Quelle politique petite enfance pour ce deuxième quinquennat  d’Emmanuel Macron ?

Emmanuel Macron vient d’être réélu président de la République pour 5 ans. L’occasion de faire le point sur ce qui a été réalisé sous son précédent mandat, ce qui sera poursuivi ou entrepris lors de ce second quinquennat. Mais une chose est certaine, il faudra qu’il se réconcilie avec une fraction des professionnels de terrain chez qui il n’a pas la cote !
Ce qui sera poursuivi : réforme et comité de filière
Il est clair que la réforme des services aux familles – la réforme clef petite enfance - de ce premier quinquennat Macron est sur les rails. Ne manque plus que la publication de quelques textes (décrets ou arrêtés). Elle donnera sa pleine mesure à la rentrée de septembre en principe. Et à la fin de ce deuxième quinquennat puisque les expérimentations de la réforme sont prévues pour 5 ans.  Il  semble exclu que le prochain gouvernement revienne sur certains points rejetés par les professionnels et leurs représentants.
Les travaux du comité de filière eux aussi, élément phare de la dernière période du quinquennat en matière de petite enfance, continuera sur sa lancée. C’est d’ailleurs une des mesures qui fait le plus l’unanimité chez les professionnels. Porteuse d’espoir et en même temps de doutes. En tout cas, le prochain gouvernement sera attendu sur cette question : quels moyens mettra-t-il pour enrayer la crise de recrutement vécue par le secteur, et pour lutter efficacement et vite contre la pénurie de professionnels ?
Et évidemment les consultations entreprises d’un service public de la petite enfance entreprises vont se poursuivre

200 000 places d’accueil collectif et individuel ?
 Le président-candidat a peu pris la parole sur la petite enfance. Au grand dam d’ailleurs du secteur qui réclamait que ce soit une priorité pour 2022.
Il l’avait fait quand il n’était encore que président en exercice, en janvier dernier, devant le congrès de la fédération des acteurs de la solidarité… dévoilant à demi-mot son futur programme de candidat : il voulait mettre en place un système plus simple, responsabilisant la puissance publique pour répondre véritablement aux besoins des parents. Il souhaitait la création de 200 000 places d’accueil collectif et individuel et évoquait une sorte de droit opposable à la garde d’enfant. (Voir Lettre Hebdo N°30).
Quand il s’est déclaré candidat, il a expliqué dans sa lettre aux français : « Je suis candidat pour continuer de préparer l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants. »
Lors de sa première conférence de presse de candidat, le 17 mars, il a évoqué la protection de l’enfance, la lutte contre les inégalités à la racine, les mamans solos… (Voir Lettre Hebdo N°40)

La protection de l’enfance : une priorité
Et, la semaine dernière, dans sa conclusion lors du débat avec Marine Le Pen, il avait rappelé sa volonté de mettre l’enfance au cœur de son engagement et de son action : « Les quarante dernières secondes qu’il me reste je veux les consacrer à nos enfants. On a parlé de notre jeunesse qui a tant souffert pendant le COVID, et au fond, on se bat tous, chacun avec nos différences, nos sincérités, pour nos enfants. Et une des choses qui m’importe le plus, si les Françaises et les Français me font confiance, c’est de continuer à leur bâtir un monde meilleur à travers toutes les politiques que j’ai défendues, mais aussi de mieux les protéger. La protection de l’enfance sera au cœur des cinq années qui viennent. (…) ». Mais rien de précis sur la petite enfance…

Un droit opposable à la garde d’enfant
La mesure est ainsi inscrite dans le programme de LREM : « Pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle avec la garantie d'une solution de garde accessible pour tous les parents d’enfant de moins de trois ans. »
Ce qui signifie donc poursuivre les réflexions et consultations sur la mise en place d’un service public de la petite enfance. Pour rappel, le gouvernement actuel avait sollicité le CESE pour avis. Un avis, rendu le 22 mars, qui ouvre des possibles, enfonce quelques portes ouvertes, mais ne propose pas vraiment d’avis tranché. Donc un des enjeux de ce nouveau quinquennat sera de décider des contours de ce service public, de décider quelle sera la place du national et du local dans sa mise en œuvre (compétence obligatoire aux communes).
L’autre point important, c’est d’harmoniser le reste à charge des familles quel que soit le mode d’accueil choisi. Et donc passer par une réforme du Cmg. Elle était attendue, elle n’a jamais été réalisée. Un point de crispation entre professionnels de l’accueil individuel et le gouvernement. Lors de notre Printemps de la Petite Enfance (voir Lettre Hebdo N°41), la représentante du candidat Emmanuel Macron s’était engagée assez clairement sur « une réforme en profondeur du complément mode de garde (…) chiffrée à 300 millions d’euros ».
Si ces deux axes d’action sont retenus, alors oui on pourra sous ce quinquennat s’acheminer vers un droit garanti à une solution d’accueil pour tout enfant de moins de trois ans.
A condition qu’il y ait assez d’assistantes maternelles, de crèches avec des professionnels qualifiés pour y travailler ou des auxiliaires parentales pour les accueillir. Et ça ce sera d’une part le job du comité de filière qui doit aider à lutter contre la pénurie de pros, d’autre part celui de la COG qui sera négociée dès cet automne. (voir ci-dessous).

Le soutien aux familles monoparentales
Avec deux promesses : l’augmentation de 50% du montant de la pension alimentaire minimale et l’augmentation de l’allocation du soutien familial qui passera à 174€ par enfant et par mois. Et l’extension du Cmg de 6 à 12 ans, moment de l’entrée au collège. Cette aide supplémentaire est-il spécifié dans le programme « sera ouverte jusqu’à 50h par semaine, soit environ 2h30 par jour ».
Par ailleurs les modes d’accueil aux horaires atypiques leur seront en priorité ouverts.

Ministre ou Secrétaire d’État ?
Évidemment, l’une des décisions les plus attendues  est  la nomination du successeur d’Adrien Taquet. Sera-t-il ministre de plein exercice ou simple secrétaire d’État ? Le choix fait sera un bon indice pour connaître la place que l’enfance et la petite enfance tiendront dans le gouvernement et donc durant le second mandat d’Emmanuel Macron. L’idée d’un grand ministère de la famille et de l’enfance séduit nombres d’acteurs du secteur. Lors du Printemps de la Petite Enfance, Dominique Versini, représentante d’Anne Hidago, et qui a été secrétaire d’État en 2003 affirmait que le poids d’un secrétaire d’État n’était pas celui d’un ministre. Anne de Bayser, pour Emmanuel Macron, relativisait : peu importe le titre et l’appellation, ce qui compte « c’est la personnalité, l’engagement et le sens de la politique qui est donnée. » Il n’empêche, quand il s’agit de gagner des arbitrages, mieux vaut être ministre. Preuve en est la décision de non réforme du Cmg alors même qu’elle était soutenue par Adrien Taquet.

La COG 2023-2027 entre l’État et la Cnaf donnera le ton
En janvier, Emmanuel Macron avait donc évalué à 200 000 le nombre de solutions d’accueil à créer. Comment le gouvernement défendra-t-il et soutiendra-t-il un objectif plus ambitieux que celui de la précédente COG (30 000) et jamais atteint (environ 15 000) lors de la négociation de la nouvelle COG 2023-2027 Etat-Cnaf ? Quels moyens seront mis pour accompagner la création de places, et accompagner les modes d’accueil existants ?  Anne de Bayser avait évoqué, lors du Printemps de la Petite Enfance, une enveloppe globale de 1,5 milliard d’euros « pour l’ensemble des dispositifs incitatifs et d’accompagnement des modes de garde ».


 
Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 25 avril 2022
Mis à jour le 20 juin 2022