La grosse colère. Par Françoise Näser

Assistante maternelle, auteure

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petit enfant lit avec adulte
En ce mois de Novembre, les assistantes maternelles ont de nombreuses raisons d’être inquiètes et mécontentes car les aléas, les contre-temps et les menaces s’accumulent de sorte que même les plus placides d’entre nous s’interrogent. Notre métier, que l’on dit en haut lieu vouloir rendre plus attractif, n’est-il pas au contraire régulièrement la cible de mesures visant à le complexifier ?

De nombreuses collègues souffrent encore aujourd’hui des dysfonctionnements de Pajemploi qui ont entraîné parfois des difficultés majeures pour leurs parents-employeurs, lorsqu’elles n’ont pas pu faire prendre en compte leur renouvellement d’agrément par exemple. Si celui-ci n’est pas pris en compte en temps et en heure, la salariée perd son statut du jour au lendemain auprès de l’Urssaf et nos employeurs doivent alors payer les charges sociales, sans toucher de Cmg. De rares cas assez dramatiques ont entraîné le licenciement de collègues anéanties par cette injustice.
Bien sûr ces cas extrêmes sont rares mais assez fréquents néanmoins pour créer un sentiment diffus d’insécurité, personne n’étant finalement à l’abri de se retrouver dans cette situation. Sans parler bien sûr des bulletins de salaire incomplets, des bugs incessants sur ce site, comme par exemple l’exonération liée aux heures supplémentaires et complémentaires, laissant nombre d’entre nous dubitatives quant au futur prélèvement à la source de nos impôts. Bien qu’en théorie, tout semble limpide, qu’en sera-t-il si le site de Pajemploi, lui, n’est pas à la hauteur de la tâche ? Comme cela ne concerne pas l’ensemble de la profession, la majorité d’entre nous ne payant pas d’impôts, tous ces problèmes seront sans doute considérés par nos dirigeants comme quantité négligeable et balayés d’un revers de la main.

En parlant de site qui dysfonctionne, comment ne pas évoquer celui de monenfant.fr, et l’actuelle polémique à ce sujet. S’inscrire sur ce site, pourquoi pas, faut-il encore pouvoir ! On nous dit que l’objectif principal est d’alimenter un fichier centralisé, fiable et actualisé pour pouvoir permettre aux parents de trouver plus facilement une assistante maternelle. Encore une fois, pourquoi pas, si ce n’est qu’aujourd’hui, tous les jeunes parents ont le réflexe internet où les sites de petites annonces en ligne sont nombreux et fonctionnent très bien. La plupart d’entre nous trouvent du travail grâce à ces sites performants et ne jugent guère utile de s’inscrire sur mon-enfant.fr, si tant est qu’elles y arrivent !
Alors certains sont bien tentés d’y voir un but caché, une volonté de nous regrouper toutes et tous au même endroit pour mieux collecter des données, nous surveiller, nous contraindre à accepter des contrats dont nous ne voulons pas, et je ne sais quoi encore. Personnellement, ce n’est pas cette mesure qui m’a le plus choqué, mais la menace de retrait d’agrément qui a immédiatement été brandie, menace un peu adoucie par après au vu du tollé général. Franchement, pour qui nous prend-on ? Serons-nous un jour considérées comme des adultes responsables, ou devrons-nous sans cesse nous sentir menacées de bâton, étrillées comme des ânes bâtés, pour avancer professionnellement ? Mais qu’on se rassure, au final nous n’aurons pas à nous actualiser toutes les semaines sur ce site, c’est vrai que tout de suite, on se sent mieux !

Pour finir, l’annulation ou le report des formations professionnelles par manque de financement. Y a plus d’sous dans les caisses pour les assmats, nous dit-on ! Zut alors ! Parce que justement, c’est bien là que le bât blesse : ces petites mains de l’accueil que nous sommes, peu formées, non diplômées, celles qui passent toujours en dernier des grandes mesures phare annoncées en grande pompe, celles qui ne seront jamais vraiment considérées comme des professionnelles à part entière malgré notre énorme expérience de terrain, par manque de formation théorique justement, eh bien elles sont très déçues de ne pas pouvoir partir en formation, figurez-vous ! C’est le serpent qui se mord la queue ! On nous reproche toujours d’être les travailleurs sociaux les plus mal formés, mais si nous souhaitions toutes bénéficier de la formation continue pour laquelle nos employeurs cotisent, le système s’écroulerait. Un problème ? Mais oui, car on peut légitimement se demander « où sont passés les fonds des années précédentes, lorsque les départs en formation étaient moins nombreux ? Quel est le contrôle de l’État dans ce processus ? », comme le fait très justement Sandra Onyszko de l’UFNAFAAM.

Alors, oui, on est un peu chiffonnées en ce mois de Novembre. C’est pas encore la grosse, grosse colère, mais on sent tout de même que la coupe n’est pas très loin d’être pleine, voyez ? Parce qu’en plus, il y a ce temps de Toussaint qui nous empêche de sortir avec les enfants comme on le voudrait, il y a les premiers gros rhumes, il y a les troubles musculosquelettiques réveillés par le froid (pour les moins jeunes d’entre nous dont je fais partie), il y a les mille et un petits tracas liés à notre quotidien avec les enfants, avec leurs parents, alors il ne faudrait pas non plus penser qu’on peut pousser les assmats à bout sans qu’un jour ou l’autre, il y n’ait des conséquences ...
 
Article rédigé par : Françoise Näser
Publié le 07 novembre 2019
Mis à jour le 07 novembre 2019