A Strasbourg, une crèche avec une forte mixité sociale et culturelle

La crèche Balthazar, gérée par Les Apprentis d’Auteuil, existe depuis 2010. Elle se situe à Strasbourg, dans le quartier Hautepierre, un quartier prioritaire de la ville, cosmopolite, où se croisent 57 nationalités. Le credo de cette structure de 41 places : « l’accueil inconditionnel », c’est-à-dire l’accueil de tous les enfants quelles que soient leurs difficultés. Mais aussi l’accueil de toutes les familles. Et pour répondre au mieux à leurs besoins, elle propose des horaires atypiques, diverses actions d’accompagnement à la parentalité et 4 places Avip.
27 nationalités différentes se côtoient à la crèche
Et qui bénéficie donc du bonus mixité sociale, à hauteur de 800 euros par place par an. « Environ la moitié des enfants sont à moins de 1 euro de l’heure, avec un revenu médian des parents inférieur à 2 000 euros pour le foyer. Et pour 25% d’entre eux, moins de 700 euros par mois. Quant à l’autre moitié, on est sur des revenus moyens voire hauts », indique Aude Le Mentec, directrice de la crèche Balthazar. Parmi les familles, environ 30-40% de mamans solos, à peu près autant de couples, et aussi des mamans qui ne se disent pas solos mais dont le compagnon est souvent absent. Au final, des typologies de familles très variées. 

Par ailleurs, actuellement 27 nationalités différentes se côtoient à la crèche. « On a un peu toute la carte de l’Afrique représentée. On a des enfants de Mauritanie, du Niger, Nigeria, Ghana, Cameroun, Tchad, Sénégal… mais aussi des pays de l’Est. Et on a aussi une grande mixité au niveau des couples », précise la directrice de la structure. 

Bref, un joli melting pot bénéfique pour tous, selon Aude Le Mentec : « Cette mixité apporte aux enfants la découverte de l’autre, des cultures, langues, coutumes différentes. Elle permet aux enfants de grandir et d’apprendre par mimétisme et offre une richesse, une approche sur la différence dès le plus jeune âge. Cette différence travaillée très tôt amène des enfants avec une plus grande ouverture d’esprit, nous en sommes convaincus à Balthazar ! ».

Le langage, un des grands challenges des professionnels
Entre des enfants qui parlent le français et d’autres pas, les professionnels doivent faire preuve d’adaptabilité. Ils utilisent les signes et tout ce qui va pouvoir mobiliser le langage pour accompagner au mieux les tout-petits dans l’apprentissage du français. Mais toutes les langues ont bien leur place à la crèche Balthazar car pour les professionnels, dans la mesure du possible, la langue maternelle doit être maintenue. Ce multilinguisme présent dans la structure est soutenu par diverses propositions. Ainsi, le personnel a été formé à DULALA (D’Une Langue A L’Autre), dans le cadre des Cités éducatives. L’objectif : créer des boîtes à histoires qui vont être raconté en français et dans une autre langue. Pendant ces séances, un parent peut être invité à participer.

D’autres situations complexes à gérer
A la crèche Balthazar, c’est l’accueil inconditionnel qui prime : tous les enfants sont accueillis. Un accueil personnalisé, qui peut être à temps plein ou quelques heures par jour, pendant les temps forts, pour ceux qui ont un retard de développement important. « A mon arrivée en 2018, j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup d’enfants avec un retard du développement qui n’étaient pas pris en charge et pour lesquels on n’avait pas d’accompagnement spécifique. J’ai souhaité travailler avec l’Apedi (Association de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) afin que des éducateurs interviennent dans la structure. Ils accompagnent les équipes dans le suivi des enfants avec des retards. Cela se fait avec les parents, c’est donc un partenariat à 3. L’idée est de préparer au mieux les enfants à l’entrée à l’école maternelle », explique Aude Le Mentec. En pratique, les professionnels de la petite enfance ont été formés par l’Apedi à cet accompagnement précoce. Et la PMI et les écoles maternelles sont aussi impliquées. Des tout-petits avec des retards de développement, qui sont dans leur dernière année de crèche, ont un temps d’inclusion (environ 2-3 heures en une fois ou plusieurs fois) en petite section, afin que la maîtresse les évalue via le GEVA-sco (« Guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation »). Un document qui permet de demander l’aide d’une AESH dès le début de la scolarisation si nécessaire. « Plus on fait cette démarche précocement, plus on est sûr que l’enfant bénéficiera d’une AHESH dès la rentrée. Cette année, nous avons fait 4-5 GEVA-sco », souligne Aude Le Mentec. Un travail collaboratif sans conteste bénéfique qui permet de préparer l’enfant, mais aussi le directeur ou la directrice de l’école et les professeurs des écoles. « Mieux il sera accueilli, plus ce sera facile pour lui », affirme la directrice de la crèche Balthazar. A noter qu’en 2022, la structure a accueilli 13 enfants avec des retards de développement (TSA, retard global, retard de langage…).

La crèche, grande ouverte aux parents
Noël, l’Aïd el-Adha, Holi (fête hindoue), barbecue des familles en juin… Toutes les occasions sont bonnes pour faire la fête à la crèche Balthazar et faire participer les parents. Mais les propositions vont plus loin. Depuis six mois maintenant, la structure organise une soirée de répit pour les mamans solos. « En septembre, en lien avec le centre social, il y avait un one man show sur la parentalité. On a proposé à un groupe de 9 mamans d’aller voir le spectacle et, pendant ce temps, des professionnels s’occupaient des enfants. Le mois suivant, elles ont souhaité refaire une soirée comme ça. Nous avons donc maintenu ce groupe et avons fait ensemble des jeux brise glace, pour que les mamans apprennent à se connaître, autour d’un repas. Des soirées qui se déroulent de 18h à 22h », explique Aude Le Mentec. Un rendez-vous très apprécié par ces mamans qui ont besoin d’avoir un peu de temps off, qui permet de nouer des liens et de développer éventuellement l’entraide entre elles. Et rendu possible grâce à l’équipe. Bénévolement et à tour de rôle, les professionnels se proposent pour prendre soin des enfants pendant que les mamans se retrouvent entre elles.

Autre action : « la papoterie ». Tous les premiers vendredis du mois, de 8h30 à 10h, un temps d’échanges sous forme de petit déjeuner est prévu entre les parents. Le psychologue de la crèche intervient parfois de même que les professionnels de la petite enfance.

Pendant les vacances, des ateliers parents-enfants sont aussi programmés, de même que des ateliers qui ne concernent que les parents (massage bébé, portage…). Et puis, de temps en temps, les familles bénéficient de réunions d’information sur une thématique précise (alimentation infantile…).

« C’est une vraie volonté de notre part d’inclure au maximum les parents, d’ailleurs, l’accompagnement à la parentalité fait partie de notre feuille de route, avec l’accueil inconditionnel et la qualité de prise en charge des enfants avec un retard de développement. Plus ils savent comment fonctionne la crèche, plus on communique avec eux, plus l’accueil de leur enfant sera facilité, et mieux cela se passera », assure Aude Le Mentec.

Des professionnels motivés et formés
Rien de tout cela ne serait possible sans les professionnels de la crèche. Sur le terrain, une quinzaine de personnes. « Ce travail au quotidien n’est pas forcément évident. Il nécessite une formation accrue des professionnels et puis surtout une envie. Quand je recrute une professionnelle, je m’assure qu’elle est dans cet esprit là, sinon cela ne fonctionnera pas », explique la directrice de la crèche. Et de préciser : « J’essaie d’être à cheval sur leurs horaires, mais une professionnelle qui ne va pas vouloir déborder de 10 minutes le temps que sa collègue fasse le relai pour le confort de l’enfant ou peu souple dans sa qualité d’accueil par rapport aux familles et dans la prise en charge du tout-petit, cela ne va pas être possible. Nous sommes dans la bienveillance et l’encouragement des parents. Nous travaillons donc beaucoup sur la posture. »
Une équipe régulièrement formée donc et qui a pu notamment bénéficier d’une formation sur la précarité. « Il peut y avoir des a priori, des questionnements : « pourquoi l’enfant est là alors que le parent ne travaille pas ? » Une question que je n’entends pas ici. Tout parent a le droit de bénéficier d’une place d’accueil. Nous ne sommes pas qu’un mode de garde. Nous sommes bien plus », insiste Aude Le Mentec.
Outre DULALA, certains professionnels ont notamment suivi une formation sur l’impact de la pauvreté sur les pratiques de parentalité ou encore à l’accompagnement avec l’Apedi. « Nous avons une convention avec l’Apedi, souligne Aude Le Mentec. Pendant 3 mois, deux auxiliaires de puériculture sont venues une journée par semaine à la crèche pour permettre un détachement des pros en section pour travailler l’accompagnement des enfants avec un retard du développement. Et puis, tous les mois, les pros de la crèche ont une à deux heures de détachement pour s’informer, préparer des activités, s’enrichir sur le domaine de la petite enfance. On met aussi à leur disposition des livres que nous empruntons à la bibliothèque ». 

De fait, les professionnels ont acquis une certaine expertise dans le développement de l’enfant. « Les enfants pour lesquels on a eu des questionnements, cela s’est avéré juste et cela a permis une prise en charge précoce », indique-t-elle.

4 places Avip
A Strabsourg, une quarantaine de places sont réservées aux enfants des parents en recherche active d’emploi, cela concerne une dizaine de crèches. Balthazar dispose pour sa part de 4 places Avip, qui bénéficient le plus souvent à des mamans. « Un contrat tripartite qui dure 6 mois, renouvelable 1 fois et, si c’est concluant, nous accueillons de façon pérenne l’enfant. Cela libère la place Avip et nous permet donc d’accueillir un autre enfant », précise Aude Le Mentec. Et de beaux exemples de retours à l’emploi, elle en a plusieurs, comme une maman qui a réussi à obtenir son diplôme d’ambulancière, a refait sa vie, et a confié le bébé qu’elle a eu par la suite à la crèche Balthazar ou encore celle qui a pu réaliser son souhait de devenir auxiliaire de vie. « Mais, nuance Aude Le Mentec, parfois le retour à l’emploi ne va pas suffire à ce que la maman rebondisse, notamment quand la situation familiale est très complexe. Cela peut donc prendre plus de temps, 2 ou 3 ans. Finalement, un an pour la place Avip, c’est parfois trop court. »
 
Article rédigé par : Caroline Feufeu
Publié le 07 mars 2023
Mis à jour le 07 avril 2023