Ces faits divers qui nous meurtrissent …Par Françoise Näser

Assistante maternelle, auteure

voiture de police
On ne peut nier que les faits divers traitant d’assistantes maternelles défaillantes font régulièrement la une. Bien plus souvent que les articles vantant les mérites de professionnelles honnêtes, impliquées et compétentes dans leur métier.
Ces articles-là sont bien plus rares, car c’est le sensationnel qui attire invariablement, quel que soit le sujet.
Ces faits divers sont toujours d’une grande violence, avec parfois, malheureusement, des issues fatales pour les enfants. Celle-ci a secoué un bébé qui portera des séquelles toute sa vie : on est atterré que ce genre de choses puisse exister et on est tellement désolé pour cet enfant et pour ces parents qui vivent une tragédie. Cette autre était coutumière de faits de violence sur les enfants qu’elle accueillait : comment cela est-il possible ? On voudrait que les journalistes se trompent, s’égarent : mais non. Pourquoi personne n’a rien vu ? Pourquoi personne n’est intervenu ? Cette dernière a laissé les tout-petits dont elle avait la responsabilité complètement seuls pour aller faire ses courses à 40 km de là. On voudrait lui laisser un droit à la présomption d’innocence. Elle a avoué ! On voudrait lui trouver des circonstances atténuantes. Il n’y en a aucune. Bien sûr, il s’agit toujours de cas isolés, mais les répercussions sur l’ensemble de la profession sont à chaque fois immenses. Les assistantes maternelles sont une fois de plus montrées du doigt, invectivées. Et dans l’inconscient collectif, nous redevenons ces nourrices mercenaires chez lesquelles la mortalité infantile était si élevée.

Les réseaux sociaux jouent un grand rôle dans la diffusion de ces articles : ils y apparaissent, y sont partagés, repartagés. L’info circule dans nos rangs, sur nos pages. Pourquoi ? Pourquoi ce besoin de partager des articles traitant de faits divers qui nous meurtrissent ? Serions-nous masochistes ? Pourquoi étaler aux yeux de tous des actes qui nous révulsent, qui nous choquent et qui nous attirent les foudres du grand public ? Ne faudrait-il pas mieux balayer ces horreurs sous le tapis et attendre que les choses se tassent d’elles-mêmes ? En partageant ces infos, nous éprouvons peut-être le besoin de nous en démarquer, de monter du doigt cette « mauvaise collègue », cette professionnelle si différente de ce que nous sommes et qui nous fait honte. « Secouer des bébés, frapper des enfants, laisser seuls des tout-petits, moi jamais ! » En lisant ces textes, nous ponctuons chaque phrase de « mais ce n’est pas possible ! » ou bien « elle est folle celle-là !», ou encore « mais que font les autorités ! », comme pour nous persuader que cette collègue-là, celle qui se retrouve au tribunal sur le banc des accusés, est totalement différente de nous, une sorte de spécimen en voie de disparition. Il est aussi possible qu’en partageant ces articles, nous souhaitions faire un discret rappel à la loi, à notre obligation de surveillance constante, à notre obligation de résultat en matière de sécurité. Que nous souhaitions rappeler le cœur de notre métier : la sécurité physique et affective des tout-petits qui nous sont confiés et leur épanouissement. Monter ces articles comme des photos en négatif, montrer ce qu’il ne faut surtout pas faire.

Les assistantes maternelles seules, chez elles, sont de grandes utilisatrices des réseaux sociaux. Et heureusement pas uniquement pour partager des faits divers sordides ! Qui n’a pas son groupe d’entraide juridique, son groupe de partage d’idées de bricolage, de recettes ? Beaucoup ouvrent une page Facebook pour montrer à tous leur travail, ces moments de bonheur partagés avec les tout-petits, les animations du Ram, les activités de l’association d’assmats, les sorties.
Les réseaux sociaux aident à se sentir moins seule, et de vraies amitiés virtuelles se nouent parfois, par affinités ou centres d’intérêt. Certains articles partagés nous informent sur l’actualité du métier, nous donnent des idées de lecture pour approfondir tel ou tel sujet, participent à notre professionnalisation aussi parfois.
A propos, m’accorderez-vous une petite parenthèse ? Juste une petite parenthèse pour révéler une évidence : derrière ces articles se trouvent de vraies personnes ! Des journalistes, des auteurs, des chroniqueurs. Lorsque nous laissons un commentaire sous un article, une photo, un statut, n’oublions pas les personnes qui sont derrière, et montrons-nous bienveillants dans la critique. La critique constructive est très appréciable. Elle est appréciée et recherchée car elle fait grandir, elle fait progresser.
A contrario, les insultes, les attaques personnelles et les agressions verbales sont blessantes. Bien sûr, personne ne fait l’unanimité et c’est très bien comme ça : écrire, c’est oser se montrer, prendre position, prendre des risques. Et à ce propos, je tiens à remercier ce site de grande qualité sur lequel j’ai la chance de pouvoir m’exprimer librement et porter la voix des assistantes maternelles depuis maintenant trois ans, et la vraie et belle personne qui est derrière, Catherine. Merci.
 
Article rédigé par : Françoise Näser
Publié le 29 mai 2019
Mis à jour le 18 juin 2021