Réforme des modes d’accueil : du mieux pour les assistantes maternelles mais elles se battent encore

Depuis le coup d’envoi de la réforme des modes d’accueil donné par Adrien Taquet fin novembre, les allers-retours sur le projet d’ordonnance et de décrets entre la DGCS et les différentes organisations se succèdent. En fin de semaine dernière, les avants projets d’ordonnance et de décrets ont été communiqués à tous les partenaires de l’accueil individuel et à ceux de l’accueil collectif. De leur côté, les assistantes maternelles, mobilisées comme jamais, se battent pour que cette réforme tant attendue leur soit le plus favorable possible. On fait le point avec Marie-Noëlle Petitgas, présidente de l’Anamaaf, et Sandra Onyszko, directrice de la communication de l’Ufnafaam.
Les enfants de plus de 11 ans de l’assistante maternelle ne comptent pas
La proposition de l’Anamaaf quant à l’introduction d’une limite d’âge dans l’article L 421-4 du Code l’action sociale et des familles (CASF) sur l’agrément a été retenue. La nouvelle formulation prévoit en effet : « A chaque instant, le nombre total de mineurs âgés de moins de onze ans simultanément sous la responsabilité exclusive de l'assistant maternel ne peut excéder six, dont au maximum quatre enfants de moins de trois ans. » Marie-Noëlle Petitgas de l’Anamaaf se dit donc satisfaite sur ce point, qui lui « paraissait logique ». En pratique, et cela a son importance, les enfants de plus de 11 ans de l'assistante maternelle ne sont pas comptabilisés, ils viennent en plus.  « Nous ne sommes ni pour ni contre d’inclure un âge. On aurait pu laisser cette décision à la discrétion des services de PMI. Mais de notre côté, nous ne nous battrons pas là-dessus si cela convient », explique Sandra Onyszko de l’Ufnafaam. Elle fait en revanche remarquer que la formulation « sous sa responsabilité exclusive » reste floue. « Il faut enlever ces termes et indiquer "les enfants compris ou non dans l’agrément" », précise-t-elle. Et d’ajouter : « Une assistante maternelle pourrait accueillir jusqu’à 6 mineurs, avec l’accord des services de PMI et de façon limitée dans le temps, mais les enfants de l’assistante maternelle ne doivent pas faire partie de ces 6 mineurs à part si ces derniers ont moins de 3 ans.» Selon la DGCS, "l'article est clair. Il faut le lire au pied de la lettre et se libérer des cadres actuels, la façon de raisonner n'étant plus la même. C'est fondé sur une distinction entre l'agrément et le nombre d'enfants de moins de 11 ans sous la responsabilité exclusive de l'assistant maternel qui ne peut être supérieur à 6."A noter que l’article se poursuit par : « Exceptionnellement, pour répondre à un besoin imprévisible ou temporaire, notamment lors de vacances scolaires, ce nombre limite peut être augmenté de deux enfants. »

Accueil d’un enfant à titre gracieux : une porte ouverte au travail au noir ?
Dans l’article 6 du projet d’ordonnance, on peut également lire : « Pendant les heures où il accueille des enfants en sa qualité d’assistant maternel, tout professionnel peut s’occuper de ses propres enfants ou, à titre gracieux, de tout autre enfant qui lui est confié par ses parents ou représentants légaux. » « C’est toujours une grande incompréhension pour moi que cette possibilité de garder à titre gracieux des enfants non déclarés. Cela ouvre la porte au travail au noir. Et puis quelle sera la responsabilité pénale ? Comment sera protégée l’Assistante maternelle ? », s’insurge Marie-Noëlle Petitgas. Et d’ajouter, « cela pourrait être intéressant pour les assistantes maternelles qui souhaitent accueillir leurs petits-enfants mais dans ce cas il faudrait préciser le lien de parenté. »

La formulation de l’article D421-17 du décret concernant la place supplémentaire à revoir
Cet article est ainsi nouvellement rédigé : « II. - En application du II. de l’article L421-4-1, notamment pour » assurer la continuité de l'accueil des enfants confiés dans des situations urgentes et imprévisibles,  « remplacer un autre assistant maternel momentanément indisponible ou pour la mise en œuvre des dispositions des articles L 214-7 du présent code, un assistant maternel peut accueillir un enfant de plus que le nombre d’enfants qu’il est autorisé à accueillir en cette qualité selon la décision d’agrément prévue à l’article D. 421-12, dans la limite de cinquante heures par mois. » 
Une rédaction qui ne satisfait pas Marie-Noël Petitgas. « Le gros point à revoir c’est la question du dépassement de 2 enfants au lieu de 1. Les termes « urgent et imprévisible » vont être sujets à interprétation. Ils n’englobent notamment pas les formations. Nous estimons que l’on doit autoriser l’assistant maternel à accueillir dans ce cas 2 enfants de plus. Par exemple, pour une assistante maternelle qui travaille en MAM avec 4 agréments, qui serait absente pour une journée, ses collègues ne pourraient accueillir qu’un enfant chacune donc un enfant serait de fait exclu. Pour une assistante maternelle qui travaille chez elle, il va falloir qu’elle trouve 4 collègues. Et puis si un enfant est déplacé pour une journée c’est bien qu’il le soit avec un autre enfant qu’il connaît », souligne-t-elle.

L’article 8 ou le risque d’une perte d’indépendance pour les assistantes maternelles en MAM
Sandra Onyszko dénonce la nouvelle rédaction de l’article 8 qui prévoit : 
« Art. L. 424-1 : L'assistant maternel, « qu’il soit salarié de particuliers employeurs ou salarié de personnes morales de droit public ou de droit privé, » peut, « dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat, » accueillir des mineurs au sein « d'un lieu appelé » “Maison d'assistants maternels”, « distinct de son domicile et de celui des mineurs accueillis et de leurs représentants légaux. »
 « Ce texte est très dangereux. Aujourd’hui l’assistant maternel en MAM est exclusivement salarié d’un particulier employeur. Or avec cet article 8, l’assistant maternel en MAM pourrait avoir un autre employeur que les parents (salarié de personnes morales de droit public ou de droit privé). Par exemple, une association pourrait devenir employeur. Les assistants maternels pourraient perdre leur autonomie, leur indépendance. Il faut que tous nous dénoncions ce texte ! », déclare-t-elle.

L’administration des médicaments oui mais quid de l’accompagnement en santé ?
Pour rappel, la réforme des modes d’accueil ouvre le droit à l’administration des médicaments et traitements par les professionnels de crèche et les assistants maternels, sauf avis contraire express du médecin, afin de faciliter l’accueil d’enfants en situation de handicap ou atteints de maladie chronique. Une mesure tout à fait louable mais qui pose toutefois quelques questions notamment celle des expérimentations. « Nous ne sommes pas contre la possibilité d’administrer les médicaments mais pour nous ceci n’est possible que s’il y a un accompagnement en santé. Or seule une expérimentation est prévue », remarque Sandra Onyszko.

Faire bouger les choses…
« On va essayer de faire bouger les choses », conclut Marie-Noëlle Petitgas qui demande la réintégration des assistants maternels au Code du travail. « Cela a été une grosse erreur de passer sur le code de l’action sociale et des familles (CASF) en 2008. Le code du travail évolue tout le temps, ce qui n’est pas le cas du CASF. C’est l’objet de plein de litiges. Nous devons être dans le code du travail ! C’est une discrimination de l’Etat. Et nous demandons aussi une augmentation du minimum légal qui équivaudrait à un SMIC pour l’accueil de 3 enfants simultanément et le maintien de rémunération pour absence d’enfant en cas de maladie. » Les organisations sont donc sur le pont.
Il semble toutefois que les marges de négociations sont faibles. En effet, pour le Secrétariat d'état à l'Enfance et aux Familles, les arbitrages sont faits. Ces relectures d'avants projets ne concernent que des points de détail et quelques reformulations.
Article rédigé par : Caroline Feufeu
Publié le 07 décembre 2020
Mis à jour le 12 janvier 2021