Faites sortir les enfants ! Par Claire Grolleau-Escriva

Présidente d'Ecolo Crèche

Enfants qui jouent dans l
Ça se passe dans une prison… On voit des prisonniers aller dans la « cour » pour leur « sortie » quotidienne. Ils ont chacun une activité que nous avons déjà vue dans les films américains… Sport collectif, musculation, musique, jardinage peut être… Mais ce qui frappe essentiellement c’est le plaisir de ces hommes lorsque les portes s’ouvrent, que l’air frais arrive à leurs narines, le soleil sur leur visage. Puis on informe ces hommes, qui ont droit à 2 heures d’activités extérieures par jour, que peut-être ce temps va être réduit de moitié. « Non ce n’est pas possible », « Je vais devenir fou ! C’est vital pour moi ! » répliquent-ils. Enfin on leur apprend, qu’en moyenne, les enfants passent moins d’une heure par jour à faire des activités à l’extérieur…. Stupéfaction des prisonniers ! « Mon dieu, ce n’est pas possible ! C’est de la torture ! ». C’est un peu cliché, les prisonniers sont de grands gaillards trop bien rasés, le scénario est parfaitement mené. Ce petit film est fait par une marque de lessive qui ne se revendique pas du tout éco responsable… Mais qui prône le besoin d’activités extérieures des enfants. D’ailleurs s’ils se salissent, ils sont là avec leur lessive très efficace …
Je n’ai pas les mêmes objectifs que les lessiviers, vous n’avez pas les mêmes enjeux qu’eux. Mais ces images frappent l’esprit et scandent dans ma tête : les enfants passent en moyenne moins d'une heure par jour à faire des activités extérieures!  Je suis éberluée ! Ce qui est vital pour les prisonniers l’est pour les enfants ; et les adultes « libres » aussi d’ailleurs. Passer du temps à l’extérieur est fondamental pour nous tous et en particulier pour les plus jeunes ! Les jeunes enfants ont besoin de sentir les éléments naturels sur leur peau : air, soleil, pluie… Ils ont besoin d’explorer le monde dans des milieux qui n’ont pas été complétements formatés pour eux. Ils ont besoin de courir, grimper, bricoler. Ils ont besoin de se salir. Ils ont besoin de manipuler une « merveille » trouvée par terre.
Mais… mais… il y a des « mais ». Oui, en été il y a le soleil, la chaleur… et en hiver le froid, la pluie, la neige… Oui, il y a les contraintes de vêtements, de chaussures, les enfants ne sont pas complétements autonomes. Oui, les journées avec de jeunes enfants sont parfois saucissonnées en une multitude de petits moments rendus systématiques selon le mode d’accueil, et qui prennent du temps à installer, à organiser. Et on n’a pas toujours envie de s’en rajouter ! Oui, il y a des dangers qui nous inquiètent peut-être plus à l’extérieur, que dans nos espaces intérieurs, plus familiers. Oui, il y a des questions de taux d’encadrement si on veut sortir du lieu d’accueil. Et oui, les enfants ont souvent plus de chance de se salir en sortant dans le jardin qu’en restant sur un tapis d’éveil.
Effectivement il faudra prendre les précautions nécessaires pour que les enfants soient en sécurité physique, psychique et affective. Certains dangers se maitrisent très bien lorsqu’on les anticipe. Je souhaite donc être le témoin de dizaines et dizaines d’heures passées au grand air avec des jeunes enfants.
 Je tiens à vous parler des enfants qui sortent par tous les temps.  Des professionnels qui organisent des sorties à la ferme, sur la plage, en forêt. Et qui permettent aux enfants, et aux adultes qui les accompagnent, de vivre une aventure collective inoubliable. J’ai en tête également les sorties au marché, pour humer les odeurs, voir les couleurs et découvrir les étals sur la pointe des pieds. J’ai un souvenir très précis d’une vente exceptionnelle de plans de tomates semés, repiqués et bichonnés par les enfants de la crèche (et non par les adultes) venus vendre leur surproduction au marché paysan du coin… Et la sortie poubelles ! Pour aller vider au container de tri du coin de la rue les briques de lait ou autres emballages… Evidemment, les sorties nature restent mes moments forts favoris. Mais en milieu urbain ces petites sorties dans le quartier sont des moments précieux. Et il y a les parcs, les squares, les jardins partagés, les jardins ouvriers où l’on fait des rencontres végétales et humaines tellement riches. Et plus près, plus simple : la cour, la terrasse ou le jardin de la crèche, de la maison, de l’appartement dans lesquels on peut jouer, prendre le goûter, faire un pique-nique pour rigoler, faire une sieste, surveiller les oiseaux, regarder pousser les radis. Je suis persuadée que vous êtes une de ces personnes qui a osé la sortie nature, les ballades dans le parc voisin ou qui apprécie les temps dans la cour,  et les retours les poches pleines de marrons, de coquillages ou de feuille mortes. Je sais aussi que le quotidien peut reprendre le dessus et que de temps en temps c’est plus compliqué… J’espère donc que cette chronique  vous donnera, les jours où le courage vous manque, l’envie de préserver, de garder vos belles habitudes de sorties.
La belle saison des bonnets, des bottes et des joues qui rosissent est là. Alors faites sortir les enfants !






 
Article rédigé par : Claire Grolleau Escriva
Publié le 08 novembre 2016
Mis à jour le 08 novembre 2016