Rapport conciliation vie pro/vie perso : des propositions fortes pour la petite enfance et l’accès aux modes d’accueil

Ce matin, mercredi 6 octobre, dans le cadre de la Conférence des familles, Julien Damon et Christel Heydemann, ont remis leur rapport « renforcer le modèle français de conciliation entre vie des enfants, vie des parents, vie des entreprises ». Le rapport que pas moins de quatre ministres* leur avaient commandé sur « la conciliation des temps professionnel et familial des parents » en avril dernier. Bref la conciliation vie pro/vie perso !

Un rapport audacieux et ambitieux
Le rapport se veut efficace et ambitieux et va jusqu’à proposer des réformes structurelles et même une « révision de la gouvernance » des services pour la petite enfance.
Et, dès le départ, annonce la couleur : « des chantiers s’ouvrent pour les prochains mois comme les prochaines années : simplicité de l’offre de services ; adaptabilité des politiques de conciliation ; prévisibilité des étapes des 1000 premiers jours de l’enfant ; liberté de choix des parents ; exemplarité des décideurs. »
Et un maître mot tout au long de l’analyse et des propositions : simplification des démarches et dispositifs, clarification des informations. Au total 45 propositions classées dans 5 grands chapitres. Progresser par l’exemplarité ; Renforcer et réorganiser l’offre de services, reformater la PreParE ; Unifier les congés familiaux ; Impliquer et appuyer davantage les entreprises et partenaires sociaux.
Avec quelques idées audacieuses comme l’instauration d’une assurance parentale contractée dans l’entreprise par les parents et futurs parents qui pourraient leur permettre de lever le pied durant la première année de leurs enfants.
Et d’autres plus classiques et attendues comme l’extension du crédit d’impôt aux indépendants (CIFAM).


La petite enfance en tant que telle est très présente dans ce rapport : dans les constats, les analyses et les propositions.  (La petite enfance, une priorité de la politique familiale ; Pour la petite enfance : une offre croissante mais toujours insuffisante.)
Au chapitre « renforcer et réorganiser l’offre de service », les auteurs du rapport font plus d’une vingtaine de propositions. Dont certaines sont attendues  et d’autres beaucoup plus originales voire audacieuses. Nous en avons retenu quelques-unes. (La liste des 45 propositions sont à consulter et télécharger ci-dessous.)

Séquencer l’accueil du jeune enfant en 3 âges/3 temps (proposition 5)
Le rapport propose de mieux structurer l’accueil du jeune enfant et de le séquencer en 3 tranches d’âge : 0-1, 1-2, 2-3 ans.
• Moins d’un an : il s’agit de favoriser le congé parental dans les premiers mois et donc « de se concentrer sur l’indemnisation du congé parental ». L’idée ? Réduire sa durée (en tout cas la durée de l’indemnisation : 6 mois par parent) mais mieux l’indemniser (que cette indemnisation soit proportionnelle au salaire précédent. cf proposition18).
•1-2 ans : il faut là se concentrer sur « le déploiement des modes de garde ». « L’offre de services, dans les équipements collectifs (EAJE) mais aussi dans le secteur des assistants maternels, mérite des efforts financiers et de gouvernance, de manière à ce que toutes les demandes puissent entre valablement satisfaites », notent les auteurs.  
• 2-3 ans : l’offre doit se structurer pour « permettre un passage progressif à l’école maternelle ». Les auteurs proposent la fusion des jardins d’enfants, jardins d’éveil et classes passerelles pour 2024.
Les auteurs justifient leur choix qui, selon eux, répondent au mieux à la fois aux besoins des enfants, de leurs parents mais aussi des entreprises. (En libérant potentiellement les salariés de leur inquiétudes). Et ajoutent : « Cette structuration en trois tranches d’âge se légitime d’autant plus que pour les enfants entre 3 et 6 ans, l’école maternelle s’organise bien en trois étapes distinctes : petite, moyenne et grande sections ».
Mais les auteurs précisent aussi : «  Ce schéma à trois temps ne vaut pas pour un parcours obligé mais pour un libre choix raisonné. À chacun de ces trois temps, les paramètres devront être précisés. Si la PreParE doit être recentrée et mieux rémunérée, ce recentrage ne doit pas impliquer une obligation pour les parents à se mettre en congé́ la première année. »

Construire un droit opposable à un mode d’accueil (proposition 6)
Le projet proposé : « un système volontariste de garantie pour les parents, qu’il soit baptisé droit opposable à un mode de garde ou service public de la petite enfance. ». En clair : « aller vers la garantie d’un service homogène, avec des niveaux de qualité définis, et une gouvernance optimisée ».
Et là encore le rapport apporte quelques utiles précisons : « un système de droit opposable englobe secteur public et secteur privé, comme c’est d’ailleurs bien le cas dans tout le domaine médico-social. (…). Le projet, en tout cas, n’est en rien de nationaliser et fonctionnariser les salariés des crèches associatives et marchandes, encore moins les assistants maternels. (…) Le droit opposable à un mode de garde nécessite une offre publique ou conventionnée suffisante. Quand elle est encore insuffisante, une indemnisation des parents se met en place ».

Revaloriser les métiers de la petite enfance (proposition 8)
Les auteurs s’étonnent : « Il est tout de même étrange de faire de la petite enfance une priorité et de ne pas trouver de professionnels, dans un secteur avec des besoins de recrutement et de formation ». Ils notent : « Des décisions récentes vont dans le sens d’un soutien à l’attractivité de ces professions, comme la constitution d’un comité de filière des métiers de la petite enfance. ». Et proposent : « Pour l’avenir, une orientation consiste à mobiliser les régions, les IRTS et les IFAP dans une campagne nationale de communication, déclinable et adaptable régionalement, sur les métiers de la petite enfance. ». Puis complètent : « Au-delà de cet aspect communication, revaloriser les métiers du secteur passe aussi par une levée des freins - y compris financiers - auxquels sont confrontés les professionnels notamment en matière de logement via des aides ciblées type aides à la mobilité pour les professionnels des EAJE pour l’accueil collectif ou aides à l’aménagement du logement des assistantes maternelles pour l’accueil individuel ».

Revoir le modèle des crèches AVIP, avec un soutien accru de Pôle Emploi. (Proposition 10)
« Le modèle de ces crèches AVIP mérite d’être révisé. D’abord par la poursuite de l’allègement des critères, déjà engagé, et avec une diminution du reste à charge pour les gestionnaires. Ensuite avec un financement de Pôle emploi qui pourrait relever à la fois des investissements et du fonctionnement, en complément donc des dépenses CAF. Enfin, le programme pourrait ne plus fonctionner uniquement établissement par établissement, mais sur une logique territoriale mobilisant collectivement plusieurs crèches ».

Intégrer le sujet petite enfance dans les opérations d’aménagement (proposition 12)
« Toute opération d’aménagement urbain d’envergure devrait s’accompagner systématiquement de projets de service en matière de petite enfance (avec des soutiens à l’investissement). Un fléchage des financements CAF pourrait y contribuer ».
Voilà donc un rapport d’une soixantaine de pages qui se veut délibérément prospectif. Sans renier les acquis et les atouts des politique familiales françaises et des dispositifs pour faciliter la conciliation des vies familiales et professionnels, ce rapport va de l’avant et ose des propositions. Sont-elles toutes réalistes ? Pas sûr. En revanche, elles s’inscrivent volontairement dans une dynamique qui veut faire bouger les choses et qui met tout le monde à contribution : collectivités territoriales, entreprises et Etat. Bref, c’est un rapport qui prépare l’avenir.

*Élisabeth Borne, Olivier Véran, Amélie de Montachalin et Adrien Taquet

Voir la liste des 45 propositions ci-dessous

Consulter l’intégralité du rapport ci-dessous



 
Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 05 octobre 2021
Mis à jour le 13 janvier 2023