Marine, assistante maternelle : La semaine où les enfants ne sont pas venus

Depuis la semaine dernière nous suivons Marine, assistante maternelle dans l’Oise. Tous les dimanches soir nous publions son témoignage. Son ressenti, ses inquiétudes, son quotidien. Dans ce nouvel épisode Marine s’inquiète de l’avenir de son métier et s’interroge sur la précarité de la situation des assistantes maternelles. 
Ce n’est que tard dans la nuit que j’ai reçu le message. La maman de S m’informait que son mari était désormais au chômage, que je n’aurai désormais plus l’enfant, qu’elle m’appellerait le lendemain, pour le règlement des 80%.
Le petit Z , lui, qui devait réintégrer la maison mercredi, n’est pas venu. Plus on avance dans cette situation et plus j’ai peur pour la santé de toutes ces personnes, pour nous, et pour mon métier.
 
Ma profession est en danger !
Assistante maternelle, c’est un métier déjà si précaire, si peu considéré, et pourtant, on a tant besoin de nous aujourd’hui.
80%, ce pourcentage résonne dans ma tête, je vais être payée 80%. Les règles sont floues, les lois tardent, on attend les décrets tout en gardant espoir d’être reconnues et écoutées.
Ce n’est pas de la jalousie, mais de l’humiliation.
Pourquoi assurer un revenu à 80% pour l’assistante maternelle qui gagne plus ou moins 3/4 euros net de l’heure, alors que les personnes gagnant le SMIC soit environ 8 euros net de l’heure sont indemnisées elles à 100% et les autres salariés à 84% ? Pourquoi cette différence ? Comment l’expliquer ? Comment la justifier ?
Tant de questions sans réponses, qui nous laissent dans la colère et l’incompréhension. Bien que nous soyons des salariées sous contrat de droit privé, en temps de crise, nous ne sommes pas des salariées au même titre que les autres…alors même qu’on nous parle de solidarité, nous demandant nos disponibilités.  Je croyais pourtant que la devise de la France prônait l’égalité pour toutes et tous, même en matière de droits !
 
Si peu considérées mais pourtant si indispensables.

On nous demande d’accueillir plus, sans gants ni masques malgré les risques encourus. Se protégeant de mesures barrières mais bien plus encore (désinfection régulière et accrue des poignets, sols, jouets, lavage du linge…). Une surcharge de travail mais aussi un stress quand on a plus de 6 enfants et que l’on doit assurer le suivi pédagogique de nos enfants. La rémunération se doit être à hauteur de l’effort. Pensons à toutes ces femmes et hommes qui chaque jour mettent leur vie en danger, et celle de leur foyer, car eux comme moi, ne peuvent pas se permettre de s’arrêter de travailler.
 
80% ? Nous perdons bien plus que cela !

Chaque jour, nous perdons les indemnités d’entretien et de repas, les enfants n’étant pas là. Sans parler du risque de se faire potentiellement licencier, certains parents ne pouvant plus aller travailler et gardant leur bébé.
Bien sûr, les parents -employeurs pourront donner gracieusement le complément des 20% manquant, mais soyons réalistes, peu de gens le pourront, car nous sommes tous dans la même situation.
N’y avait-il pas, une autre solution, assurant sécurité de l’emploi et maintien de l’indemnisation ? Pour beaucoup d’entre nous, notre gouvernement nous a abandonnées, délaissées…Être assistante maternelle est-il considéré comme un sous-métier pour en arriver là ?
 
Je suis fatiguée de tout ça, j’ai envie de tout arrêter !
En plus d’être considérées comme la 5 ème roue du carrosse, maintenant nos finances sont menacées.
Payée 80% alors que mes factures elles, resteront inchangées. Je lis chaque jour sur les réseaux sociaux que bon nombre de femmes et hommes sont contaminés eux et leur foyer, bon nombre de femmes et hommes se font licencier. Notre profession est clairement en danger. Certaines veulent tout arrêter et changer de métier. J’ai peur aujourd’hui d’exercer ce métier, tant pour le danger de contamination que pour sa précarité.
 
Un espoir renaît

Alors que je perdais espoir, un collectif s’est créé, interpellant nos dirigeants sur les lois non appliquées auxquelles nous avons droit, le collectif ENFAMPE. Ce sont des assistantes maternelles et des parents-employeurs, respectueux des droits, des devoirs et des postures professionnelles, qui luttent ensemble pour le bien-être des enfants, la reconnaissance de notre profession et le respect des lois qui la régissent. C’est en ce collectif, que je nourris un dernier espoir pour sauver mon métier. Aujourd’hui, il fait beau, je profite de passer du temps avec mes enfants, de faire des activités, de tout réaménager, dans l’attente d’un appel des parents, pour me prévenir qu’ils me confient à nouveau leurs enfants. Je ne refuse pas l’effort, bien que je ne me sente plus en sécurité, car sans ce travail, mon foyer sera directement impacté.
Notre profession est une belle profession, nous devons continuer à croire en elle et nous battre pour elle ! Nous ne savons pas ce quoi est fait demain, mais un jour les choses reviendront à la normale et ensemble nous contribuerons à l’éveil, l’épanouissement affectif, moteur et culturel, assurerons les besoins physiologiques de tous ces enfants, car ils seront les adultes et les acteurs de demain.

Pour aller plus loin : Le blog de Marine
 
Article rédigé par : Marine R
Publié le 29 mars 2020
Mis à jour le 30 mars 2020