À portée de mots

Parler avec son bébé peut changer la vie

Florent de Bodman
couverture livre A portée de mots
Et si le futur gouvernement investissait 10 milliards d'euros de plus dans la petite enfance sur l'ensemble du prochain quinquennat ? La proposition de Florent de Bodman qui conclut son livre A portée de mots, n'est pas qu'un effet d'annonce cherchant le buzz. Elle résulte d'abord d'un état des lieux poussé, argumenté et vulgarisé sur les connaissances neuroscientifiques du développement des bébés de 0-3 ans corrélé aux travaux des économistes, spécialistes des politiques d'éducation et d'emploi. Elle comble ensuite un manque criant d'investissements courageux et ambitieux pour la petite enfance depuis toujours. Elle révèle surtout l'observation pointue de l'auteur et son expertise qu'il ne cesse d'interroger et d'ajuster sur les questions d'apprentissage des bébés, et plus précisément sur l'apprentissage du langage.

Qui est Florent de Bodman ? Ancien élève de l'ENS et de l'ENA, ce haut fonctionnaire a travaillé cinq ans à Bercy sur les dépenses sociales puis au cabinet de la secrétaire d’État chargée du numérique avant de quitter les ministères pour rejoindre le monde associatif. D'abord comme responsable du programme « Parler bambin » puis comme fondateur et directeur de la start-up associative « 1001mots », dont le but est « d'aider son enfant à bien parler avant l'école ».
Son parcours atypique interpelle. L'entrepreneur, qui « croit au pouvoir d'invention de la société civile », est convaincu que « la petite enfance peut changer l'avenir de notre société ».

Sa conviction fait écho à la célèbre phrase de James Heckman, prix Nobel d'économie : « Une puéricultrice a plus d'impact social qu'un professeur d'université. » Elle est aussi omniprésente tout au long de son plaidoyer qui se veut convaincant, notamment pour ceux qui méconnaissent les capacités cognitives des bébés. Car Parler avec son bébé peut changer la vie précise le sous-titre du livre, et par la même occasion la pensée de l'auteur qui, en s'appuyant sur plusieurs études, pointent les écarts sociaux dans le niveau de langage à l'entrée à l'école maternelle et leurs répercussions sur la société.
Comment y remédier ? Partant de la probabilité que ces différences de langage selon le milieu social des tout-petits proviennent de la façon dont les parents parlent à leurs bébés, il y répond de manière très explicite et pratique. Exemples et éclairages neuroscientifiques à l'appui, il guide les adultes pour converser avec les tout-petits notamment en parlant AVEC le bébé et non pas au bébé, en posant des questions ouvertes, en les encourageant à s'exprimer. Un chapitre complet est consacré aux livres et aux façons d'interagir avec l'objet pour capter l'attention du bébé, le faire participer activement, le laisser choisir, l'aider dans ses tentatives verbales, l'initier à la langue écrit…

Enfin, aux deux tiers de son ouvrage, l'auteur revêt une casquette plus militante pour défendre la cause des bébés, interpeller les pouvoirs publics et lister les leviers qui permettraient de miser rapidement sur la petite enfance dans les cinq prochaines années. Sans pour autant nier les (nombreux) obstacles à franchir et l'immense défi qu'il reste à relever.
En mai 2017, Florent de Bodman avait co-écrit le rapport de Terra Nova Investissons dans la petite enfance. Presque cinq ans plus tard, sa note publiée le 22 octobre 2021 sur le site du think tank prouve que ce qui a été fait depuis reste très insuffisant. Espérons que son livre A portée de mots saura convaincre les futurs candidats de faire (enfin) de la petite enfance une priorité dans les programmes.


 
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Article rédigé par : Anne-Flore Hervé
Publié le 26 octobre 2021
Mis à jour le 09 avril 2022