Lille : La prévention précoce au cœur de de la crèche Rigolo Comme la Vie-La Sauvegarde du Nord

Une crèche unique a ouvert ses portes, il y a quelques mois à Lille. Sa spécificité : la prévention précoce de troubles du développement chez les enfants à risque de négligence. Précoce sans aucun doute car elle accueille entre autres des nouveau-nés dès la sortie de la maternité. Une expérimentation sur 3 ans avec l’idée, si elle est concluante, de créer d’autres structures sur le modèle de la crèche Rigolo Comme la Vie-La Sauvegarde du Nord. Une initiative portée par une équipe pluridisciplinaire investie.
Un projet de longue haleine
Le projet aura mis 7 années à voir le jour. « Il est né d’une rencontre humaine entre Rosa Mascaro, pédopsychiatre et médecin Directrice de l’Espace Lebovici La Sauvegarde du Nord, et Laurence Six, fondatrice du réseau de crèches Rigolo Comme la Vie, autour de l’inclusion et de la prévention précoce », explique Aglaé Gautier, coordinatrice des projets innovants chez Rigolo Comme la Vie. « Au fur et à mesure de rencontres, de brainstorming, d’échanges, le projet de créer une structure petite enfance hybride et innovante associant éducatif et soins a pris forme », ajoute-t-elle. Ce dispositif, qui s’adresse à des bébés à risques de troubles du développement, et porté par une équipe pluridisciplinaire, mêle donc accueil en crèche et accompagnement thérapeutique de l’enfant et de ses parents. Pour ce faire, une unité de soins est ainsi attenante à la crèche. Et, l’objectif est clair : intervenir le plus tôt possible, pour éviter que des troubles n’apparaissent ou s’aggravent nécessitant une prise en charge qui pourrait être relativement lourde et coûteuse. Par ailleurs, tout un travail de soutien à la parentalité est mené, afin que les parents puissent petit à petit arriver à répondre aux besoins fondamentaux de leur bébé.

Prévention précoce et inclusion
Pour autant, il n’est pas ici question d’une structure spécialisée, mais d’une structure inclusive. « Nous pensons que l’inclusion, la mixité aident au bon développement de l’enfant et à l’accompagnement des parents », insiste Aglaé Gautier. Et de fait, la crèche est prévue pour accueillir 20 enfants : 10 enfants des quartiers et 10 enfants à risques. Ces derniers peuvent être repérés par l’équipe du Docteur Mascaro, des PMI, des établissements médico-sociaux, des maternités, des médecins traitants… et sont accueillis cinq jours par semaine. Quant aux familles, elles ont des profils variés. « Nous pouvons avoir des parents qui ont subi des négligences pendant leur enfance ou encore des mamans en dépression du post-partum », précise Juliette Bouillon, la directrice de la crèche. En pratique, c’est le Docteur Mascaro et Juliette Bouillon qui s’assurent que les enfants et familles entrent bien dans le cadre du projet avant de lancer le processus d’inscription.  

L’accueil de nouveau-nés : une spécificité de la crèche
Les EAJE accueillent en règle générale les tout-petits à partir de 2 mois et demi. A la crèche Rigolo Comme la Vie-La Sauvegarde du Nord, c’est dès la naissance. « Nous avons 3 enfants à risques inscrits dont un qui va naître prochainement et que nous accueillerons dès la sortie de la maternité », indique Juliette Bouillon. Un aménagement particulier a bien entendu été mis en place. Ces tout-petits ont leur propre dortoir, espace de change… « Nous avons une nursery avec une petite baignoire comme à la maternité où nous accompagnons les parents quant à la technique du bain. Un accompagnement est également prévu concernant l’allaitement. Et ils peuvent rester le temps qu’ils le souhaitent dans la structure », précise la directrice de la crèche. A domicile, ils reçoivent aussi des conseils relatifs au maternage.

Une organisation de crèche classique, mais…
Si, pour le reste, la crèche fonctionne de manière classique, l’équipe a toutefois développé une observation fine des enfants, indéniablement indispensable pour un suivi efficace et de qualité. Des cahiers sont ainsi utilisés dans lesquels les professionnels de la crèche notent leurs observations concernant les relations parents/enfants, les interactions des tout-petits, leur développement… Pour ensuite pouvoir échanger avec les membres de l’unité de soins (pédopsychiatre, psychomotricienne…). Car, sans conteste, cette équipe pluridisciplinaire fait la force de ce projet.
Par ailleurs, pour accompagner au mieux le développement de l’enfant, répondre à son besoin de sécurité et d’attachement, une personne référente lui est dédiée. « Pendant tout le temps de l’adaptation, il y a une personne référente pour l’enfant, puis progressivement toutes les personnes de l’équipe vont l’accompagner », explique Juliette Bouillon.
Des pros de crèche indéniablement investis qui ont pour la plupart été recrutés en interne, un an avant l’ouverture de la structure. « Ils ont été impliqués très tôt dans le projet », indique la directrice de la crèche. Et détaille : « Nous avons participé à une formation en commun avec l’unité de soins et une autre est prévue ce mois-ci sur le développement de l’enfant et la prévention précoce. »

Et du côté des parents ?
Si toute l’équipe est investie, il en est de même pour les familles. « Elles sont parties prenantes, elles s’inscrivent parce qu’elles adhérent à ce que l’on propose », souligne Aglaé Gautier. Et complète : « En général, lorsque l’on fonctionne sur un principe d’adhésion, on voit assez rapidement des effets bénéfiques chez les parents et par répercussion chez les enfants. » En pratique, les familles se rendent à l’unité de soins, une à deux matinées par semaine, et des visites à domicile sont également prévues. « A la crèche, précise Juliette Bouillon, nous mettons l’accent sur le soutien à la parentalité. Lors des transmissions bien sûr, mais aussi lors des cafés de parents que nous organisons où toutes les familles de la crèche sont conviées ou encore pendant nos ateliers parents-enfants dont les thèmes sont choisis en fonction des besoins des familles (motricité, jeu…). Au final, toutes les familles que nous accueillons au quotidien dans la structure sont preneuses de cet accompagnement ».

Une évaluation pour mesurer l’efficacité de cette expérimentation
Cette expérimentation, soutenue par l’ARS Hauts-de-France, le Conseil Départemental du Nord, la CAF du Nord et la ville de Lille, se déroule sur 3 années. « Trois ans, c’est par rapport aux 1000 premiers jours de la vie des enfants, là où tout se construit au niveau du développement », explique la directrice de la crèche. Si l’idée est bien entendu de donner suite à cette expérimentation, d’en faire « un modèle duplicable à l’échelle nationale », celle-ci doit faire ses preuves, car elle a un coût. « L’équipe thérapeutique évalue de façon régulière et standardisée l’efficacité scientifique de la prévention précoce sur le développement de l’enfant. Mais l’impact sociétal est également analysé afin de savoir dans quelle mesure cette prise en charge précoce permet d’éviter des coûts », précise Aglaé Gautier. Et poursuit : « Il faut des preuves pour convaincre les financeurs mais dans le même temps, on sent que la prévention précoce est sur le devant de la scène, que l’on répond à une volonté des pouvoirs publics. » En tout cas, les professionnels de terrain, eux, sont convaincus par ce dispositif. « A l’ouverture de la crèche, en mars dernier, nous avons accueilli trois enfants, qui sont depuis entrés en maternelle. Nous avons pu noter beaucoup d’évolution : dans les interactions avec les autres enfants notamment mais au niveau de la confiance en soi que les parents ont pu développer dans leurs fonctions parentales », s’enthousiasme Juliette Bouillon.

 
Article rédigé par : Caroline Feufeu
Publié le 10 septembre 2021
Mis à jour le 21 avril 2022