Mille jours d’émerveillement

De la naissance à 3 ans

Charles Fernyhough
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Couverture Mille jours d
C’est à un voyage merveilleux que nous convie Charles Fernyhough : celui de la construction pas-à-pas d’une petite personne humaine. L’originalité de son ouvrage tient dans le double regard qu’il pose sur cette aventure : à la fois celui d’un père et celui d’un psychologue spécialiste du cerveau. Il s’est en effet penché sur l’évolution de sa propre fille, Athena, de l’utérus jusqu’à ses trois ans. Il livre un récit narratif mêlant avec talent, émotion et humour, le témoignage intime et l’analyse savante. 

Et le psychologue va encore plus loin : au-delà de son expérience de père et de ses connaissances théoriques sur les étapes de développement du cerveau d’un bébé, il entreprend de deviner ce qui se passe dans la tête même de sa fille. Dans le préambule, il explique ainsi sa démarche : « A chaque nouvelle étape du développement d’Athena, j’avais réfléchi à la manière dont les théories que j’avais étudiées correspondaient aux réalités dont j’étais le témoin. Mais je m’étais aussi constamment interrogé sur l’autre versant, subjectif, de l’histoire objective. Je voulais comprendre ce que c’était qu’habiter un esprit qui se renouvelait tous les jours, et dont la compréhension de soi changeait si rapidement (…) ». 

Ainsi, en devenant parent « avec un accès privilégié à l’esprit d’un jeune enfant », l’auteur se fixe le défi d’essayer de répondre à des questions aussi palpitantes que :  A quoi cela peut-il ressembler d’être « un nouveau-né, un tout-petit à la porte du langage, un bambin farouchement désireux de tout faire tout seul ? ». Ou encore : « Que comprennent les jeunes enfants de leur propre conscience, de leur capacité à être présents au centre de ces expériences hautes en couleur et chaotiques ? Comment faire sens de soi-même, avec un moi dépourvu de continuité dans le temps ? » Et on le suit avec bonheur à travers ses observations, ses réflexions et ses tentatives d’infiltrer le vécu de sa fille.

Qu’en pense l’intéressée ? En voudra-t-elle plus tard à son père de l’avoir ainsi prise pour sujet d’étude ? Rougira-t-elle de ses cabrioles de bébé ? L’auteur devrait-il l’anonymiser ?  En la voyant grandir et acquérir son autonomie, il lui fait part de ses scrupules. Avant d’envoyer son manuscrit, il lui demande son approbation. Même si, désormais âgée de 3 ans, sa fille est encore bien jeune pour mesurer l’enjeu d’une telle décision, elle n’a pas sa langue dans sa poche et semble curieuse de pouvoir déchiffrer un jour l’ouvrage de son père qui parle d’elle. 

Charles Fernyhough imagine déjà ce jour : « Elle a neuf ans, ou dix-neuf ans, elle tient dans ses mains un exemplaire du livre achevé. J’essaie de regarder ailleurs, de lui laisser son espace et son besoin de s’isoler pour cette rencontre avec son passé, mais je ne peux m’empêcher d’étudier son expression (…) J’attends sa réaction puis, quand elle ferme le livre et le pose, je lui demande ce qu’elle pense. Quelque chose lui pose problème : « Je ne me souviens pas de ça, dit-elle, ça ne s’est pas passé comme ça. » Au-delà de nous conter une odyssée passionnante au cœur de la petite-enfance, le psychologue n’oublie pas qu’il s’agit là seulement de son témoignage et que l’objectivité absolue n’existe pas. Les bébés, comme chaque être, ont leurs secrets et détiennent leur propre part de vérité.  
 
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Article rédigé par : Marie-Sophie Bazin
Publié le 19 mars 2020
Mis à jour le 19 mars 2020