A Montpellier, l’Opéra Orchestre national s’ouvre aux tout-petits

Depuis 2020, l’Opéra Orchestre national de Montpellier et le pôle petite enfance de la ville ont développé une offre culturelle à destination des moins de 3 ans. Un éveil musical qui prend place dans les crèches mais également sur le plateau de l’Opéra Comédie. Ou encore dans les Pmi dans le cadre d'ateliers de soutien à la parentalité, en partenariat avec le Conseil départemental. Et un projet intergénérationnel de « collectage » de matière musicale devrait bientôt voir le jour. Bref, des propositions on ne peut plus variées qui rencontrent un réel succès ! 
L’appétence de la ville de Montpellier pour les arts et la culture
La rencontre entre les arts et la culture et les petits montpelliérains n’est pas nouvelle, comme l’explique Françoise Roussel, responsable mission projets éducatifs au pôle petite enfance : « La ville de Montpellier a une forte orientation autour de tout ce qui est artistique et culturel. Et on a été évidemment conforté dans ces choix, en 2016, avec le rapport de Sylviane Giampino, en 2017 avec la signature du protocole pour l'éveil artistique et culturel des jeunes enfants, et en 2019 avec le rapport sur la santé culturelle de Sophie Marinopoulos ». Et Isabelle Facoltoso, chargée de projets mission projets éducatifs au pôle petite enfance, de compléter : « Depuis 2010, et même avant, nous avons commencé tout un travail culturel autour du livre et cela s’est poursuivi avec l’élargissement d’un réseau multiculturel autour de la danse, puis avec le musée Fabre, le Centre d’art contemporain La Panacée MoCo et le petit dernier, c’est l’Opéra ».

Un partenariat qui fait sens
Cela fait maintenant deux ans donc que l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie et le pôle petite enfance de la ville ont signé une convention pour éveiller et sensibiliser les tout-petits à la musique. « Il y avait une vraie demande du pôle enfance et une vraie volonté de notre direction générale d’ouvrir l’Opéra aux tout-petits. Dans le monde culturel, si les propositions pour les enfants d’âge scolaire sont nombreuses, ce n’est pas le cas pour les moins de 3 ans. C’est plus rare car un peu plus difficile à mettre en place pour les artistes », explique Caroline Maby, responsable du service Développement culturel et actions artistiques et pédagogiques à l'Opéra Orchestre national de Montpellier. Et Françoise Roussel de préciser : « De temps en temps, dans nos crèches, on proposait des séances d’éveil musical, c’était intéressant, mais on s’est dit que l’on pouvait avoir une ambition plus grande. On s’est donc rapproché de l’Opéra et de ses musiciens de grande qualité, avec lesquels on a réfléchit sur ce qui pourrait être proposé au niveau des tout-petits. Ce qui nous intéressait, c’était que les enfants découvrent d’abord des instruments qu’ils n’ont pas l’habitude de voir. Entendre un violon en live et l’entendre sur un CD, ce n’est pas la même chose. Cela nous semblait également important que les enfants puissent bénéficier de morceaux des répertoires que jouent les musiciens dans le cadre de leurs fonctions ». 

Des séances de musique participatives
Outre, Les Petits Parcours, des ateliers d’initiation musicale proposés aux familles certains samedis et dimanches, la ville et l’Opéra ont donc souhaité faire entrer la musique dans les crèches. En pratique, chaque année, entre 3 et 5 crèches volontaires accueillent des artistes de l’Opéra au cours de 6 séances de 2 heures. Les musiciens et chanteurs du chœur (tous volontaires) interviennent la plupart du temps par deux. « Certains travaillent autour d’une histoire qu’ils ont mis en musique, d’autres partent sur la découverte de rythmes, de sons, de mélodies, et beaucoup jouent du répertoire car l’idée c’est aussi de faire entendre aux jeunes enfants le grand répertoire, adapté à leur âge bien évidemment, donc sous forme d’extraits très courts », détaille Caroline Maby. Côté instruments : le violon, l’alto, le basson, le trombone ou encore la percussion s’invitent dans les structures. Le participatif est bien entendu à l’honneur, les tout-petits peuvent donc entrer et sortir, continuer à jouer pendant la prestation des artistes. « Nous avions à cœur, et la ville de Montpellier aussi, que les enfants soient libres de déambuler, on n’est clairement pas en format concert », souligne Caroline Maby. Et les tout-petits semblent apprécier. « Quand on offre de belles choses aux enfants, ils sont traversés par cela. On a l’exemple d’un petit garçon très actif accueilli dans une crèche de la ville. Le jour où il a été face aux musiciens, les professionnels ne le reconnaissaient pas. Il était assis avec son doudou et on sentait qu’il était pénétré par la musique », indique Françoise Roussel. Et Isabelle Facoltoso de poursuivre : « Le rapport des bébés à la musique me fascine particulièrement. Lors de l’intervention des musiciens, on peut voir des enfants de 6-7-8 mois qui bougent leur corps. Et dans le cadre de l’intervention d’un baryton du chœur de l’Opéra, ce sont des gazouillements. Un dialogue s’installe réellement entre le chanteur et les enfants. »

Les Plateaux partagés : une offre culturelle pluridisciplinaire originale
« Les plateaux partagés sont des événements qui ont pour objectif de réunir, une à deux fois par an, les différents partenaires culturels avec lesquels le pôle enfance travaille pour faire une offre complète pluridisciplinaire aux enfants dans différents lieux : au Centre chorégraphique national de Montpellier Occitanie, au Musée Fabre… », explique Caroline Maby. Ils existent depuis 13 ans. Et au fur et à mesure de la signature de nouveaux partenariats, de nouvelles institutions culturelles ont rejoint le projet. En novembre dernier, Les Plateaux Partagés ont pris place sur le grand plateau de l’Opéra comédie. Au menu de ce temps fort : la présence de 30 chanteurs de l’Opéra, les danseurs de la compagnie de François Rascalou qui improvisaient sur la musique du chœur, un atelier animé par le musée Fabre, un autre dispensé par le MoCo (Centre d’art contemporain) et une personne des médiathèques qui racontait des petites histoires. Les tout-petits des crèches, accompagnés de leurs parents, et de professionnels de la petite enfance, pouvaient aller d’un espace à l’autre. « Pendant 1h30, ils ont profité de toutes ces disciplines. C’était très spectaculaire pour eux et on a eu d’excellement retours », s’enthousiasme Caroline Maby. Des parents très demandeurs de ces moments, selon Isabelle Facoltoso, et qui créent de nouveaux rapports avec les professionnels de la petite enfance. « Dans ce contexte-là, le parent et son enfant vivent quelque chose de différent mais les professionnels aussi. Généralement, ils font le trajet ensemble donc une relation hors de la structure se noue, qui semble être très positive », souligne Françoise Roussel. A noter que l’Opéra participe aussi au Festival L’éveil des tout-petits, « une odyssée culturelle et artistique » qui s’étend sur un mois. 

Une formation dispensée aux professionnels de la petite enfance 
Par ailleurs, deux journées de formation sont organisées tous les ans à l’attention des professionnels de la petite enfance de la ville. Elles sont animées par un chef de chœur et une psychomotricienne. « Le but est notamment de leur proposer des pistes et outils pour utiliser le chant dans leur travail avec les tout-petits. Certaines professionnelles ont des complexes, n’osent pas chanter. Les intervenants leur montrent que l’on peut utiliser sa voix de différente façon et l’expression corporelle a aussi son importance, d’où la présence d’une psychomotricienne », précise Caroline Maby. Et Françoise Roussel de compléter : « Nous souhaitions la présence d’une psychomotricienne pour qu’elle parle aux professionnels des effets de la musique sur le développement de l’enfant. Et puis, on avait fait le constat que bien souvent en crèche, lorsque c’est le temps des comptines, de chanter, on fait asseoir les enfants sur un tapis. Au travers de ces formations, on essaie donc de faire évoluer les pratiques, en faisant prendre conscience aux professionnels qu’on n’est pas obligé d’être assis, d’être tous au même endroit, lorsque l’on chante ». A noter que les professionnels de la petite enfance bénéficient également de formations sur le livre et la lecture, la danse… pour « donner du sens à ce qui est proposé à l’enfant », souligne Françoise Roussel.

Deux actions menées avec le conseil départemental de l’Hérault
D’une part, des artistes de l’Opéra, en partenariat avec le conseil départemental 34, se déplacent dans les Pmi. Deux interventions ont ainsi eu lieu au mois de décembre en Pmi, dans les salles d’attente, avec des musiciens (percussion et violon) et un danseur. D’autre part, un projet intergénérationnel avec un ehpad et un EAJE est en cours. « L’idée serait de travailler avec des musiciens sur du collectage de matière musicale auprès des séniors mais aussi des tout-petits voire même de leurs parents. Puis, les artistes travailleront cette matière pour en faire quelque chose, qui sera restituée auprès du public. Mais difficile d’en dire plus car nous n’en sommes qu’au stade de projet », explique Caroline Maby. 

Une offre donc particulièrement riche, un dynamisme certain de la part de l’Opéra, du pôle petite enfance de la ville et du conseil départemental de l’Hérault pour rendre la musique accessible à tous et dès le plus jeune âge. Et des programmes très appréciés. « C’est un public très différent auquel les artistes sont confrontés dans ce cadre-là, car c’est un public qui réagit sans filtre », souligne Caroline Maby. Et de poursuivre : « Mais la quinzaine d’artistes volontaires apprécie beaucoup de partager son art, de le faire découvrir aux jeunes enfants. Et puis, ils assistent à de très belles choses. A L'Abri Languedocien, foyer de jeunes mères isolées, où ils viennent de temps en temps jouer, des éducateurs ont ainsi confié que c’était la première fois qu’il voyait un tout-petit de 18 mois sur les genoux de sa mère. Grâce à la musique, un rapprochement s’était opéré. Que c’est gratifiant ! »
Article rédigé par : Caroline Feufeu
Publié le 13 janvier 2023
Mis à jour le 25 janvier 2023