Point d’étape sur la concertation territoriale du SPPE

Elle a débuté son road trip dédié à la concertation du SPPE dont elle a été nommée Rapporteure générale début janvier à Versailles. Elle se terminera par un CNR mi- avril à Nancy. Mais déjà, après six déplacements, Élisabeth Laithier est en mesure de tirer les premiers enseignements de ces rencontres. Chaque ville-étape a été pour elle l’occasion de voir combien cette démarche d’aller à la rencontre des territoires était appréciée, utile et générait beaucoup d’attentes et d’espoirs.
Dans les 6 départements où Élisabeth Laithier est allée, elle a été aussi bien dans des grandes villes comme Toulouse que dans de très petites communes comme Saint-Priest-Ligoure (650 habitants), elle a pu, explique-t-elle, se « forger une impression générale assez juste et représentative car il y a, quel que soit le lieu, des dénominateurs communs. »
 

A chaque fois une belle mobilisation
Quel que soit le lieu, la mobilisation a été forte, voilà une des premières constantes de ces premières étapes de la concertation. « A chacun de mes déplacements, tous les acteurs petite enfance se sont mobilisés et ont répondu présents : les représentants des villes, de l'État, de la région, des départements, les élus locaux, des représentants des gestionnaires quel que soit leur statut, et des professionnels du secteur. J’ai rencontré aussi dans tous les départements les commissaires à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, les représentants des familles, de la Caf, de l’Éducation nationale, de pôle emploi et à Rennes, ceux de la chambre régionale de la cour des comptes ». Une énumération à la Prévert qui montre combien la Rapporteure générale a pu avoir une vision à 360° de l’accueil de la petite enfance dans un territoire donné et à un instant T.
Des rencontres multiples et précieuses donc, et note-t-elle avec un brin de satisfaction, de fierté même : « J’ai vu tout le monde, les gestionnaires, les professionnels, les usagers. »
Chaque ville-étape organisait des visites d’accueils originaux ou innovants en lien avec les problématiques de leur territoire, et des rencontres avec des interlocuteurs-clefs, mais aussi l’après-midi des ateliers. « Des ateliers participatifs de 50 à 100 personnes, tous passionnants
», conclut-elle

Des attentes qu’il ne faudra pas décevoir
  Une telle mobilisation a généré de fortes attentes  qu’il ne faudra pas décevoir. « Beaucoup m’ont dit leur adhésion à la démarche de la concertation. Cet « aller vers » auquel je crois beaucoup a fait mouche. Les participants apprécient que des solutions locales soient mises en valeur. Mais attention, l’attente est si forte que nous avons une obligation de résultats. Nous ne pouvons décevoir. Mes déplacements ont suscité une telle attente que la déception, s'il devait y avoir déception, serait énorme. ». Comme un effet de boomerang. En clair, impossible de ne pas tenir compte de ce qui a été vu et entendu : la montagne ne peut accoucher d’une souris !
« Plus globalement, j'ai le sentiment qu’il y a non seulement une adhésion à la méthode mais aussi à l’idée d’un service public de la petite enfance. Tous m’ont dit : il faut faire quelque chose, on ne peut rester en l’état. Le système actuel est à bout de souffle au vu de l’évolution de la société, et des besoins des familles. Tous aussi m’ont dit : nous voulons co-construire ce service public avec vous », souligne Élisabeth Laithier. « De mon côté, précise-t-elle, j’ai pu rassurer les élus en leur rappelant qu’il n’y aurait pas de droit opposable. »

Des solutions d’accueil innovantes
Lors de ces étapes, la Rapporteure générale a été bluffée par certaines initiatives tant elles lui ont semblé efficaces, innovantes et parfaitement adaptées aux besoins des familles de leurs territoires.  « A Toulouse, par exemple, un nombre de dispositifs impressionnant a été mis en place. Dans un même lieu, sont regroupés une crèche familiale, un EAJE, un LAEP, un RPE, des dispositifs de soutien à la parentalité etc. C'est dans un QPVV mais à destination de toutes les familles. Il y a un magnifique jardin végétalisé. Le fait que tout soit concentré dans un même lieu facilite le travail interdisciplinaire des professionnels et le parcours des familles. J'ai visité ce lieu mais il en a été créé dans plusieurs quartiers de la ville.
A Saint-Priest-Ligoure (650 habitants), l’intercommunalité a réussi à ouvrir une micro-crèche de 12 places gérées par deux jeunes femmes en SCOP. La maire a réussi à créer cette crèche à proximité de l’école maternelle, alors que l’école primaire est dans un autre village. J’ai découvert que la petite enfance pouvait être un outil d'aménagement du territoire. Ce que je ne soupçonnais pas.
A La Chapelle Saint-Luc (dans la banlieue de Troyes), la municipalité a mis au point un dispositif, « les vacances apprenantes », destiné aux enfants n’ayant jamais fréquenté un mode de garde formel, leur permettant d’aller à la crèche durant les deux mois d’été (ces enfants ne partent pas en vacances en général) pour découvrir la vie en collectivité.  A Rennes, j’ai trouvé leurs projets de crèches en plein air formidables.
»
Autant de solutions d’accueil qui pourraient être dupliquées et faire partie de ces pratiques inspirantes financées par le fond de 10 millions d’euros annoncé par Jean-Christophe Combe lors du premier CNR petite enfance en décembre dernier.
 
Des points de vigilance et d’attention
Mais le tour de France d’Élisabeth Laithier n’est pas un voyage au pays des Bisounours, et elle a relevé ce qu’elle appelle « des points d’attention ou de vigilance ». Ils reflètent les inquiétudes ou craintes des acteurs de terrain et il ne sera pas possible de ne pas en tenir compte. Car cette concertation territoriale ne peut être un coup d’épée dans l’eau. « Ces points d’attention sont ceux qui m’ont été remontés partout et par tous », précise-t-elle. Elle en a relevé 5.
 
1.La question de la PMI. « Si chacun reconnaît en avoir besoin, tous souhaitent que la PMI joue un rôle d’accompagnement, de conseil, d’appui. Néanmoins, les services de PMI sont souvent décrits comme un acteur absent ou éloigné des réalités de terrain et avec qui il n’est pas toujours facile de travailler. Mais ceux qui formulent ces critiques soulignent aussi que la PMI manque de moyens et ne dispose pas assez de personnels formés d’où une certaine rigidité parfois… »
 
2. La pénurie  et  les rémunérations des professionnels.
  « Evidemment  avant toute chose, le pré-requis,  c’est d’enrayer la pénurie de professionnels  et d’en augmenter le nombre rapidement. Cela concerne l’accueil collectif et l’accueil individuel. Sur le  volet des rémunérations des professionnels de la petite enfance, il y a une véritable attente. Et des réponses doivent venir rapidement. Cela me semble légitime, ce sont des métiers difficiles et fatigants. »
 
3. La place du privé lucratif.
«  La totalité des participants comprend qu’on ne peut  pas exclure les acteurs du privé lucratif, quantitativement parlant, du SPPE. Mais on ressent une véritable inquiétude de la part des élus de tous bords et une insistance sur la nécessité d’un contrôle plus renforcé. Ceci s’adressant particulièrement aux micro-crèches. Et ils expriment clairement qu’ils veulent éviter de dériver vers des systèmes comme on en trouve dans le grand âge. Ils souhaitent plus de contrôle financier mais aussi plus de contrôle des PMI quant à la qualité d’accueil. Tous sont frappés par le fait que la quasi-totalité des scandales concerne des crèches privées du secteur marchand et majoritairement des micro-crèches.
La question du privé, c’est aussi, pour eux, celle des subsides de l’État qui vont vers des sociétés privées.
»
 
4. La problématique des assistantes maternelles :
« La grande question que tout le monde se pose c’est : comment inclure l’accueil individuel dans le SPPE ? Dans tous les territoires, on m’a exposé les difficultés des assistantes maternelles : la baisse préoccupante de leur nombre, leurs conditions de travail, leurs salaires, les logements pas assez grands et leurs relations parfois difficiles voire conflictuelles avec les parents. Ce malaise autour des assistantes maternelles risque de renforcer les inégalités entre les territoires. Car parfois si elles cessent leur activité, il n’y a aucune autre solution d’accueil. »
 
5. Les attentes vis-à-vis de l’Etat :
« C’est une constante :  tous les acteurs des territoires souhaitent non seulement un accompagnement financier mais aussi un accompagnement en ingénierie. A mon sens, cela pourrait être le rôle des caf sinon des sociétés privées s’engouffreront dans ce qu’ils considéreront comme un nouveau business. »


NB. Cet article a été publié pour la première fois dans La lettre Hebdo 85.
Article rédigé par : Cathreine Lelièvre
Publié le 14 mars 2023
Mis à jour le 16 mai 2023