Le changement : ce mot qui peut vous apporter tout et à la fois vous priver de tant. Par Amandine Micoulin

Puéricultrice, cadre de santé

femme au bord de l
En ce début d’été, je me questionne : j’ai suivi mon mari il y a quelques mois dans le cadre d’une mutation et je peine à prendre une décision pour mon retour à l’emploi.
Retrouver un travail en tant que directeur de crèche ? Que cadre hospitalier ? Formatrice ? Oui, pourquoi pas, j’aimerais beaucoup retravailler avec les équipes et côtoyer familles et enfants, mais c’était si … intense. En même temps, je connais : réintégrer ce genre de postes ne m’expose pas à l’inconnu, cela me rassure.

Reprendre mes études ? Tiens, pas mal… Je ferais bien un master pour aller y chercher ce qui me manque dans mon management, pour répondre aux questions que je me pose en tant que directeur au quotidien.
« Suis-je trop autoritaire ou, à l’inverse, trop bienveillante ?
Est-ce que j’essaie de contenter tout le monde ou alors est-ce que j’arrive à être équitable ?
Quelle est mon équipe de travail à présent ? Avec qui puis-je décompresser aujourd’hui en singeant les situations que je rencontre ?
Quelle est la bonne distance, dois-je revenir à moins de 39 heures, est-ce que ce travail m’épanouit, comment concilier ces horaires et ma vie de famille ?
Est-ce qu’en ce moment je ne me sens pas un peu démotivée ? Est-ce que je n’ai pas du mal à y croire, me laissant emporter par un système de nombre d’heures et de taux de remplissage ? »

Vous l’aurez compris, je me questionne. En même temps, si ce n’était pas le cas, est-ce que j’aimerais tant écrire ? Déblatérer sur des suppositions de vie, faire travailler mes méninges...
Donc j’en suis là, à me demander si je peux porter à nouveau un projet, une équipe, quand j’apprends que j’ai validé mon master 1 et que j’ai été reçue au Master 2, gestion des ressources humaines et coaching dans les organisations. Reçue et financée, du moins pour les frais d’études (le reste est encore assez flou).
Première réaction, je suis fière et heureuse : ça y est, je vais enfin apprendre à accompagner autrement les équipes, en partant sur du positif, en sachant écouter, en relativisant. Je vais apprendre des choses, trouver peut-être des réponses à mes questions (pour finir par en avoir d’autres...). Une promotion de vingt étudiants, triés sur le volet, d’horizons différents avec des professeurs venus de tous horizons, la plupart en activité.

Et puis les doutes et la peur. Vais-je m’en sortir ? Ces études sont-elles difficiles, abordables, mais surtout est-ce que j’en ai l’énergie, le courage ? Je me suis toujours lancée sans réfléchir, de mon premier poste d’agent de service à aujourd’hui, et j’ai eu différentes craintes mais là, c’est différent. Chaque fois que je passe un cap, je dois changer de métier, de collègues, de rôle. Avancer me permet d’apprendre, d’essayer en toute humilité de participer à quelque chose de plus grand que moi, mais c’est aussi laisser derrière moi mon assurance, mes réflexes, mon confort, ma sécurité. Changer c’est accepter de redevenir celle qui vient d’arriver, qui doit faire ses preuves, qui n’est pas encore intégrée, qui n’aura pas les vacances qu’elle souhaitait avant quelques années.

J’en suis à ces élucubrations alors que je regarde mes deux enfants barboter sur la plage : est-ce que j’ai vraiment envie de me remettre à réviser le soir, à rédiger un mémoire les week-end, à prévoir un centre aéré pour tout l’été prochain ?
Je ne suis pas fière de ces craintes, j’ai accompagné bon nombre d’étudiants qui avaient la bravoure de se lancer, de tout reprendre, d’investir dans l’inconfort pour aller vers un objectif meilleur et je les admire profondément.
Brooke Castillo, la célèbre Américaine, appelle cela « la rivière de la misère » (et encore, la traduction n’est pas tout à fait exacte). Elle part du postulat qu’il faut traverser cette rivière en acceptant l’inconfort, ici représenté par les eaux tumultueuses, pour aller vers autre chose, vers un enrichissement de soi, bref, vers l’autre rive. Et entre les deux, il faudra alors nager dans des eaux troubles et désagréables en ayant la force de se dire qu’en face on s’enrichira, que l’on y trouvera ce que l’on cherche, que l’on arrêtera de se plaindre que rien ne va, sans pour autant se sentir responsable de tout changer.

Se lancer, ce n’est jamais facile car les inquiétudes subsistent et plus l’on avance dans l’âge, plus l’on porte des responsabilités (celles- là même qui nagent devant moi en observant les poissons) et plus l’inconfort semble immense. Mais d’un autre côté, je me dis que si j’arrive à voir ce métier d’encadrant d’une autre manière, à trouver certaines réponses à mes questions, le jeu en vaut peut-être bien la chandelle non ?
Article rédigé par : Amandine Micoulin
Publié le 02 août 2019
Mis à jour le 09 décembre 2019