enfance n’occultent pas les difficultés et tensions rencontrées.
David Blin, le secrétaire général, reconnaît : « Il est clair que le processus de décision retenu, qui supposait un vote sur chaque amendement proposé, a été plus compliqué que prévu et s’est sans doute avéré frustrant à certains égards. Des améliorations devront être collectivement envisagées pour la suite, ce qui n’est pas anormal s’agissant d’une instance nouvelle, sans point de comparaison direct. Nous mettrons l’été à profit pour réfléchir ensemble à des méthodes de travail qui permettront plus facilement à chacun de mieux s’exprimer. Les changements qui doivent être faits seront faits.»
De son côté, Elisabeth Laithier, la présidente, ne nie pas les tensions et fait amende honorable. « Nous avons travaillé avec honnêteté. Nous nous sommes attaqués à un sujet difficile. Mais je ne vais pas balayer d’un revers de main les avis divergents. On apprend de ses revers et de ses imperfections. Mais l’intérêt de ce vote c’est qu’il permet de poursuivre et d’aller de l’avant. ».
 


Cet article a été publié dans la lettre Hebdo 54.

L'amendement retenu

Parmi la cinquantaine d’amendements déposés, seuls deux ont été votés. L’un mineur et l’autre « de circonstance » car en lien avec le bébé décédé dans une micro-crèche lyonnaise opérée par People and baby. Il est ainsi libellé : « A la suite de la mort tragique d’une fillette de 11 mois survenue la semaine passée dans une crèche lyonnaise, le comité de filière « Petite enfance » s’associe aux mots de sa présidente pour dire que face à un tel drame et dans l’attente des résultats de l’enquête, le silence et le recueillement sont de mise. Les membres du comité s’inclinent devant la douleur indicible des parents et de la famille.»
 

 

Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 06 juillet 2022
Mis à jour le 07 juillet 2022