« Accueillir un enfant, c’est accueillir sa famille » : oui, mais …Par Françoise Näser

Assistante maternelle, auteure

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papa et bébé
« Accueillir un enfant, c’est accueillir sa famille ». Lorsque j’ai entendu pour la première fois cette phrase dans la bouche d’une formatrice il y a bien longtemps, immédiatement, elle a fait écho en moi. Bien sûr ! C’est ainsi qu’il fallait agir pour être une bonne professionnelle de la Petite enfance. On ne pouvait pas dissocier l’enfant accueilli de ses parents, de sa famille. Ce n’est pas possible, ni envisageable, ni souhaitable. Il nous faut trouver une place pour l’enfant, et de même, une place pour ses parents : lumineux ! Ni une, ni deux, j’ai immédiatement adopté ce précepte avant même que la Charte d’accueil ne le précise dans ses dix grands principes pour grandir en toute confiance. « Je me sens bien accueilli.e quand ma famille est bien accueillie » était devenu pour moi une évidence et j’ai donc décidé illico de le mettre en œuvre dans ma pratique. Accueillir un enfant, c’est se mettre à sa hauteur, le reconnaître en tant qu’individu, le nommer par son prénom, s’informer de ses besoins et de ses émotions, savoir s’y adapter. Accueillir ses parents, c’est se montrer avenante, à l’écoute, cordiale voire conviviale, c’est également prendre en compte leurs besoins et leurs émotions, c’est les reconnaître et les conforter dans leur rôle. Je nous voyais déjà, les parents avec leurs compétences de parents, et moi avec mes compétences de professionnelle, je nous voyais déjà former une belle et formidable équipe autour de Bébé. J’ai donc ouvert ma porte à tous les parents qui se présentaient, prenant soin de n’en rejeter aucun.

J’accueillais leur bébé avec joie, et je les accueillais eux aussi avec le même enthousiasme. S’en sont suivies quelques années difficiles …Accueillir tous les parents, même ceux pour lesquels je ne ressentais aucune affinité, ceux avec lesquels je n’avais aucun point commun, était une tâche difficile, mais me semblait-il alors, indispensable. Cette famille qui se présentait à moi avec sa culture familiale, son langage, ses habitudes, méritait d’être accueillie le mieux possible. Je me devais, en tant que professionnelle de l’accueil individuel, de faire tous les efforts nécessaires pour que ces parents-là se sentent reconnus dans leur rôle de parents, acceptés, soutenus. Je devais me montrer ouverte d’esprit (même et surtout lorsque je ne comprenais pas leur manière d’agir), flexible (même si cette flexibilité à terme m’épuisait), prête à me remettre en question (jusqu’à ne plus savoir où j’en étais). Serait-ce un hasard si durant cette période nombre de parents ont confondu ma bienveillance avec de la faiblesse, mon écoute avec une thérapie ? Sous couvert de disponibilité, étais-je devenue corvéable à merci ? Est-ce un hasard si durant ces années-là, mes contrats se sont souvent interrompus brutalement, suite à des incompatibilités de caractères et des problèmes relationnels ? En voulant bien faire, trop bien sans doute, avais-je ouvert la boite de Pandore ? Il m’a semblé alors, attirer un certain nombre de parents jamais satisfaits et toujours plus exigeants, des « parents-rois » . La déception et la frustration n’étaient jamais bien loin. Que faire ?

Comment concilier le fameux (et toujours d’actualité) « accueillir un enfant, c’est accueillir sa famille » avec un fonctionnement moins chaotique, plus serein et apaisé ? Comment continuer à proposer un accueil professionnel, en accord avec mes principes mais sans y laisser de plumes ? Nécessairement, il me faudrait à l’avenir, chercher des parents-employeurs plus compatibles avec ma manière de travailler, mes objectifs et mes valeurs. Accueillir tous les parents sans aucune distinction : mission impossible, je l’avais appris à mes dépends. Un travail de réflexion et d’introspection assez long, quelques lectures professionnelles, quelques conseils de collègues m’ont amenée à mettre mes valeurs éducatives par écrit. Un projet d’accueil ? Écrire son propre projet d’accueil, c’est avant tout trier ses idées, les analyser, les faire évoluer avec chaque nouvel accueil qui apporte son lot de nouveaux questionnements. Écrire son projet d’accueil permet de poser un cadre, de pouvoir s’y référer et y revenir en cas de débordements ; il permet de garder le cap malgré les turbulences. Et surtout, il permet de trouver des parents-employeurs partageant les mêmes valeurs, ce qui réduit considérablement les risques de fiascos. Néanmoins, le projet d’accueil est-il la panacée ? Il reste un outil de réflexion et d’analyse, et non une fin en soi. Il ne peut à lui seul résoudre toutes les difficultés relationnelles inhérentes à notre profession (ce serait trop beau !).

 
Article rédigé par : Françoise Näser
Publié le 30 août 2021
Mis à jour le 30 août 2021