Marine, assistante maternelle : lundi, accueil masqué

Marine, assistante maternelle dans l’Oise qui depuis le début de la crise sanitaire du coronavirus nous raconte ses "aventures, s’apprête comme toutes ses collègues à accueillir lundi les enfants en essayant de suivre les consignes du « guide ministériel « Covid-19-Modes d’accueil fit guide du confinement. En essayant,  car tout cela lui semble très compliqué et très contraignant. Voici son témoignage mi-figue-mi raisin en cette veille de déconfinement.
Mieux vaut tard que jamais ?
Demain c’est le grand jour pour beaucoup d’entre nous, le stress est à son maximum pourtant tout est prêt ! Le gel hydroalcoolique et les affichettes sont à l’entrée, le savon dans la cuisine, les toilettes, et la salle de bain, l’essuie-tout à côté avec au sol la poubelle à pied.
Les désinfectants sont au garde à vous, les masques empilés entreposés sur le meuble d’entrée et alors que nous avions tout préparé, jeudi le guide ministériel du dé confinement de la petite enfance est tombé. 37 pages définissant les mesures sanitaires à suivre.
Oubliée depuis maintenant 2 mois, dès le début j’ai pris mes responsabilités à bras le corps, pourtant dans l’attente d’un minimum de conseils et de considération, c’est seulement maintenant que l’on me donne les « directives ».
Je n’attendais plus rien des autorités qui nous gouvernent, tant elles m’ont déçue pourtant aujourd’hui je devrai me satisfaire de cette prise en considération via un livret de « règles drastiques » à appliquer à mon domicile :
Être équipée d’un aspirateur à filtre HEPA, changer les draps après chaque sieste équipée de gants et masque, laver les sols deux fois par jour, désinfecter les jouets après chaque utilisation, aérer la maison durant 10 à 15 min matin, midi et soir… Bref « NOUS DEVONS INTENSIFIER NOS EFFORTS DE NETTOYAGE AVEC DESINFECTION ».

Lisant ce guide, ma maison est un hôpital où j’en serai l’infirmière et les enfants mes patients. Oublions l’épanouissement, la bienveillance et le respect, favorisons l’aseptisation et la distanciation. Laissons place aux bruits des « pschitt », des pleurs et de l’aspirateur au détriment des rires, de la franche camaraderie et du bonheur (ironie).
J’avais oublié que je travaille chez moi, dans ma maison, avec mes conditions, ce travail moi je le vis, je le connais, je sais ce qui est réalisable et ce qui n’est l’est pas, un guide c’est bien, c’est beau, ça fait joli, ça nomme une profession sur un papier comme une prise en considération mais qui ne l’est pas en réalité.

C’est décontenancé que j’ai lu chacune des pages passant par tout type d’émotion.
Mieux vaut tard que jamais peut être, pour celles et ceux qui reprennent, ne savant pas comment si prendre, ni par où commencer mais pour celles et ceux qui ont maintenu les accueils, lire ce guide ne m’a fait que me décourager et me remettre en question, car oui j’ai utilisé mon balai, oui je n’ai pas  porté de masque, ni retirer le linge avec des gants, ni laver les draps à 60° , milles erreurs ont été commises, et il y aura encore des ratés c’est certain.

Ce guide n’est-il pas en réalité un protocole à suivre ?

Si je ne respecte pas dûment ce guide, que va-t-il advenir ? A qui la faute en cas de contamination ? Comment prouver que je n’ai pas failli à ma mission ? Voilà encore de nouvelles questions !
Soyons en conscient, ce livret dédouanant nos régisseurs, il en va de soi que notre responsabilité civile est deux fois plus engagée ! A qui la sanction pénale si nous ne respectons pas les règles qui y mentionnées ?
Nous travaillions chez nous certes, mais ce sont des vies que nous avons entre les mains, des vies qui ne nous appartiennent pas, dont les parents sont nos employeurs. La mise en place des mesures sanitaires est un choix qui doit se faire en équipe, en accord entre les deux parties.
Faire notre propre « mayonnaise » pourquoi pas, mais qu’adviendra-t-il en cas de problème ?  Oui ce guide est horripilant mais si tout bascule à qui la faute ? Parfois les personnes que l’on a en face de soi ne sont pas les mêmes quand tout bascule et que leur vie et celle de leur progéniture est en danger. Un de mes parents employeurs à lu ce guide, il en est satisfait et pour lui rien ne lui paraît insurmontable.

Pourtant non je ne peux pas suivre ce guide à 100% digne d’un grand hôpital ! Certaines mesures relèvent du bon sens, mais d’autres me paraissent aberrantes voir même insurmontables, mais il en va de ma responsabilité de protéger mes petits au même titre que je dois veiller à leurs besoins, et même si sera ce sera difficile je ferai de mon mieux car l’un ne va pas s’en l’autre.
Nous avons toutes et tous un avis tranché sur ce guide, il nous faut trouver ce qui nous semble le plus juste, le plus réalisable pour le bien-être, la santé et la sécurité de chacun, mais n’oublions pas que nous avons une obligation de résultat en matière de sécurité et une obligation de moyens en matière de santé.

Nous aimerions toutes et tous que tout soit comme avant, que nos maisons reprennent vies, que les éclats de rires reprennent place et que le soleil rayonne, mais soyons aussi conscients que pour un temps rien ne sera comme avant.
Nous ne mettrons sûrement pas tout en œuvre de ce qu’il y a écrit sur le papier c’est certain. Bien sûr que le bien-être, l’éveil, et l’épanouissement des enfants priment et qu’il sera difficile de travailler dans de telles conditions, qu’il y aura des ratés et que nous serons fatigués mais nous aurons essayé.
Ce protocole ne modifiera en rien ma qualité d’accueil, ni mon travail, ni ma personnalité car les parents sont conscients de la situation et me connaissent. Rien ne sera parfait, chaque jour nous nous adapterons, nous nous réinventerons et nous ferons face à notre ennemi avec bienveillance, amour du métier et respect des mesures préconisées tout en veillant à notre disponibilité, à notre écoute et à nos qualités relationnellesVivre avec, on s’adaptera car malheureusement nous n’avons plus le choix.

 Les Conseils Départementaux devront fournir des masques ?
Dorénavant mes enfants me verront à travers un masque toute la journée. Mon fils de 20 mois touchera sans doute mon masque, essaiera de me l’arracher au même titre que bébé Z. D’un côté on nous répète que le masque empêche la libre communication, la visualisation de nos expressions, que cela peut être anxiogène pour le tout petit à contrario on nous apporte un moyen de protection supplémentaire nous qui étions en demande…, difficile de trancher, tout ça me perd.
Me reconnaîtront-ils derrière mon masque, comment le vivront-t-ils ? Je serai fixée demain. Vais-je réussir à respecter toutes ces consignes me semblent insurmontables ? Je ne sais pas mais j’essaierai.

En plus de tous ces mesures barrières, en plus de toutes ces machines à faire tourner, en plus de toute cette eau utilisée pour tout nettoyer et des multiples produits achetés pour tout désinfecter (sans compter l’achat de draps, de gants et de serviette en quantité), en plus de tout ce stress et de cette fatigue accumulée, on nous informe que « Les conseils départementaux sont encouragés à distribuer des masques aux assistant(e)s maternel(le)s en exercice ».Encouragés ? Les masques sont obligatoires, et ils sont seulement encouragés ?
Nous avons un surcroît de travail qui nous attend, d’achat et de consommation au détriment de 2 mois de baisse de revenus et de licenciement. Et comme si cela ne suffisait pas, si nous ne sommes pas fournis en masque il faut en confectionner ou en acheter pour nous et nos proches répondant aux exigences de l’AFNOR (masques pour les adultes et les enfants au domicile âgé de 10 ans et plus, présent au domicile durant le temps de présence des accueillis).

Mais comment expliquer que nous soyons si mal considérées pour ne pas être protégées !
Sommes-nous si invisibles à vos yeux, nous qui sommes pourtant si indispensables ! Vous nous nommez dans vos grands discours et vos notes de service, vous nous guidez par votre protocole, mais vous ne nous protégez pas malgré la précarité et les dangers liés à l’accueil du métier.

 J’ai envoyé ce guide aux parents, les invitant à le lire.
Leur premier réflexe fut un bon en arrière avec un « wooahhoo c’est trop long » ! C’est après un échange téléphonique résumant les grandes lignes du guide, que les parents ont pris conscience des nouvelles modalités d’accueil.
L’un des parents conscients de la difficulté à le mettre en application m’a dit : « Ce ne sera pas agréable pour vous de porter un masque toute la journée, les enfants ne vont pas comprendre, vous ne pourrez pas respecter les mesures de distanciation… Je ne m’attendais pas à ça, comprenez que ce n’est pas ce que je veux pour mon enfant ! » Une phrase qui en dit beaucoup, changé l’aménagement je le fais régulièrement, porter un masque jamais, veiller aux besoins physiologiques des enfants, à leur bien-être et à leur épanouissement continuellement, tout désinfecter et tout nettoyer après chaque utilisation jamais… Tant de bouleversement et de changement auxquels certains parents ne sont pas prêts et ne souhaitent pas pour leurs enfants.

C’est un travail d’équipe qui nous attend, plus qu’à l’accoutumer nous seront attentifs, et malgré nos tâches nous veillerons à être disponible et bienveillant, bien que notre vie d’avant nous manque tant !




 
Article rédigé par : Marine R
Publié le 10 mai 2020
Mis à jour le 11 mai 2020