Repenser l’extérieur des structures d'accueil en s’inspirant de la nature

Sauter, courir, jouer... Bien sûr les aires de jeu extérieures sont là pour ça. Selon Marina Lemarié, spécialiste des aménagements petite enfance, quand on est dehors on peut aussi ne rien faire ou juste se reconnecter avec la nature. Une « pause plaisir » pour les enfants comme les professionnels.

Rompre avec la lassitude pour retrouver l'enthousiasme

L’extérieur ne doit-il être synonyme que de motricité ? « Allez ! Vous pouvez jouer dehors », « Et bien ? Allez jouer, les motos sont sorties ! » Les enfants ne sortent-ils que pour courir, sauter, grimper ? Si la cour n’offre que cette possibilité, effectivement la plupart des enfants vont s’emparer de la structure de motricité et des bolides qui occupent la cour. Sauf que sur le nombre d’enfants et sur la durée, la vacuité existe ou apparaît.


En tant que professionnels, nous nous retrouvons vite à court d’idées parce que sortir les enfants, c’est aussi s’autoriser un temps de répit légitime où seule la surveillance sera notre mission. Une bouffée d’air qui nous permet de sortir du quotidien du dedans, un sas entre activité ludique et le déjeuner ou après la sieste et avant le goûter, ou encore en attendant que les parents arrivent. Parfois une certaine lassitude s’installe. Les enfants s’ennuient vite et les professionnels peinent à trouver comment les occuper. Envolés l’enthousiasme et l’excitation du « être dehors » ?


Sols souples aux surfaces caoutchoutées, structures de motricité et bolides à gogo pour que les enfants se défoulent dans la plus grande sécurité : ces aires de jeux artificielles oublient de piquer leur curiositéet de solliciter leur imagination. Ce qui est vrai dans l’aménagement intérieur des zones de jeu n’existe plus dans le jardin. Alors que l’environnement extérieur est lui aussi source d’exploration, d’expériences à faire et à refaire. Les aires de jeu auraient tout à y gagner en devenant captivantes.

Répondre au besoin de connexion avec la nature des enfants

Détrompons-nous, les jeunes enfants ont autant besoin de manipuler, de transvaser, de remplir, de vider, de contempler, d’observer, de faire comme si, de se poser, que de motricité. Edward O. Wilson, biologiste à la réputation mondiale, avance l'idée que les humains ont une tendance innée à se chercher des liens avec la nature et avec d'autres formes de vie. Ce besoin d’être connecté à la nature est là pour nous aider à nous sentir mieux, en équilibre, à faire preuve de créativité pour s’adapter à de nouvelles situations, à développer de nouvelles capacités physiques et cognitives.
Donner la possibilité à l’enfant de vivre à l’extérieur, en crèche, c’est être attentif à son besoin de connexion à la nature qui lui apporte des réponses sur les lois physiques, sur ses possibilités d’agir librement de façon autonome et avec plaisir.

Il s’agit donc de créer des aires de jeu qui vivent, avec de la pelouse naturelle pour se rouler dessus ou s’y asseoir, des petits dénivelés pour comprendre les reliefs, de la terre ou du sable pour creuser, des fleurs à renifler, des arbres pour observer une fourmi qui s’est lancée dans l’ascension du tronc, des feuilles qui tombent à l’automne, de l’eau pour avoir le plaisir de marcher dans une flaque avec ses bottes…

Aménager des zones de jeu pour l'extérieur
Les professionnels peuvent créer, comme à l’intérieur, des zones spécialement aménager pour favoriser les scénarios de jeu. Des petites voitures qui auront un circuit tracé sur le sol, des animaux en plastiques qui se déplaceront dans l’herbe, le gâteau d’anniversaire en sable qui aura pour bougies des brindilles... Ou encore l'installation de rondins de bois pour y découvrir les petites bêtes qui s’y cachent ou en font leur maison, et ainsi offrir à l’enfant la possibilité de découvrir la vie des insectes.
C’est aussi permettre à la nature de trouver sa place dans les aires de jeu. Par exemple utiliser des bacs à jardiner qui pourront aussi être détournés en bacs à sable, à feuilles ou en tractopelles qui poussent la terre ou à feuilles. L’enfant aura ainsi accès aux éléments naturels.

Les enfants comme les adultes peuvent s’installer par terre, sur une natte de plage, une couverture, un pouf, dans un hamac, à l’ombre d’un arbre ou à défaut à l’ombre des murs de la crèche… En prenant soin d’y créer un espace qui appelle à la détente par un carillon à la tonalité douce par exemple et un bac à fleurs à proximité. Cela leur permet de se laisser aller, de prendre le temps de vivre le moment présent.

Il ne faut pas avoir peur de bousculer les pratiques, en réinventant l’extérieur dans l’intérêt de l’enfant et dans le sien. C’est savoir conjuguer extérieur et plaisir de jouer, d’être ensemble, de partager, de se couper du quotidien pour faire comme si le temps avait marqué une pause.

Article rédigé par : Marina Lemarié, formatrice et consultante
Publié le 24 avril 2018
Mis à jour le 10 juin 2023