Elsa, auxiliaire petite enfance en micro-crèche : « Avec mes collègues, on a très peur de la suite »

Elle a souhaité témoigner de façon anonyme. Alors, appelons-là Elsa. Titulaire d’un CAP petite enfance, Elsa exerce depuis quelques mois dans une micro-crèche près de Lyon. Sa structure accueillant dix enfants est restée ouverte. Mais connait depuis le début de la crise sanitaire liée au coronavirus, une gestion qui inquiète la jeune femme, âgée de 24 ans, et de ses deux autres collègues. Voici son ressenti et ses craintes. Un témoignage qui tranche avec ceux que nous avons jusqu’alors publiés.
 
Une organisation chaotique
A l’instar de nombreuses autres micro-crèches, la structure d’Elsa a dû rester ouverte. Si la plupart des familles ont préféré s’organiser autrement, certaines n’ont pas le choix et continuent de confier leur enfant à la micro-crèche. « On a une maman qui exerce en pneumologie à l’hôpital et qui ne peut pas garder son fils, elle-même a conscience des risques de contamination mais elle ne peut pas faire autrement. ». Elsa s’inquiète car dans sa structure, pas de masque pour les pros. ( ndlr : ce n’est d’ailleurs pas une obligation puisque les masques sont pour l’instant réservés en priorité aux soignants)

Depuis la semaine dernière Elsa et ses collègues se sentent un peu malmenées par leur direction. En effet c’est au jour le jour qu’on leur signale si elles doivent venir travailler ou non, puisque la crèche n’affiche pas complet : « On apprend dans la soirée par un sms de notre direction si on est obligé de venir travailler le lendemain. Dimanche par exemple, j’ai su très tard que le lendemain je serai du matin. Chaque soir, on guette nos téléphones pour apprendre que finalement on n’a pas à venir ou qu’au contraire on nous attend le matin pour faire l’ouverture ». Car la directrice d’Elsa attend jusqu’à la fin de la journée pour considérer qu’un enfant sera présent ou absent. Actuellement, la micro-crèche accueille un ou deux enfants chaque jour, Elsa et ses deux collègues se relaient chacune à leur tour pour s’en occuper et sont souvent seules.

Un confinement souhaité par l’équipe
Les pros sont très angoissées et voudraient bien que la structure ferme pour pouvoir elles aussi se mettre à l’abri.  « On aimerait être confinées nous aussi, car il faut être réaliste, il est quasiment impossible de respecter les mesures d’hygiène avec des tout-petits. Ils ne comprennent pas quand ils sont trop qu’il ne faut pas nous tousser ou nous éternuer dessus par exemple, du coup ça devient vite anxiogène pour nous. Avec mes collègues, on a très peur de la suite. » explique Elsa.
 La situation est d’autant plus complexe pour la jeune femme qui réside chez ses parents. Or sa mère est considérée comme une personne à risques « Je peux lui ramener chaque soir le virus, je la mets en danger mais je n’ai pas le choix ».

« La priorité n’est plus la sécurité des professionnels mais l’argent ! »
Mais là où le bât blesse, c’est quand l’équipe a appris que leur direction démarchait régulièrement les parents ! « La gestionnaire leur téléphone pour leur rappeler que l’on est ouvert et qu’on peut accueillir leurs enfants alors que les parents ont choisi de les garder dès le début du confinement ! Avec mes collègues, on pense vraiment que la priorité n’est plus la sécurité des professionnels mais l’argent ! » s’indigne Elsa.

Pourtant, Elsa reste lucide et a conscience plus que jamais de l’importance du travail des professionnels de la petite enfance : « Je suis partagée sur la situation. Certains parents ont besoin d’aller travailler et c’est notre métier de garder leurs enfants, mais je ne peux m’empêcher de me dire que l’on est constamment face au danger, pour nos proches et nous-même ».
 
 
Publié le 27 mars 2020
Mis à jour le 02 avril 2020