Auxiliaires de puériculture, ces femmes de l'ombre. Par Amandine Micoulin

Puéricultrice, cadre de santé

Istock
adulte donne biberon
La photo sur Facebook est tendre : Marie, auxiliaire de puériculture, se tient autour d’un groupe d’enfants Togolais, le sourire aux lèvres. Elle a un visage radieux, porte un tee-shirt humanitaire et regrette dans ses commentaires de devoir déjà rentrer en France.
Marie travaille dans une crèche, elle part chaque année apporter son aide aux familles et aux enfants dans un pays en difficulté.
Depuis qu’elle s’est occupée de mes deux enfants, je la « suis » sur les réseaux sociaux.Sorties de cette relation professionnelle, nous avons sympathisé, il arrive qu’elle nous rejoigne au détour d’un anniversaire, d’une crémaillère.

Son regret, que je lis sous cette photo, son envie d’aider les autres à nouveau ne fait que confirmer l’altruisme que je sais d’elle, mais il me fait aussi l’effet du fameux petit pois. Celui-là même qui gêne la princesse lorsqu’elle dort, malgré des dizaines de matelas : il est là et cette présence suffit pour qu’il en soit encombrant.Cela me ramène également à ce que j’ai moi-même ressenti alors que j’étais infirmière et que je rentrais de missions humanitaires : je me sentais tout à coup moins utile, mon travail me paraissait plus fade, moins noble.

Et pourtant ma chère Marie, si tu savais … ce que les auxiliaires en crèche peuvent accomplir pour les familles et les enfants sans même le savoir.
Je fais, en ce mois de novembre, mon coming out : j’ai deux enfants dits HPI (à haut potentiel intellectuel), de type provocateur, je pourrais tenir un blog rien qu’en décrivant toutes les bêtises qu’ils inventent et imaginent. Des attachiants comme disait une pédopsychiatre avec qui je travaillais sur la région Bordelaise : des enfants très attachants, hypersensibles, parfois même éblouissants et tellement épuisants !

Le genre de choses qui fait sourire avec une bonne tasse de thé devant un reportage télévisé ( Waouh, tu as vu, cette petite fille a appris à lire seule en déchiffrant le message sur sa couette de lit !) mais qui peut paraitre difficile lorsque cela arrive dans sa propre famille.
J’ai connu les démissions de nounous (Amandine je prends ma retraite, c’est trop difficile, je ne suis plus faite pour ça), les rééducations psychomotrices, les rendez-vous orthophoniques du soir, les regards des maitresses outrées, les incompréhensions.
A côté de cela je ne m’ennuie jamais, la vie est très intense, pleine de fiertés parentales et de découvertes.

Bref, revenons à nos moutons et à ces petits riens que les auxiliaires peuvent faire pour les parents et qui changent tout. Marie a suivi mes enfants en acceptant leurs différences, en les valorisant, et ayant dans le regard, cette empathie soutenante et cette tendresse qui leur a permis de se sentir acceptés pour ce qu’ils sont. Et ça, c’est essentiel.Et même lorsque ses collègues ont capitulé (et je peux le comprendre j’ai les mêmes à la maison !), elle a pris le relais avec plaisir et ne nous a jamais fait sentir que c’était difficile.

Alors lorsque j’ai vu ce post, je me suis demandé si elle savait en sa qualité d’auxiliaire de puériculture ce qu’elle a pu apporter à mes enfants et par extension à notre famille. Peut-être se pensait-elle plus utile à l’étranger ?
J’ai réfléchi à toutes les professionnelles que j’ai croisées dans mon travail de directeur, et qui ont, sans le savoir, modifié par leur petit « grain de sable », quelque chose dans la vie des autres.
Ce fameux papillon qui bat des ailes dans un coin du monde et qui finit par déclencher un ouragan de l’autre côté de la terre.
Ces petits riens que les accueillantes font au quotidien sont autant de choses qui peuvent potentiellement bouleverser la vie des familles et ce, dans un sens positif. La pudeur du quotidien empêche très souvent les parents de s’exprimer sur leurs sentiments, sur leurs émotions.
On travaille beaucoup aujourd’hui avec les enfants sur l’acceptation de leurs émotions, on leur apprend à les nommer, à les repérer, à les laisser aller et venir.
On utilise de nombreux vecteurs : art plastique, livres, ateliers, yoga, méditation... ; il y a fort à espérer que ces adultes de demain auront acquis la capacité de percevoir et d’accepter leurs ressentis. En attendant, les adultes d’aujourd’hui sont encore tiraillés entre ce nouveau courant et ce que la société occidentale leur a transmis.
Je finirai avec cette citation de notre cher Victor Hugo, qui prend ici tout son sens : « il y a ceux que l’on croise, que l’on connait à peine, qui vous disent un mot, une phrase, vous accordent une minute, une demi-heure et changent le cours de votre vie ».
Parfois, ces personnes ne sont autres que vous.
 
Article rédigé par : Amandine Micoulin
Publié le 03 novembre 2019
Mis à jour le 03 novembre 2019