Responsables d’établissement, encore au cœur de la tourmente. Par Géraldine Chapurlat

Juriste

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Alors que le guide début juin, modifié le 22 juin 2020 a permis des assouplissements notables dans le fonctionnement des EAJE, chaque professionnel de la petite enfance serait bien tenté de vivre cette phase comme un retour à la normale. Si l’on comprend que ces assouplissements sont dictés par l’évolution des connaissances scientifiques sur le Covid-19 et sur le rôle des enfants dans la diffusion du virus, cette troisième phase, logique et attendue, est malgré tout difficile à digérer tant pour les équipes que pour les directions.

S’adapter à ces évolutions successives est épuisant, nul ne le conteste, mais il va de la responsabilité des directrices. teurs d’EAJE de prendre acte de cette nouvelle version du protocole pour adapter le fonctionnement de l’établissement au contexte sanitaire de la pandémie tel qu’il existe à la mi-juin. S’il s’agit avant tout d’accompagner les équipes à la digestion de ces évolutions successives, le rôle de la direction ne s’arrête pas à ce stade : chaque responsable d’EAJE doit aussi prendre le temps de la formalisation écrite des adaptations au fonctionnement de son établissement requises par la dernière version du guide. J’insistais déjà dans ma dernière chronique rédigée au moment du déconfinement sur le fait que ces écrits constituent des garanties, tant vis-à-vis des familles que des professionnels qui participent à l’accueil.

La mise en place des règles spécifiques d’accueil du public au contexte de pandémie appartient à la direction de la structure : si les parents et personnes extérieures sont de nouveau accueillis au sein de la structure, ils ne le sont pas à n’importe quelles conditions. Formaliser par écrit ces règles permet d’un simple point de vue pratique de permettre la diffusion de l’information, mais aussi de rapporter la preuve que ces règles ont été mises en œuvre. Si les règles de priorisation de l’accueil ne sont plus en vigueur, beaucoup d’établissement ne sont pas encore en mesure d’accueillir les enfants conformément à ce qui avait été contractualisé avec les familles.
Pour les établissements dont les modalités d’accueil ne sont pas encore revenues à la normale, il est impératif qu’un écrit prenne acte de ces changements pour être opposable aux familles. L’avenant au règlement de fonctionnement formalisera les critères selon lesquels les heures sont attribuées aux familles en cette période encore particulière.

Il parait aussi incontournable d’informer les familles par écrit de la conduite à tenir en cas d’apparition de symptômes de la Covid-19. Le guide insiste sur le fait que les parents devront être « sensibilisés au rôle essentiel qu’ils sont appelés à jouer pour maintenir l’épidémie sous contrôle ».  Ce ne sera pas dans l’urgence que le gestionnaire mobilisera rapidement les familles pour briser la chaine des contaminations. Il parait donc essentiel qu’un avenant au règlement de fonctionnement reprenant l’ensemble des adaptations au contexte sanitaire actuel soit rédigé et communiqué aux familles.

Vis-à-vis de ses équipes, il appartient à la direction de faire le bilan de la 1ere phase de fonctionnement suite au déconfinement. Le repérage des symptômes de Covid s’est, sans surprise révélé très complexe : les familles ont du mal à comprendre qu’une fièvre vraisemblablement en lien avec une poussée dentaire puisse nécessiter de consulter leur médecin traitant. Médecin traitant à qui il appartiendra la responsabilité de soumettre ou non l’enfant à un dépistage susceptible d’être douloureux et traumatisant. Il parait donc essentiel, en lien avec le référent Covid et les professionnels de santé de faire le point avec l’équipe sur la manière dont l’établissement a géré les cas suspects et les enseignements qu’il en tire. Le guide précise bien que le gestionnaire doive former son équipe au repérage précoce des cas de Covid 19.  Cette réflexion s’inscrit d’ailleurs dans la durée dans la perspective d’une seconde vague épidémique.

Enfin, si l’on veut balayer  l’ensemble des sujets qui doivent faire l’objet d’une formalisation écrite, il faut évaluer les risques encourus sur le lieu de travail vis-à-vis de l’ensemble de  l’équipe pluridisciplinaire et déterminer les mesures de prévention les plus pertinentes : le gestionnaire doit faire évoluer le Document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) pour prendre en considération le risque de contamination, il doit en parallèle faire évoluer son règlement intérieur. La méconnaissance de ces obligations en matière de prévention des risques professionnels serait susceptible d’être analysée comme une faute inexcusable si l’employeur n’est pas en mesure de démontrer qu’il a pris les mesures nécessaires pour préserver ses salariés.

Si je ne doute pas que la plupart des directrices.teurs  d’EAJE ont accompagné leurs équipes et les familles pour adapter le projet d’accueil aux nouvelles préconisations ministérielles, je les engage à prendre aussi à prendre acte de ces évolutions par écrit. Si je comprends leur lassitude à faire évoluer une nouvelle fois leurs écrits alors qu’elles sont aussi mobilisées sur de multiples taches en lien plus direct avec l’accueil des enfants, il me parait vraiment essentiel que des écrits prennent acte de l’adaptation du fonctionnement de l’établissement. Cette tâche ne doit pas être vécue comme une tâche administrative décalée de la vie réelle de l’établissement : écrire, faire évoluer des documents, c’est créer des outils ressources qui permettront de transmettre des informations auprès des équipes et des familles, de prendre acte des adaptations du fonctionnement de la structure aux impératifs sanitaires et d’assumer les responsabilités qui sont déléguées au responsable d’établissement.
 
Article rédigé par : Géraldine Chapurlat
Publié le 29 juin 2020
Mis à jour le 29 juin 2020