Quel est le rôle du psychologue en crèche ?

Les établissements d’accueil du jeune enfant sont de plus en plus nombreux à compter un psychologue parmi les vacataires qui gravitent autour de l’équipe. Quel soutien peut-il apporter aux professionnels ?
Si l’on devait résumer le rôle du psychologue qui officie en crèche, nous pourrions dire qu’il s’agit un peu de « l’homme à tout faire » de tout ce qui touche à l’humain et au bien-être des individus, petits et grands, du lieu d’accueil. Son champ d’action est multiple : ce peut être observer un petit garçon qui ne semble pas épanoui la journée, rencontrer un papa qui se questionne sur le développement de sa fille, accompagner une professionnelle qui ne parvient pas à endormir un enfant à l’heure de la sieste, soutenir un directeur d’établissement dépassé dans sa gestion de l’équipe, réfléchir à une meilleure organisation qui permettrait de soulager davantage le stress des enfants et des professionnels, sensibiliser les équipes au repérage des signes d’alerte de l’autisme, animer une réunion de parents sur le thème de la propreté…

Son rôle est triple : veiller à l’épanouissement et au bon développement des enfants accueillis, accompagner les professionnels dans leur pratique quotidienne et soutenir les familles dans leur parentalité. Ceci dit, la place et le rôle du psychologue varient nettement d’une structure à l’autre selon la personnalité et la formation du psychologue, les attentes de la direction, les besoins des équipes, ainsi que son nombre d’heures de présence dans l’établissement (de quelques heures par mois à quelques heures par semaine !).
Les conditions ne sont pas toujours idéales. Le fait qu’il ne possède pas de bureau individuel dans les crèches et qu’il soit présent très peu d’heures ne l’aident pas à trouver sa place, matérielle comme symbolique. Il lui arrive d’improviser des entretiens avec les parents dans des lieux insolites comme la salle du personnel ou la salle de psychomotricité, assis sur une petite chaise colorée ou bien en tailleur ! La crèche peut d’ailleurs paraître hostile à de nombreux psychologues, novices en la matière. Il est rare que leur formation de cinq années à l’université les prépare à intervenir dans les établissements d’accueil du jeune enfant.

Un partenaire de travail pour les équipes
Lorsqu’il est bien intégré dans une structure et accepté par les équipes, le psychologue s’avère être un partenaire de travail précieux. C’est avec bienveillance et neutralité qu’il prête une oreille attentive aux problématiques des professionnels et qu’il tente de les accompagner dans l’exercice de leurs fonctions, sur la base de ses connaissances sur la psychologie de l’enfant et de l’adulte. Il permet de dynamiser les réflexions des équipes et les encourage à retrouver une certaine distance vis-à-vis des problématiques qui l’animent. En effet, pris dans un quotidien parfois effréné, il peut être difficile d’adopter un regard neuf.

Prenons l’exemple d’une équipe dépassée par les pleurs fréquents de Mathéo, un petit garçon de 11 mois. Au cours de son investigation, le psychologue va soulever de nouvelles pistes : depuis combien de temps les professionnels ont-il observé cette amplification des pleurs ? A quels moments de la journée Mathéo pleure-t-il davantage ? Est-ce le matin, au moment des repas, ou plutôt l’après-midi lorsque la fatigue commence à se faire sentir ? Comment l’équipe réagit-elle à ses pleurs ? Comment s’est passée son adaptation ? Combien de minutes par jour sa référente le prend-elle dans les bras ? Comment se passe sa vie à la maison ? Y traverse-t-il une période particulière ?
Il arrive d’ailleurs souvent qu’au lendemain de ces temps d’échanges avec le psychologue, l’enfant manifeste un comportement différent. Comme si le fait d’avoir modifié et aiguisé le regard des professionnels sur cet enfant avait implicitement modifié le comportement de ce dernier !

Par ailleurs, attention de ne pas placer le psychologue dans une position d’expert ou de magicien, muni d’une baguette magique digne de Merlin l’Enchanteur ! De nombreuses équipes attendent de lui des solutions toutes faites directement applicables sur le terrain. Toutefois, son rôle n’est pas de guider la marche à suivre aux professionnels mais de les accompagner dans leurs réflexions collectives. D’ailleurs, le psychologue est rarement formé à prodiguer des conseils aux professionnels. Au contraire, durant sa formation, on le sensibilise davantage à l’écoute active, soit la position inverse à celle qui est attendue en crèche !
Quoi qu’il en soit, si le psychologue détient un savoir sur le jeune enfant et son développement, les équipes connaissent quant à elles les enfants qu’elles accueillent, leurs habitudes, leurs besoins. Les regards du psychologue et des professionnels sont donc complémentaires.

Il n’est pas un espion de la direction
Quand le temps lui permet, le psychologue s’immerge dans les lieux de vie des tout-petits, en section. Ces temps d’observation lui permettent de mieux appréhender le comportement d’un enfant, mais aussi les pratiques pédagogiques des professionnels. Il est certain que la présence d’un psychologue au cœur de votre environnement de travail n’est pas toujours facile à vivre, d’autant plus s’il prend des notes. La crainte du jugement est humaine. D’ailleurs, le psychologue lui-même n’apprécierait sans doute pas que quelqu’un l’observe dans le cadre de son travail !

Généralement, une fois qu’un lien de confiance est tissé avec l’équipe, ces temps d’observation sont mieux vécus par les professionnels présents. Sachez toutefois que ce professionnel n’est ni un espion au service de la direction, ni l’œil de Moscou ! C’est dans votre intérêt et celui des tout-petits accueillis qu’il effectue ces temps d’observation, avec la bienveillance et la neutralité qui le caractérisent. Ce praticien a besoin de s’immerger dans la vraie vie de l’enfant pour pouvoir vous accompagner au mieux dans votre pratique et vos questionnements. Les enfants ne parlant pas encore, l’observation attentive lui permet de décrypter son langage non verbal.
Idéalement, le psychologue communique le fruit de ses observations à l’équipe oralement, sur un temps de réunion qui suit une séance d’observation, lorsque son emploi du temps le lui permet. Parfois, la restitution est plus officieuse et peut différer. Il est important que les professionnels n’hésitent pas à le solliciter pour le lui demander.

Son rôle auprès des parents

Il arrive également que le psychologue rencontre les parents. Cet entretien, de nature confidentielle, peut avoir lieu à l’initiative des parents eux-mêmes qui se questionnent au sujet du comportement de leur enfant à la crèche ou à la maison, de son développement ou encore de son éducation. A l’inverse, ce peut être le psychologue lui-même qui, préoccupé par le développement d’un enfant ou par son comportement, suite à ses nombreux échanges avec l’équipe et la direction, demande à rencontrer des parents. Dans ce cas de figure, il n’est pas rare que l’optique de cet entretien fasse naître chez ces derniers de fortes inquiétudes. Et pour cause, ce praticien fait toujours l’objet d’innombrables idées reçues. Beaucoup font encore l’amalgame entre le psychologue et le psychiatre, pensant à tort que le champ d’expertise du psychologue se limite à la maladie mentale, à la folie. Certains parents refusent d’ailleurs même de le rencontrer, justifiant que leur enfant n’est pas « fou » !Il est important de bien leur expliquer son rôle et de respecter leur résistance naturelle.

Article rédigé par : Héloise Junier
Publié le 30 avril 2017
Mis à jour le 07 septembre 2022