Témoignage : Nathalie, puéricultrice, victime de parents malveillants

Nathalie est puéricultrice en Belgique et accueille des enfants à domicile, comme les assistantes maternelles en France. Il y a 10 ans, elle a vécu une expérience amère, alors qu’elle tenait une crèche privée chez elle. Suite à un désaccord avec les parents d’une petite fille dont elle s’occupait, Nathalie et son mari ont subi de nombreux préjudices a priori causés par ces parents. Mais, faute de preuves, ils n’ont jamais été inquiétés. Nathalie a finalement vendu sa crèche et déménagé pour changer de vie. Aujourd’hui elle a retrouvé le sourire, mais cet épisode très douloureux restera gravé dans sa mémoire... Nous publions ici son témoignage.
A l’époque j’habitais à Bruxelles avec mon mari et j’étais enceinte de mon deuxième enfant. En tant que puéricultrice, j’avais déjà travaillé en crèche et en école. Puis en 2004 j’ai ouvert une crèche chez moi où j’accueillais 7 enfants. La mère de l’un d’eux a voulu retirer son enfant de ma crèche du jour au lendemain, quand elle a appris qu’elle était de nouveau enceinte. Or dans mon contrat d’accueil, je devais être prévenue 3 mois à l’avance. En plus j’avais un système d’acompte que l’on me versait à l’inscription de l’enfant et elle m’a demandé de lui restituer.
Je lui ai expliqué que ce n’était pas possible : ce n’était pas légal et c’était aussi une partie de mon salaire qui disparaissait subitement. Je lui ai donc dit que je conserverai l’acompte, mais que je pourrai remplacer sa fille par un autre enfant. Elle n’a jamais voulu comprendre et a continué d’exiger de moi l’acompte. J’ai même reçu une mise en demeure avec accusé de réception de la poste. Ça a été un rude échange. Mais il n’y avait quasiment aucune trace écrite, elle venait directement chez moi.

Coups de fil douteux
Environ deux mois après, je commence à recevoir des coups de fil d’hommes inconnus qui disaient avoir trouvé mon nom et mon numéro de téléphone sur un site Internet. Je n’ai pas compris tout de suite que ces hommes cherchaient à faire des rencontres ou avoir des aventures. J’ai senti que quelque chose clochait au troisième ou quatrième appel - ce n’était plus une erreur. J’ai carrément expliqué le malentendu à mon interlocuteur et lui ai demandé où il avait obtenu ces renseignements. Il m’a donné le nom du site et on est allés vérifier avec mon mari. Là, horreur : on tombe sur des photos de moi avec une description disant que je cherche des relations sans lendemain, tout un faux profil… Je suis sous le choc.
On contacte le site qui nous envoie des renseignements, et là je constate que le profil a été créé quelques jours à peine après ma dispute avec les parents en question : ça correspondait. Etant donné que je n’avais pas les accès, j’ai dû appelé les responsables du site pour qu’ils suppriment mon profil, ce qu’ils ont fait très rapidement.

Courriers calomnieux
Les jours passent et la maman d’un autre enfant que j’accueillais me rend visite. Elle venait de recevoir une lettre sur laquelle était vulgairement imprimé le sigle de l’Office de la Naissance et de l’Enfant (l’équivalent de la PMI en France) qui racontait que ma crèche était soupçonnée d’actes de pédophilie, de maltraitance, que mon mari va être arrêté… Je fonds en larmes, effondrée. Elle avait fait un peu le tour du quartier pour savoir si d’autres familles avaient reçu un tel courrier mais apparemment seuls les parents dont j’accueillais les enfants étaient ciblés. Plus de doute sur l’identité des auteurs de la lettre… On téléphone à l’ONE qui bien sûr n’était au courant de rien.
Je décide de déposer plainte. La police m’a ri au nez et m’a demandé s’il s’agissait de mon ex, si je voulais me venger de lui parce qu’il m’avait quitté… Je leur ai expliqué en quoi ça n’avait rien à voir ! Mais ils ne sont jamais passé à la crèche, n’ont jamais été interroger les parents. Mon mari est passé à son tour au poste. En tout on y est allés trois fois.

Factures inconnues
Entre temps à la maison on se met à recevoir des factures de sites Internet hébergés en Hollande soit disant créés pour la crèche, à mon nom et à celui de mon mari : il y en avait pour plusieurs centaines d’euros. On téléphone et on essaie de leur faire comprendre qu’on est victimes d’actes de malveillance, mais c’est compliqué car on ne parle pas la langue. Ma mère, néerlandophone, prend le relai et arrive à avoir les responsables des sites. La situation s’arrange et les factures sont annulées. Mon avocat, que m’avait recommandé une amie, me demande alors de monter un dossier. Mais mon erreur a été de n’avoir pas gardé toutes les enveloppes, car le cachet de la poste et la date d’envoi auraient constitué des preuves.

Des conditions de travail impossibles
Je ne me suis pas sentie écoutée, ni soutenue, ni encouragée. Emotionnellement c’était très dur et en même temps je continuais de travailler, ma fille est née… Les parents en question habitaient près de chez moi, je les croisais régulièrement. Ils n’ont jamais avoué leurs actes et me claquaient la porte au nez quand je venais leur parler. Les autres familles ne voulaient pas s’en mêler car ils avaient peur de subir des représailles - et je ne leur en ai jamais voulu. Par contre j’avais pris les devants en organisant une réunion à la crèche un soir : sans citer de noms, j’ai expliqué ce que nous vivions. Les parents ont réagi de manière unanime : ils étaient choqués et m’ont assuré de leur pleine confiance en ma crèche.
L’année d’après, les parents qui nous avait causé ces problèmes se sont représentés à la crèche pour déposer leur aînée. Il n’en était pas question, d’une part au regard de tout ce qu’ils nous avaient fait subir, d’autre part parce que je n’avais pas de place disponible. La maman a fait un scandale devant tout le monde et est revenu deux, trois fois. J’avais peur que le calvaire recommence, mais tout a fini par s’arrêter. Le dossier était alors aux mains du tribunal, on attendait que l’affaire suive son cours…

Changer de vie pour passer à autre chose
Six mois après, en avril 2009, j’ai vendu la crèche. Je ne pouvais plus continuer. Nous sommes partis vivre dans les Ardennes belges. C’est seulement fin 2012 que j’ai eu la dernière réponse de l’avocat : les poursuites avaient été abandonnées, faute de preuves. Il m’a fallu au moins 2 ans pour m’en remettre et recommencer à travailler. J’ai eu une deuxième fille et j’ai travaillé à temps partiel en garderie dans une école maternelle. J’avais décidé de redevenir accueillante à domicile mais j’ai appris que j’attendais un troisième enfant : mon projet attendra donc l’année prochaine.
Puéricultrice est une vocation, on fait ce métier car on aime accueillir et voir grandir les enfants. Malheureusement ce genre d’expériences peuvent nous dégoûter de notre profession…
Article rédigé par : Propos recueillis par Armelle Bérard Bergery
Publié le 11 septembre 2017
Mis à jour le 09 décembre 2019