S'approprier les idées d'un pédagogue. Par Bernadette Moussy

EJE, formatrice

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enfant avec jouet Montessori
 En fin de stage…  Dernièrement, j’ai rencontré un groupe de jeunes femmes en train de terminer quatre semaines de stage d’initiation à la méthode Montessori. Elles venaient de manipuler et découvrir le matériel fascinant inventé par la grande pédagogue.  Le développement sensoriel, les activités de la vie quotidienne, l’apprentissage du calcul, la découverte du langage, avaient fait l’objet du programme qui venait de se dérouler.

Mon propos en tant qu’intervenante, était d’ouvrir à une notion de la pédagogie plus étendue. Elles avaient abordé durant presque quatre  semaines une unique méthode et sa mise en pratique. Je désirais qu’elles découvrent d’autres pédagogues, afin de situer Maria Montessori dans un ensemble plus large et relativiser ce qu’elles avaient appris.
S’initier à une méthode demande de comprendre l’idée du créateur, de se l’approprier, de se mettre en projet pour la réaliser. C’est un véritable travail intérieur, avec des tensions, des déséquilibres, des questionnements, des étonnements…et évidement d’heureuses découvertes.

Une prise de recul me paraissait appropriée. Une remontée dans le temps, vers les idées basiques des méthodes actives, en particulier celles de Jean Jacques Rousseau et  la référence à d’autres pédagogues plus contemporains de M. Montessori nous a amenées à faire des réflexions plus larges sur la  pédagogie. Mais aussi, nous avons abordé l’éducation de maintenant, pour nous-mêmes, avec nos questionnements, nos convictions, nos références...
Entre deux façons de faire. Durant cet échange, l’une d’elles  a posé une question de fond. Quel est le plus important : partir de l’enfant, de son intérêt, de sa démarche pour positionner sa pédagogie, ou bien commencer par lui montrer ce qu’il doit savoir ? Par exemple : devons-nous lui montrer la bonne manipulation d’un instrument de musique ou le laissons-nous nous casser les oreilles, à « faire n’importe quoi », mais en explorant, en s’appropriant, quitte ensuite à lui proposer une façon de faire harmonieuse par la suite?
 
Ces dames, dans un premier temps et d’un seul élan, imprégnées des idées de M. Montessori sur le respect de l’enfant et ses qualités innées, m’ont paru opter pour la première attitude.
A ce moment, j’ai ressenti que ce balancement qui nous faisait réfléchir et avancer, était en train de se bloquer autour d’un choix qui, non seulement orientait l’attitude vers une seule perspective, mais excluait tous ceux qui ne la choisissaient pas. Alors qu’une des problématiques essentielles de l’éducation est là.
Comme si les « bons » pédagogues, forts de leurs arguments, se mettaient en priorité du côté de l’enfant, les autres du côté de l’enseignement. Nous savons bien que certains savoirs ne peuvent se découvrir sans initiation. Mais… il y a tout ce que les enfants, guidés par leur « ordre intérieur », pour reprendre un concept montessorien, apprennent seuls et disent : « oui, je sais » ! Alors là, dommage de leur voler la découverte ! Aussi, lorsque l’on est convaincu de la bonne raison de son choix on a du mal à oublier que d’autres ont aussi une conception de la situation qui se justifie. C’est en l’occurrence pour eux, le besoin de transmettre qui est existentiel. Celui qui est porté par le désir de pérennité.

Il y a une troisième voie où on se laisserait guider par la situation éducative, qui elle-même orienterait l’attitude à avoir. L’éducation n’est-elle pas surtout une discipline pragmatique ? Mais pour savoir interpréter cette situation, il est nécessaire de mettre de côté, sans forcément les oublier,  « ses bonnes idées », ses adhésions, ses explications…pour laisser place à la compréhension d’un ensemble de données qui composent cette situation-là: l’enfant, le contexte, soi-même, son ressenti, sa recherche…Je parlerai ici de « sympathie pour »un évènement et ceux qui le composent…
L’appropriation d’une méthode enrichit nos façons de voir, peut nous rendre plus compétents. Mais cela demande aussi de savoir relativiser ce que l’on sait parce qu’on  s’en sert surtout comme d’un outil au service de l’éducation, et pour cela on s’en libère et alors, on se rend disponible pour d’autant mieux s’adapter à cet enfant-là.
Alors…on va se laisser « casser les oreilles » ou on va montrer comment on utilise l’instrument ?


 
Article rédigé par : Bernadette Moussy
Publié le 11 juillet 2022
Mis à jour le 11 juillet 2022