Rénovation des diplômes de la petite enfance : ce qu’il faut savoir

Lors de la journée nationale des professionnels de la petite enfance, la table ronde organisée autour des diplômes et métiers de la petite enfance a permis à la Direction générale de la Cohésion Sociale (DGCS) de faire un point d’étape sur la rénovation de trois diplômes de la filière petite enfance : le CAP ex petite enfance, et les diplômes d’état d’auxiliaire de puériculture et d’éducateur de jeunes enfants.  Ce fut aussi l’occasion notamment pour l’AForMEJE (Association pour la Formation au Métier d'Educateur de Jeunes Enfants) d’émettre ses craintes et formuler des propositions pour la formation des EJE encore en cours de discussion.
Rappelons que les réformes en cours devraient aboutir dans les mois à venir, et les nouvelles formations et diplômes rentreront en vigueur septembre 2017.


 
Les objectifs de la réforme des diplômes de la petite enfance
La rénovation des formations et des diplômes de la petite enfance visent plusieurs objectifs. D’abord il s’agit de revoir les contenus de chaque formation en y intégrant le corpus commun « petite enfance » aux trois formations. Ce socle commun devant permettre d’accroître dans les diplômes la partie relative à la connaissance du développement de l’enfant en s’appuyant sur l’évolution des savoirs. Ensuite de revoir les modes de sélection pour accéder aux différents métiers. Enfin de donner des perspectives de carrière aux professionnels en améliorant les passerelles entre les diplômes et en poursuivant leur modularisation afin de simplifier les évolutions. Voilà pour les objectifs qualitatifs affichés. D’autres sont quantitatifs puisqu’on le sait on manque de personnels formés dans la filière petite enfance, et il est très difficile de recruter pour les gestionnaires quels qu’ils soient. C’est pourquoi parallèlement la DGCS souhaite que des plateformes régionales de la petite enfance soient développées à partir des schémas départementaux des services aux familles : en clair que l’offre de formations ( à la charge des régions) corresponde aux besoins effectifs de personnels dans le secteur, notamment  dans les EAJE qui connaissent des difficultés de recrutement.
Pour la formation continue, il y a l’EDEC (Engagement de Développement de l’Emploi et des Compétences) 2015-2018. Cet accord signé avec l’ensemble des partenaires sociaux ne concernent que le secteur privé de la petite enfance (crèches associatives, particuliers employeurs d’assistants maternels ou de gardes à domicile, entreprises de crèches privées) et vise à anticiper et accompagner l’évolution des emplois et des qualifications de la filière pour répondre à des besoins croissants.
Il s’agit maintenant de négocier le même type d’accord avec le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) pour EAJE publics.

Où en est-on aujourd’hui  de la réforme des diplômes de la petite enfance?
Les rénovations de ces trois diplômes-clefs de la petite enfance dépendent de trois ministères différents et nécessitent une difficile coordination. Mais le timing sera respecté. Ils seront tous prêts pour la rentrée 2017. Pour le CAPexPetite Enfance, rebaptisé CAP accompagnant éducatif petite enfance,  c’est fait. Tout a été validé. Les détails de la formation et des épreuves seront consultables en ligne d’ici le mois de mars.
Sous la houlette du Ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, il demeure un diplôme de niveau V et constitue une première marche pour entrer dans la filière petite enfance.
 Les travaux autour du diplôme d’auxiliaire de puériculture et celui d’aide-soignant sont pilotés par le Ministère de la Santé. Actuellement, ce diplôme d’état est de niveau V comme le CAP donc. Il est question de le remonter à un niveau IV, mais ce n’est pas encore complétement acquis.
La ré-architecture du diplôme d’état d’ éducateur de jeunes enfants (EJE), lui, se négocie dans un groupe de travail placé sous la responsabilité du Ministère des Affaires Sociales. En novembre dernier, La Commission Professionnelle Consultative (CPC) a publié un rapport sur la réingénierie des diplômes du travail social intitulé « schéma directeur global des formations du social » a proposé  un certain nombre de réformes ou d’aménagements. Et c’est sur cette base que se déroulent les discussions concernant le nouveau référentiel.  Au cœur des débats les conséquences éventuelles du passage du diplôme d’EJE en niveau II alors qu’il est actuellement  de niveau III.

La question sensible de la formation des  éducateurs de jeunes enfants (EJE)
Ce rapport avait d’ailleurs fait réagir la FNEJE  qui en saluait les points positifs mais en pointait les faiblesses et les risques
Au cours de la table ronde du 31 janvier dernier, Catherine Bouve, chercheur en sciences de l’éducation  et responsable du pôle formation initiale au centre de formation Saint Honoré à paris, est revenue  sur le métier d’EJE, « le métier de base de la petite enfance » selon le rapport Giampino. Le rôle premier des EJE étant d’être auprès des enfants. Or le nouveau référentiel pourrait bien le transformer en métier de management puisque nombre de crèches sont aujourd’hui dirigées par des EJE. Le passage du diplôme d’état de niveau III à un niveau II est en soi une bonne chose. Néanmoins, il ne faut pas qu’il ait pour conséquence d’éloigner les EJE du terrain pour les cantonner à des postes de direction. Par ailleurs, dans cette configuration la filière petite enfance n’aurait aucun métier correspondant à un diplôme de niveau III. Catherine Bouve a aussi rappelé qu’en 2000, il y avait dans les établissements un poste d’EJE pour 40 enfants et que depuis 2007, il y a une demi-poste d’EJE pour 25 enfants (soit un pour 50. Or aujourd’hui les professionnels souhaiteraient qu’il y ait un poste d’EJE pour 20 enfants).
Tous ces éléments inquiètent les EJE car ils vont dans le même sens et eux souhaitent garder la spécificité de leur métier. D’où la difficulté à trouver un consensus sur ce nouveau référentiel  d'activités, de compétences et de formation.

L’analyse et les recommandations  de l’AForMEJE
Au nom de l’AForMEJE, Catherine Bouve a évoqué les craintes des professionnels et avancé quelques recommandations.
• Les EJE ont vocation à être près des enfants et veulent obtenir la garantie qu’avec leur diplôme de niveau II ce sera encore le cas.
• Ils souhaitent que soit reconnu dans les textes le temps de travail passé hors de la présence des enfants et que la formation continue soit effective dans tous les EAJE quels que soient les gestionnaires.
• Pour la cohérence de la filière petite enfance, une tutelle unique -un seul ministère-pour l’ensemble des métiers ne serait-elle pas légitime ?
• Comment dans leur formation peuvent s’articuler à la fois le socle commun « petite enfance » et le socle commun « travailleurs sociaux » prévu à juste titre dans le rapport de la CPC puisque leur diplôme est un diplôme du travail social , filière « famille-petite enfance »?
• Les EJE, même si certains d’entre eux sont amenés à diriger des établissements, ne veulent pas que le management soit intégré à leur formation initiale mais souhaitent que cela fasse l’objet d’une formation complémentaire notament dans le cadre de la formation continue.
 Et surtout ils veulent garder une formation où la pratique tient une place importante. Car a conclu Catherine Bouve « une formation ne peut se réduire à l’acquisition d’une somme de compétences ».
• Enfin pourquoi pas un "master petite enfance" qui permettrait un accés à la recherche.

 

 
Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 06 février 2017
Mis à jour le 17 août 2021