Formez vous, qu'ils disaient ! Par Claire Boutillier

Assistante maternelle, psychologue

Assistante maternelle avec bébé
De quoi ai-je envie, à travers mes chroniques ? Amener des pistes de réflexion, ouvrir des possibles pour rendre la vie des professionnels et des enfants plus facile au quotidien. Il s’agit parfois de peu de chose quand on cherche à faire évoluer une situation : le regard d’un tiers, une information, sur le développement de l’enfant, une alternative quant à la façon d’agir auprès de l’enfant. Pour « trouver mon style », me sentir bien dans ma peau professionnelle, il m’a fallu penser, discuter, prendre du recul. J’ai cherché dans les articles scientifiques, les livres, les sites internet… ce que je n’ai pas toujours pu trouver dans l’élaboration avec un tiers. Comment être bien-traitante quand l’incompréhension ou l’irritation nous gagne ? Quelle est notre place auprès des enfants entre trop ou pas assez d’interventionnisme, et comment juger où nous nous situons sans personne pour nous en faire retour ?
Ce que je tiens à dénoncer dans cette chronique, c’est la difficulté de se former lorsque l’on est professionnel de l’accueil individuel. Ce que j’aurais voulu, c’est une formation concrète et surtout continue, qui me permette de travailler sur les situations au fur à mesure qu’elles se présentaient. Marion mord Léo qui s’approche trop prés à son goût, Louis manifeste du déplaisir à côtoyer Léo au quotidien et leur relation se dégrade, entrainant conflits et cris, les parents de Lou et moi avons une façon différente d’envisager notre réponse à son agressivité… Encore aujourd’hui, je sais que l’analyse des pratiques me serait tellement profitable (et par ricochet, aux enfants).
La formation est essentielle dans tous les parcours professionnels, mais peut être encore davantage dans les métiers où l’on travaille avec ses croyances personnelles, ses émotions, son corps, ses affects (sans parler de son espace intime, sa famille, ses enfants !)… Il n’y a pas de « process à suivre » dans les métiers de la petite enfance. Chaque situation, parce qu’elle implique des protagonistes et des situations nouvelles, différentes, demandent une analyse particulière. Les « solutions » ne sont pas acquises une fois pour toutes, ni applicables de la même façon pour chaque enfant, chaque famille.  Le besoin d’un tiers pour introduire de la réflexion est essentiel. Or, quand on est assistant maternel, nous avons essentiellement le choix entre des soirées à thèmes ponctuelles (et c’est bienheureux qu’elles existent) qui sont proposées après et en plus de la journée d’accueil, ou des interventions et formations hors temps de travail : le samedi notamment.
Il faut regarder l’évidence. Comment se professionnaliser sur des temps où nous sommes moins disponibles psychiquement : fatigués et contraints de rogner sur notre temps personnel ? La formation, l’analyse des pratiques régulière pour une meilleure qualité d’accueil et une véritable reconnaissance professionnelle des assistantes maternelles sont incontournables. Rompre l’isolement  professionnel, permettre de la réflexivité là où il y a de la réactivité, réduire l’urgence du face à face, les réactions inappropriées faute de prise de recul. Etre présent pour chaque enfant, être bienveillant, demande que l’on fasse un pas de côté pour sortir d’une situation où l’on ne trouve pas d’issue à force d’avoir la tête dans le guidon.
Cela demande de chercher des solutions innovantes : faire accueillir les enfants pendant les temps de formation des professionnels tout en préservant leur sécurité affective.
La révolution est pourtant nécessaire, au bénéfice direct des enfants, des familles et des professionnels. Le rapport Giampino va dans ce sens, espérons qu’il sera suivi d’effets y compris pour les assistants maternels.


 
Article rédigé par : Claire Boutillier
Publié le 30 juin 2016
Mis à jour le 30 juin 2016
Bravo pour cet article ! La formation des assistantes maternelles, c'est le serpent qui se mord la queue : d'un côté, on nous reproche toujours d'être les travailleurs sociaux les plus mal formés, ce qui implique que les pouvoirs publics ne nous reconnaissent pas comme de vraies professionnelles de la Petite Enfance et ne nous font jamais réellement confiance, et d'un autre côté il n'existe aucune volonté politique ni aucun budget pour une vraie formation initiale diplômante des assistantes maternelles, ni aucune proposition concrète et viable pour rendre la formation continue réellement accessible, utile et intéressante. C'est une des nombreuses réalités (comme l'absence de médecine du travail, une retraite dérisoire, le manque de perspective d'avenir et la précarité) qui font que ce métier reste un pis-aller et non une branche professionnelle attractive. Il faut beaucoup d'enthousiasme et de passion pour exercer néanmoins cette profession que nous aimons tant ! Françoise