Les neurosciences pour les nuls ! Par Anne-Cécile George

Infirmière-Puéricultrice, directrice de crèche

mécanismes du cerveau
Cette année, avec l’équipe de la crèche on a décidé de faire un groupe de travail sur les neurosciences. Dis comme ça, ça paraît un peu pompeux. On aurait pu traiter de tant de sujet, comme l’adaptation, le sommeil du tout petit à la crèche, et j’en passe. Tout ce qui tourne autour du bien être de l’enfant, finalement. Mais à l’origine du bien-être, il y a une hormone. Alors on a décidé d’aller à la source. La matrice alias Le cerveau. Ses mécanismes, les récentes découvertes sur son fonctionnement. Le budget étant limité, nous ne pouvions inviter Catherine Gueguen et autre pointure à la crèche pour nous faire un cours magistral sur les « NEUROSCIENCES » . Ca claque quand même comme terme. Quand ça claque comme ça, y a une définition de dix lignes à peu près derrière. J’ai voulu chercher une définition simplifiée sur internet. Wikipédia : trois pages. Ma déception fut à la hauteur de mon désespoir. Et là, je me suis dit : « mais pourquoi, personne n’a pensé à écrire le bouquin « les neurosciences pour les nuls ». Cela m’aurait, assurément, simplifié la tâche pour préparer l’animation du groupe de travail.
Sans présentation power point toute faite, ni aide digeste sur le web, je me suis armée de quelques bouquins : « Pour une enfance heureuse » de Catherine Gueguen , « J’ai tout essayé » d’Isabelle Filliozat, et « Pleurs et colères » d’Aletha Solter. Deux heures de brainstorming plus tard avec la directrice adjointe et l’éducatrice, nous aboutissions à une définition. Yes ! We dit it !
Donc pour toi lecteur, qui connait ou ne connait pas les neurosciences, en voici le menu : les neurosciences c’est un peu comme la preuve scientifique que tout ce que les grands pédagogues mettaient en exergue jusqu’à aujourd’hui ( comme rassurer un enfant, contribuer à son bien-être, parler calmement, expliquer, ne pas brutaliser,…) était bénéfique pour l’enfant. Mais pas seulement : bénéfique aussi pour le développement de son cerveau. Il y a les neurosciences cognitives (raisonnement, motricité, langage, mémoire..) et les neurosciences affectives (les émotions). Donc les neurosciences font appel à plusieurs branches de la médecine comme les neurologues, les psychiatres, les neuropsychologues...
Partons de l’adulte pour comprendre le fonctionnement de l’enfant. L’adulte a son cerveau mature (en principe) autour de l’âge de 25 ans. Ce qui ne signifie pas que tout au long de sa vie des connexions nerveuses continuent à se créer au gré des apprentissages, des lectures, et de tout ce qui stimule notre esprit ! Donc à 25 ans, l’adulte sait contrôler ses émotions et est plus raisonnable dans ses prises de décision. Exemple de l’adulte qui souffre au travail car il a mangé japonais la veille (manque de bol, ce n’était pas frais) et des spasmes lui tordent les intestins. Il choisit de cacher sa douleur, son émotion, et prend sur lui. Sur la pause du déjeuner, il prend rendez-vous avec son généraliste pour une consultation à la sortie du boulot. Arrivé chez le médecin, l’adulte répand sa souffrance et pleure en expliquant ses symptômes. On appelle ça : vider son sac. Il se l’autorise car il sait que le cabinet médical est un lieu où les émotions peuvent être accueillies. Au travail, il n’a pas pu. Il a entendu tout petit « oh arrête de pleurer, ce sont les bébés qui pleurent » ou encore celui qui fait partie du best-of « pleure, tu pisseras moins ».
Chez l’enfant, le cerveau n’est pas mature. Il est en construction. Les zones du cerveau qui permettent la gestion des émotions sont en pleine croissance. S’il a mal, il pleure. S’il a l’impression de vivre une injustice (comme la subtilisation d’une voiture par un camarade de crèche), il tape. Il ne réfléchit pas si c’est bien, si c’est mal, il tape. Ou il crie. Ou il pleure. Dans tous les cas, il réagit. L’enfant est régi par ses impulsions. Cela en fait une petite boule d’émotions. A nous de l’aider à reconnaître les émotions qui le submergent, en mettant tout d’abord des mots sur ce qu’il ressent. « Je vois que tu es en colère ».
Un enfant qui ne crie pas, qui ne pleure pas, qui ne tape pas, qui ne court pas, qui ne joue pas : on appelle ça un adulte.
Ce qui a été démontré récemment, c’est que toutes les manifestations de réconfort, d’affection, contribuaient au bon développement des différentes parties du cerveau, dont le cortex préfrontal siège des émotions. Et inversement, l’enfant qui recevait brimades, paroles blessantes, non satisfaction des besoins affectifs, fessées, humiliations, subissait un ralentissement du développement du cortex préfrontal.
Dans le livre de Catherine Gueguen, (non je ne suis pas payée pour citer son nom à tous les paragraphes), on apprend qu’une étude a été effectuée sur plusieurs adultes, ceux qui avaient reçu une éducation positive et inversement ceux qui avaient subi des manifestations agressives dans leur enfance. Le cortex préfrontal était plus développé dans le premier groupe. On apprend que cela a une incidence sur nos comportements, notre gestion des émotions, adulte. Exemple de Jean qui est au volant de sa voiture, à qui on vient de griller la priorité : « florilège de mots fleuris, biiiiiiiiiiiiiip et biiiiiiiiiiiiiip ». Jean a certainement du mal à gérer ses émotions. Il est visiblement excédé. Maintenant prenons l’exemple de Marc qui est au volant de sa voiture et qui a eu une éducation bienveillante, on vient de lui griller la priorité (à lui aussi !), il réagit : « oh zut. ». Voilà. CQFD.
Alors oui, les mentalités sont difficiles à faire changer. Quand nous discutons lors d’un repas de famille et qu’on aborde l’éducation non violente, on passe pour la famille peace and love, lunettes rondes et pétard roulé. Ou pire, pour des laxistes. « Arrête, ça n’a jamais tué personne ? une bonne paire de claques, une bonne fessée ».
Comment rompre la chaine ? C’est ancré en nous. L’épigénétique. Un truc qui se transmet de génération en génération. Une histoire qui se répète car nos arrières grands parents utilisaient la violence pour se faire respecter (avec le ceinturon), nos grands-parents (avec le martinet), nos parents (avec les mains). Et nous, parents ? A-t-on envie que l’histoire se répète ? qui osera casser cette chaîne ?
Je ne connais pas de parents qui soient satisfaits d’avoir mis la fessée à son enfant. Car il sait au fond de lui, qu’il s’autorise ce qu’il interdit à son enfant. Et oui, nous n’en mourrons pas d’avoir été frappé, éduqué par la crainte, la menace, la peur d’être giflé. Mais cela laisse des traces et c’est désormais prouvé scientifiquement. On se construit avec. On fait preuve de résilience.
Une collègue me racontait une vidéo où l’on voit un homme qui se confie sur les violences qu’il fait à sa femme « oh, une petite fessée de temps en temps, ça lui fait pas de mal. Et puis, elle le mérite. Elle ne m’écoute jamais. Ça ne va pas la tuer ». Tout le monde est choqué. Comment, ose t il parler ainsi de sa femme ? Maintenant, remplaçons le sujet qui est une femme, par l’enfant. Les réactions sont moins virulentes à l’égard de l’homme. Mais c’est dingue, quand on parle de l’enfant, tout est réduit au mot « petit ». Une petite claque. Une petite fessée. Pour mon petit d’homme.
Si tu veux en savoir plus sur les neurosciences, tu peux aller à une super journée d’études qui se déroule le 28 novembre dans le 12eme arrondissement de Paris. La première était au printemps et il y avait Cather… enfin tu vois de qui je parle.

 
Publié le 23 octobre 2016
Mis à jour le 20 octobre 2017
Bonjour ou faut il trouver les info pour la journée d'études du 28 nov? Merci par avance