C’est un fait. Les enfants doivent être protégés du soleil, encore plus que les adultes. Leur épiderme immature les rend particulièrement sensibles aux rayons et les expose fortement, en cas de brûlures, aux risques de développer un cancer de la peau en grandissant. Mais faut-il pour autant les badigeonner de crèmes solaires les yeux fermés ? C’est à cette question que Wecf France (Women engage for a common future) et Agir pour l’Environnement ont voulu répondre en se lançant dans une vaste enquête entre mars et mai dernier.
71 produits testés
Les deux associations se sont procurées 71 produits solaires regroupant la plupart des marques vendues en grandes surfaces, pharmacies et parapharmacies et dans les circuits bio. Elles se sont attelées ensuite au décryptage des étiquettes et au recensement, dans la liste des ingrédients, « des substances problématiques en se référant aux données les plus récentes de la littérature scientifique : perturbateurs endocriniens, nanoparticules ou allergènes, en particulier ».
En outre, elles ont vérifié que les marques respectaient l’obligation d’information sur la présence de nanoparticules, le cas échéant, dans leurs fabrications. Pour cela, elles annoncent avoir fait analyser en laboratoire (au LNE) « 3 produits, un de chacun des trois circuits de vente, qui n’indiquaient pas sur l’emballage la présence de nanoparticules. »
71 produits « problématiques »
Les conclusions des tests sont effarantes. Les deux associations affirment que :
- « Dans les 71 produits solaires pour enfants, 29 substances problématiques, plus ou moins préoccupantes ont été relevées et classées en ROUGE pour extrêmement préoccupantes, ORANGE pour très préoccupantes et JAUNE pour préoccupantes. 5 substances sont des perturbateurs endocriniens extrêmement préoccupants.
- Aucun des 71 produits n’est exempt de substances plus ou moins préoccupantes.
- 9 produits contiennent un cocktail d’au moins 10 substances problématiques.
- Les 3 produits analysés en laboratoire contiennent bien des nanoparticules alors qu’ils ne l’indiquent pas sur l’emballage, ils sont donc en infraction avec la réglementation sur les cosmétiques.
- 7 substances classées extrêmement préoccupantes sont reconnues pour leurs effets néfastes pour le milieu aquatique. »
Question légitime du « bénéfice-risque »
Face à ces constats accablants, Wecf France et Agir pour l’Environnement demandent notamment, dans un communiqué de presse, la saisine de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) pour « évaluer le rapport bénéfices / risques des produits solaires pour enfants. Bénéfices comme protection des effets néfastes du soleil sur la peau, risques engendrés par la présence de substances chimiques problématiques. »
Elles réclament également : « l’interdiction des substances extrêmement préoccupantes classées en rouge » et « une action forte de la France pour protéger la santé des enfants face aux perturbateurs endocriniens par l’interdiction de toutes ces substances dans les produits qui leur sont destinés. » Dans leur rapport d’enquête complet, les deux associations soulignent que : « Les jeunes enfants sont particulièrement vulnérables face aux risques d’exposition à ces substances chimiques préoccupantes présentes dans les produits du quotidien. Au cours de cette période critique, des expositions répétées à ces composés, y compris à de faibles doses, peuvent augmenter les risques de maladies chroniques à court, moyen ou long terme. Leur peau encore très fine rend les enfants plus sensibles à une exposition cutanée. C’est pourquoi il est important de protéger leur santé en supprimant ou remplaçant les substances reconnues ou suspectées d’effets préoccupants dans les produits qui leur sont destinés"
Les ONG appellent aussi à « une action rapide de la Commission européenne pour réglementer les 28 perturbateurs endocriniens avérés ou suspectés utilisés en cosmétique et identifiés par elle comme prioritaires ». Ainsi qu’à « une action dissuasive des autorités compétentes (DGCCRF et ANSM) pour obliger les fabricants à respecter la réglementation sur les cosmétiques par l’affichage de la présence de nanoparticules ».
Mise en péril de l’environnement
Par ailleurs, Wecf France et Agir pour l’Environnement rappellent à quel point les crèmes solaires et autres sprays sont un fléau pour la nature et qu’aucun produit « biodégradable sans impact sur l’environnement » n’existe à ce jour : « d’une façon ou d’une autre, un produit solaire se retrouve dans les océans, directement lors de la baignade en mer ou indirectement via les eaux usées ». Ainsi, 10% du corail mondial serait directement menacé par les produits solaires. Et certains filtres UV auraient un effet toxique sur la croissance de la flore marine ou perturberaient la reproduction ou le comportement des poissons.
Conseils pratiques
En attendant que les autorités et les fabricants se saisissent réellement du problème, Wecf France et Agir pour l’Environnement conseillent de protéger les plus jeunes du soleil par des vêtements couvrants, des lunettes de qualité, un chapeau, et en évitant l’exposition aux heures les plus chaudes. Elles attirent d’ailleurs l’attention sur les recommandations de l’OMS qui ne place, elle-même, le recours aux crèmes solaires qu’en dernière position. Et si, vraiment, il n’est pas possible de faire autrement, les associations invitent à avoir « un regard critique » sur la composition des produits, en évitant ceux contenant des ingrédients classés rouges (extrêmement préoccupants) par leur enquête pour privilégier « ceux qui ont le moins d’ingrédients problématiques ».
Tout en recommandant, à l’instar des dermatologues, l’application d’une crème indice 50 minimum, à renouveler toutes les deux heures, les deux ONG alertent enfin sur les « allégations trompeuses ou fantaisistes parfois présentes sur les emballages telles que « protège l’environnement » ou encore « spray multi-positions » ou « formule anti-tâches » « trois fois plus résistant à l’eau » ou « formulé sous contrôle médical » ! ». Car accepter qu’un produit solaire puisse laisser une trace blanche sur la peau est « à priori gage de l’absence de nanoparticules ».
Retrouver l’Enquête complète et les produits à éviter
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