« Il faut bien qu’il apprenne à obéir ! » Par Claire Boutillier

Assistante maternelle, psychologue

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Il est un thème de réflexion pour lequel je serais partie prenante pour une grande concertation entre professionnels de l’enfance et parents. Ce thème, c’est « L’obéissance » et  son cortège de sanctions lorsque celle-ci n’est pas au rendez vous… Pour certains, cela va de soi : une éducation réussie se juge à la façon dont les enfants obéissent aux adultes. Pour d’autres, l’exigence d’obéissance est incompatible avec la bientraitance éducative. Pour moi, c’est un thème central et quotidien de réflexion. Personnellement, je ne suis pas en dehors de toute exigence vis-à-vis du groupe d’enfants que j’accueille. Le choix des activités, des sorties, l’heure à laquelle il faut être à l’école pour récupérer un autre enfant… Il va de soi qu’un certain nombre de situations ne sont pas acceptées avec plaisir par tous au moment voulu. Pourtant, je persiste à me poser les questions suivantes : « Qu’est ce qui motive la demande que j’adresse aux enfants ? » ; « Cette demande correspond elle à un besoin du groupe ou ne répond elle qu’à mon désir propre ? » ; « Quel degré de liberté ais-je moi-même si les enfants refusent ma demande ? ».
C’est un sujet dont je parle avec les parents et qui est tout sauf consensuel ! Comme le dit Marcelli, « Il est permis d’obéir ! » (quand même !). Là où le bât blesse, c’est lorsque la demande d’obéissance nie la réalité de l’enfant pour ne considérer que celle de l’adulte. Par exemple : à son enfant de 3 ans qui ne veut pas s’habiller pour sortir, qui jette son manteau au sol au lieu de le ranger ou encore qui en tape un autre, je vois un papa fatigué mettre une tape à l’enfant (ou l’en menacer) et me dire  « il faut bien qu’il apprenne à obéir !». Autre situation, une maman excédée dit à son fils « Et tu ne me réponds pas ! » pour mettre fin à une dispute. Comme si le but ultime de l’éducation, ce qui comptait au dessus de tout le reste, c’est que l’enfant s’exécute dans l’instant (et sans rechigner). A ce moment là, devant l’opposition de l’enfant, ce n’est plus l’enjeu de la demande initiale de l’adulte qui compte. Ce qui compte in fine, c’est la soumission de l’enfant à l’adulte.
L’obéissance n’est pas une fin en soi ! Obéir signifie « se soumettre à la volonté de quelqu’un (…) exécuter un ordre» (Larousse en ligne). Est-il pertinent d’entraîner nos enfants à obéir ? Est-il souhaitable d’apprendre à nos enfants de se départir de leur esprit d’analyse ? L’obéissance ne devrait pas être la pierre angulaire de l’éducation. Mon discours n’est pas de remettre en cause la présence nécessaire des règles et des contraintes dans la vie de l’enfant. Mais les stigmates de l’éducation autoritariste ont la peau dure. Je suis convaincue que c’est la croyance en l’idée que l’enfant doive obéir en toute circonstance à l’adulte qui fait le lit de la violence éducative ordinaire. Le danger vient de ce qu’il est insupportable que l’enfant ne se conforme pas à ce que l’on attend de lui. Autant que possible, nous avons à susciter la coopération de l’enfant, en anticipant sur les horaires et les contraintes, en discutant sur l’activité à venir, en mettant en avant ce qui intéressera chaque enfant dans le projet que nous avons avec eux. Nous autres donc, éducateurs, gagnerions à réfléchir ensemble sur ces questions pour enrayer l’équation éducation = obéissance, qui hélas, appelle souvent à « et tous les moyens sont bons …».




 
Article rédigé par : Claire Boutillier
Publié le 31 mai 2016
Mis à jour le 22 juin 2016