Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées : « Ma priorité absolue est d’assurer la sécurité et la qualité d’accueil des enfants »

Le nouveau Ministre  des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes Handicapées nous a accordé une interview exclusive. Il revient sur ce qui a agité le secteur de la petite enfance durant l’été : la sécurité et la qualité d’accueil et bien sûr il donne son interprétation de l’arrêté du 29 juillet. Mais aussi sur ses annonces de juillet. Enfin, il dessine ses grandes priorités dont la plus essentielle à ses yeux : la mise en place du service public de la petite enfance.
Les Pros de la Petite Enfance : La publication de l’arrêté « professionnels pouvant exercer en EAJE » début août a fait couler beaucoup d’encre durant l’été : tollé chez les pros, nombreux articles plutôt à charge… Que répondez-vous pour votre « défense » ?
 
Jean-Christophe Combe. Je suis heureux de pouvoir apporter une vision claire sur cet arrêté. Car, selon moi, ce qui a été présenté début août était incomplet et imprécis, ce qui a suscité beaucoup d’inquiétudes. Je constate d’ailleurs que les récents articles de presse sont plus nuancés que ceux de l’été.
Premièrement, cet arrêté fait partie de la réforme NORMA. Il précise la réglementation sur l’analyse de pratique, sur le référent santé et accueil inclusif et également sur les diplômes étrangers permettant d’exercer dans les crèches françaises. Ce sont des évolutions positives pour la qualité d’accueil.
Ce n’est pas un arrêté de circonstances pour répondre à la pénurie de professionnels. D’ailleurs ce n’est pas son but. La pénurie de professionnels touche tous les domaines dont j’ai la responsabilité.
La pénurie de professionnels est un sujet central, à aborder de façon transversale, et qui pour le secteur de la petite enfance sera traité avec le Comité de filière Petite Enfance dont j’ai déjà repris plusieurs de ses propositions.
Cet arrêté ne répond pas à la pénurie de professionnels, mais il est pris dans un contexte de pénurie, et c’est justement pour cela , qu’il vient encadrer une dérogation, qui je le rappelle, existe depuis 2000. Le risque était que ces dérogations aux conditions de qualification et d’expérience, dans ce contexte de pénurie justement, soient données trop facilement et en trop grand nombre. D’où la signature de cet arrêté qui encadre très précisément ce risque en prévoyant, outre la nécessaire autorisation des services de PMI, trois nouveaux verrous : le gestionnaire doit apporter la preuve qu’il a lancé  des procédures de recrutement et qu’elles ont échoué ; quand il y a recours à cette dérogation, le personnel doit être intégré et accompagné : il ne peut être seul avec les enfants avant d’avoir effectué 120h -120h cela correspond à la formation initiale d’une assistante maternelle - ; par ailleurs, il doit être dans un délai d’un an accompagné vers une formation petite enfance qualifiante ou certifiante.
Ce dernier verrou est justement là pour rappeler que ces métiers de la petite enfance - je le sais et j’en suis convaincu - demandent des compétences spécifiques qui peuvent être acquises bien sûr par la formation initiale, mais aussi  par la formation continue ou encore par la VAE.
 
Les professionnels arguent qu’ils travaillent déjà à flux tendu et que cela prend beaucoup de temps d’accompagner une personne non qualifiée… Cela mériterait-il une compensation financière ?

Effectivement, intégrer une nouvelle personne, cela demande du temps et de l’investissement y compris d’ailleurs quand elle est formée. Oui, cet accompagnement demandera du temps aux professionnels en place mais c’est à ce prix que l’on pourra maintenir la qualité d’accueil. Une reconnaissance salariale pour cette mission ? Ce sera j’imagine un des sujets mis sur la table dans le cadre des discussions à venir sur les revalorisations.
 
Vous avez le 11 juillet dernier fait un certain nombre d’annonces devant le Comité de filière Petite Enfance, assorties de promesses budgétaires. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Les fonds que j’avais annoncés sont débloqués, prêts à être utilisés. Ce sont, les 500 000 euros mis à disposition du Comité de filière pour faciliter, avec l’aide de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, la mise en place d’un observatoire de la qualité de vie au travail dans la petite enfance.  Mais aussi les 2 millions destinés à organiser une grande campagne de valorisation et de promotion des métiers de la petite enfance qui sera lancée en 2023. Dès cette rentrée nous travaillerons avec le Comité de filière Petite Enfance sur ces sujets. Nous préciserons les objectifs et le calendrier. Le Comité de filière sera associé au processus de décisions. Ma méthode passera toujours par un travail avec les représentants du secteur.

En Juillet aussi vous aviez annoncé revenir vers eux sur la question de la rémunération des professionnels ? Où en êtes-vous de vos réflexions ?

Le rendez-vous est pris et nous ne manquerons pas l’occasion en septembre pour qu’il soit tenu.
 
Les assistantes maternelles se sentent souvent délaissées… Quelles actions comptez-vous initier pour les soutenir ?

L’ensemble  des mesures  prises, notamment l’observatoire de la qualité de vie au travail et la campagne de valorisation des métiers, a bien sûr vocation à soutenir tout le secteur, donc aussi les assistantes maternelles. On ne peut les oublier, étant donné leur poids prédominant dans l’accueil du jeune enfant.

Avez-vous l’intention de porter une réforme du Cmg-assistantes maternelles ?

Assurer une égalité d’accès aux modes d’accueil et harmoniser les restes à charge pour les familles, c’est dans ma feuille de route et c’est conforme aux engagements du gouvernement.
 
Où en est-on de la mission IGAS sur la crèche de Lyon, le réseau People and baby et les crèches en général ? Et qu’en est-il des pistes que vous aviez lancées et sur lesquelles la DGCS planche… Quand attendez-vous les premiers retours sur ce chantier ?

J’ai signé et envoyé la lettre de mission à l’IGAS. Les inspecteurs généraux ont d’ores et déjà été désignés. Ce sont le Dr Nicole Bohic, Jean-Baptiste Frossard, Christophe Itier et Thierry Lecomte. Cette mission n’a évidemment pas vocation à se substituer aux enquêtes judiciaire et administrative en cours. A partir de ce qui s’est passé dans cette micro-crèche de Lyon, je leur demande d’évaluer tous les processus et mesures mis en œuvre pour garantir la sécurité et la bientraitance des enfants accueillis dans les EAJE. A la fois d’évaluer les dispositions normatives, leur respect et leur contrôle et éventuellement de faire des propositions pour en améliorer l’efficacité. La DGCS  échange avec la mission.
J’ai demandé un point d’étape pour le 15 octobre et si des évolutions urgentes étaient souhaitables, je prendrais les mesures nécessaires immédiatement. Le rapport final me sera remis en décembre.
 
Finalement, quelles sont vos priorités “petite enfance” en cette rentrée

Ma priorité absolue est d’assurer la sécurité et la qualité d’accueil des enfants dans les structures, de veiller à la bientraitance dans les modes d’accueil. Il faut aussi travailler sur l’attractivité des métiers pour pouvoir recruter des personnels qualifiés.
Il faut également travailler sur les financements des modes d’accueil.  Et à moyen-terme  établir un droit universel à l’accueil du jeune enfant. Créer un service public de la petite enfance, se donner la capacité dans le temps de répondre aux 200 000 places potentiellement manquantes, c’est une mesure de justice sociale et d’égalité des chances dès le plus jeune âge, cela favorise l’insertion à l’emploi et participe de l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est pourquoi pour la future COG que nous négocierons avec la Cnaf cet automne, en ce qui concerne la petite enfance, le principal objectif pour moi sera la mise en place d’un service public de la petite enfance.
 


 
Article rédigé par : Propos recueillis par Catherine Lelièvre
Publié le 05 septembre 2022
Mis à jour le 12 octobre 2022