Une structure de jeu pour tous. Par Didier Heintz

Architecte et Designer d’espaces pour la petite enfance. Cofondateur de l’association NAVIR Enfants, Adultes, Environnement

enfant sur une structure de jeu
Acheter une structure « motrice »? La faire construire ? La placer au meilleur endroit ? Oui, ce n’est pas facile. Les couleurs qui sont proposées dans nos catalogues, pourquoi sont‐elles toujours si criardes et si agressives ? Ne font-elles pas tout simplement partie des arguments de vente, de la belle image ?
Ces couleurs « si gaies » s’harmonisent‐elles avec les couleurs de ma salle de vie, avec les couleurs de la crèche toute entière ?
Oui, les critères de nos choix sont nombreux et devront tous être décidés par l’ensemble de l’équipe. Alors, quels sont les grands principes d’une structure qui nous permettront de bien la choisir ?

1. Elle doit être évolutive. Nous l’avons vu dans notre dernière chronique, l’enfant bouge, grandit ; sa taille est en pleine évolution, ses capacités motrices se développent, et notre structure motrice devra posséder une gradation de difficultés permettant son utilisation aussi bien par les plus petits que par les grands, pour qu’elle puisse garder son intérêt pour chaque enfant le plus longtemps possible. Pour un même enfant, l’intérêt pourra être très grand pendant toute une période. Puis d’un seul coup il semblera s’en désintéresser, comme si maintenant il en avait assez, que son plaisir n’y était plus, et pourtant, quelques mois plus tard, il y reviendra avec joie.

2. Si l’enfant arrive à monter tout seul, il devra aussi pouvoir en descendre tout seul. Une fois monté, cette première étape atteinte par un tout petit, qui le manifestera bien souvent par un petit cri de joie, celui-ci voudra aussi en redescendre, pouvoir le faire sans difficulté avec le même cri de triomphe, le même plaisir pour recommencer encore et encore. Et puis, nouvelle étape, pourquoi ne monterait‐il pas le toboggan à l’envers ?

3. Mais, attention, il faudra qu’il ne se trouve pas devant une impasse ou un obstacle : avoir toujours une entrée et une sortie de même difficulté, et comme nous venons de le voir, pourquoi la sortie ne deviendrait-elle pas une entrée ?

4. Notre structure devra offrir un maximum de circuits que les enfants découvriront petit à petit : aller, venir ; venir, revenir, monter, descendre, choisir son trajet, et encore se cacher, se surprendre et se suspendre lui-même.

5. Choisir une structure dans laquelle les adultes auront accès pour chercher s’il le faut, un enfant en difficulté.

6. Mais me direz-vous, une telle structure pourrait vous-même vous faire un peu peur. C’est donc qu’elle devra donner une impression de sécurité. Si vous adultes êtes sécurisés, les enfants le seront aussi.

7. Tout enfant pourra ainsi montrer aux adultes présents ce qu’il sait faire, sentir leur présence sans pour autant être continuellement sous leur regard.

8. Mais attention une structure génère du mouvement et du bruit, elle devra donc être bien placée dans l’espace de la pièce, loin du coin repos par exemple,de telle manière qu’il y ait un espace au sol le plus grand possible : glisser, descendre du toboggan, courir vers l’escalier, le monter et le redescendre alors que les enfants se suivent et se poursuivent sans relâche, cela demande énormément de place !

9. Le jeu des enfants, les uns avec les autres. Cela se passera entre le haut et le bas : les uns en haut, les autres en bas. N’est‐ce pas aussi vivre l’espace dans toutes ses : dominer et passer dessous, rester sur la plate forme du haut le plus longtemps possible, regarder de là‐haut ceux qui sont en bas.

10. Les relations permanentes entre les enfants. Celui qui entraîne les autres vers le haut, et qui se donne un malin plaisir à les bloquer vers le bas en restant assis sans bouger au milieu de la descente du toboggan lui donne aussi l'occasion d'une première expérience de relation sociale, dont il pourra apprendre lui‐même les conséquences et sa propre part de responsabilité…

11. Et le rêveur ? Lui laissera courir sa main sur la rambarde pour sentir la rugosité du bois, ou la froideur lisse du plastique. Oui, une structure de jeu devrait être un espace multi-sensoriel qui met en éveil tous nos sens et notre relation au monde.

12. De son côté, un simple sol, nu, sans obstacle peut lui aussi devenir espace moteur. Chacun pourra y crapahuter, sauter, s’accroupir, se hisser ou tout simplement courir ; courir et recommencer à tourner autour de l'espace.

13. Les enfants prendront ainsi possession de l’espace tout entier, y découvriront des coins lumineux, des coins d’ombre et tous les petits obstacles qui  le composent, de même que la variété humaine des enfants qui le peuplent.

Alors à vous de choisir : une structure à acheter ? En faire une ? En faire une maquette soi-même ?
Surtout ne pas avoir peur de la réglementation. Une structure de motricité est régie par la norme NF S54-300 qui concerne le matériel éducatif de motricité sous la surveillance d’un adulte.
Article rédigé par : Didier Heintz
Publié le 20 avril 2016
Mis à jour le 18 août 2017