Les Souriceaux : une crèche bien-traitante et ouverte au monde

Les Souriceaux, à Villeneuve d’Ascq, était une petite crèche associative de 25 berceaux sans histoires. Tranquille. Elle ronronnait même un peu. C’était sans compter avec son nouveau directeur, un jeune homme de 33 ans plein d’entrain, d’envie et d’enthousiasme. Cet ancien étudiant en engénerie électrique, devenu EJE a initié de jolis projets aux Souriceaux. Et entraîne avec lui l’équipe, les parents et même les pros aux alentours.
Jérôme Dumortier a eu un parcours peu banal. Et cela explique en partie sa façon d’exercer ses fonctions et les ambitions qu’il nourrit pour sa crèche et la petite enfance en général. Titulaire d’un DUT électronique « pour faire comme les copains », il rentre grâce à son bac +2 directement en 3ème année de Sciences de l’éducation à la fac. Il faut dire qu’il avait un passé d’animateur et de directeur de colo. Mais cette année de licence (qu'il valide) est pour lui une solution d’attente. Ce qu’il veut être c’est éducateur de jeunes enfants.
Pendant sa formation commencée en 2007, il fait des stages en crèches, en foyer et dans un service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD). « Fort de cette expérience, je me suis promis qu’en début de carrière je travaillerai dans les trois types de structure ». Ce qu’il fait.

Les fermetures-ménages se transforment en journées pédagogiques
Après un an en foyer de l’enfance, il arrive tout jeune EJE aux Souriceaux à l’été 2011. Il est bien sûr le seul homme. Mais aussi le seul EJE. Les Souriceaux, à cette époque « est un mode de garde assez conventionnel, sans projet pédagogique et avec une équipe en poste depuis longtemps » dit-il. Et de poursuivre : « Quand je suis arrivé, j’ai observé et essayé de comprendre l'histoire de la structure. A l’époque la crèche fermait deux journées par an pour du grand ménage. Je les ai transformées en journées pédagogiques. La directrice m’a laissé carte blanche pour les organiser. Et on a commencé à réfléchir sur nos pratiques ».
Il met en place une réunion d’équipe par mois. L’occasion de travailler sur les attitudes professionnelles à avoir, sur la façon d’être dans la relation plutôt que dans le faire pour faire. « On a ritualisé la journée, travaillé sur l’accueil, le temps des repas… » se souvient Jérôme Dumortier. Aujourd'hui les réunions d'équipes sont devenues une habitude aux Souriceaux. L'hedbomadaire est restée, mais en plus Jérôme Dumortier a tenu à initier un rituel quotidien de 10 minutes tous les midis.

La bien-traitance au cœur du projet éducatif
En 2013, fidèle à ce qu’il souhaitait, il demande un temps partiel pour pouvoir exercer 14 heures au SESSAD de Lille après de jeunes enfants porteurs de trisomie 21. Mais quelques mois après, la directrice des Souriceaux part en congé de maternité et on lui confie l’intérim de la direction. C’est durant cet intérim que l’impensable, l’inadmissible se produit : une professionnelle donne une fessée à un enfant. Gros remous dans et hors la crèche. « A juste titre » précise Jérôme Dumortier.
La professionnelle concernée, vu les circonstances, est mise à pied, et finalement licenciée pour faute grave. L’équipe, traumatisée prend conscience d’un certain nombre de choses. Et il est décidé de bâtir un projet éducatif fort autour de la bien-traitance.

Les pros des Souriceaux ont donc mis par écrit ce qu’est la bien-traitance envers les enfants et les professionnels. « Avec une idée forte : accompagner l’enfant comme on aurait aimé l’être lorsqu’on était soi même enfant » résume son directeur. Car Jerôme Dumortier est désormais le directeur de plein droit et à temps plein de la crèche. Toute l’équipe, en partie renouvelée, s’est soudée autour de ce projet. Elle réfléchit et s’interroge sur tout ce qui est bien-traitant pour l’enfant dans la vie quotidienne : adaptation, repas, siestes, etc. Tout est défini et établi dans la plus grande transparence pour que les parents aussi soient impliqués. « On dit tout, on explique tout » résume encore Jérôme Dumortier. Dans la même dynamique, la crèche se mobilise depuis maintenant 5 ans pour la journée de la non-violence éduactive. « On ferme la crèche et on sensibilise le public sur cette thématique » explique le directeur. 

La crèche a un blog « Les Souriceaux » consultable par tous. On y parle de tous les projets et événements car la crèche se veut un lieu ouvert, d’échanges et de partages.

Des séances de ciné et un apéro pour les pros !
L’association « Les Souriceaux » a permis à la crèche de se faire connaître dans le monde la Petite Enfance. Et elle le mérite bien ! Car elle se donne du mal pour organiser des rendez-vous , créer du lien avec les parents bien sûr mais pas seulement. Il y a des ateliers-rencontres avec les parents. Classiques. Il y a les jeudis du partage. Beaucoup plus innovants. Il s’agit de petites séances de cinéma organisées au sein de la crèche. C’est limité à 50 personnes et le film projeté - en général sur le thème de l’enfance ou de l’éducation - est suivi d’un débat avec le public. Les spectateurs invités ne sont pas que des parents de la crèche. « C’est ouvert à tout le monde », précise Jérôme Dumortier. Et plutôt fier, il poursuit : « nous avons programmé « L’ Odyssée de l’Empathie » de Michel Meignant, « Amours et chatiements » par exemple. Et surtout tient-il à ajouter pour les personnes intimidées par une prise de parole en public, la séance se clôture par un pot  convivial pour que ceux qui sont plus à l’aise en petit comité puissent s’exprimer ». Ces jeudis du partage sont organisés tous les deux mois et connaissent un vif succès. « Depuis ce projet, l’ambiance est profondément modifiée à la crèche. Les relations sont différentes. Les parents rentrent dans la crèche. C’est bien, c’est mieux pour les enfants, l’équipe et les parents » se réjouit l’instigateur de ces changements.

Enfin, Jérôme Dumortier a initié, en 2016, « l’apéro des pros ». L'idée c'est de réunir tous les professionnels de la petite enfance de l’agglomération lilloise, pour parler boulot sans façon. Un thème précis est mis en place de 19h à 20h, juste avant des échanges spontanés sur leur vécu professionnel. Tous les derniers vendredis du mois, selon le principe de l’auberge espagnole, dans les locaux de la crèche c’est donc « l’apéro des pros ». Dans le même veine, Jérôme Dumortier a lancé « le barbec' des pros » pour les mois estivaux de juillet et août. 

2019 : cette année, la crèche fête ses 25 ans, l'occasion de faire peau neuve. « On a décidé de changer de logo et la vitrine de la crèche » explique Jérôme Dumortier. Cet anniversaire sera célébré de manière conviviale - à l'image de la crèche -, avec des discours, bien-sûr mais aussi des ateliers, un film et un gros gâteau ! Voilà comment en moins de 8 ans, une petite crèche un peu endormie, et enfermée dans une confortable routine, est sortie de sa coquille. Pour le bonheur et le bien-être de tous.
Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 24 mai 2016
Mis à jour le 17 mars 2018